Alors que la présence d’un Français – voire de deux – se confirme dans les rangs des djihadistes filmés en train d’égorger des otages syriens et américain , le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a lancé mardi un appel à tous les Français tentés par le djihad. «J’appelle solennellement et avec gravité tous nos compatriotes et particulièrement les plus jeunes, qui sont la cible privilégiée de la propagande terroriste, à ouvrir les yeux sur la terrible réalité des actions de Daech et de ses groupes affiliés qui asservissent, martyrisent et tuent», a-t-il déclaré. «Ces prêcheurs de haine doivent être regardés pour ce qu’ils sont: des criminels qui érigent en système la barbarie».

Mais dans quelle mesure le message de Bernard Cazeneuve peut-il être entendu par les jeunes tentés par le djihad? Sur le terrain, les dispositifs de signalement mis en place par le plan antidjihad sont relayés par plusieurs associations de quartiers. Elles sont chargées d’entrer en contact avec les jeunes et leurs familles signalés par le numéro vert (0800 005 696), le site Internet ou l’adresse e-mail. «Nous sommes l’équivalent d’une cellule psychologique qui pourrait être mise en place après un crash aérien, sauf que notre action s’inscrit plus dans le temps», résume la membre d’une association dont l’antenne, implantée en Seine-Saint-Denis, couvre toute la région parisienne.

Le profil du djihadiste?«froid, réfléchi, extrêmement introverti»

Dans ce processus, le jeune exposé à la radicalisation est sans surprise «au centre des attentions», explique cette juriste de formation. «On lui explique simplement dans quelle mesure cette radicalisation est mauvaise, on en détaille les conséquences sur sa famille et sur sa propre vie.» L’associative cite l’exemple d’une jeune fille de 14 ans partie en Syrie dans le but de faire de l’humanitaire. Mais une fois sur place, elle a été mariée de force, et attend aujourd’hui un enfant. «Je ne suis pas sûre que ce soit la vie rêvée d’une jeune fille de cet âge», commente-t-elle. On les prévient aussi qu’ils seront amenés à commettre des actes criminels, qu’ils vivront au quotidien dans la terreur. On leur explique la réalité de la guerre.» Car le profil du djihadiste est loin du cliché qui le ferait apparaître comme un «dingue barbu qui sort avec sa Kalash en bas de chez lui». Au contraire, ils sont la plupart du temps «très réfléchis, froids, en retrait, extrêmement introvertis». Près de la moitié d’entre eux sont inconnus des services de police.

Une campagne de communication en préparation

Lors de cette prise en charge, le principal objectif reste de maintenir le lien familial. «C’est la condition sine qua non pour que le jeune ne bascule pas», assure-t-elle. «Il faut que les liens avec ses parents restent fort, car le combat se passe entre la famille et les prédicateurs.» Dans un premier temps, les accompagnants font le tri entre ce qui relève d’une conversion classique, et les signes éventuels d’une réelle radicalisation». «Nous ne somme pas une cellule anti-conversion», insiste-t-elle. Composée de deux juristes, deux psychologues cliniciens et deux travailleurs sociaux, l’équipe s’intéresse à l’histoire familiale, l’événement qui a été l’élément déclencheur de cette radicalisation. «Dans 95% des cas, il y a une souffrance qui relève de l’enfance, un traumatisme non repéré donc non soigné», explique-t-elle.

La mise en place de ce système a permis d’éviter «70-80 départs pour la Syrie», estime Bernard Cazeneuve. Mais le ministère de l’Intérieur devrait enfoncer le clou avec une campagne de communication pour dissuader les jeunes candidats au djihad, prévue pour décembre ou janvier prochain. Encore au stade de la préparation, celle-ci pourrait prendre la forme de vidéos, «sûrement au format web», explique-t-on place Beauvau. «Mais il ne s’agira pas du tout de choquer ou de dégoûter», comme la vidéo faite par les Etats-Unis qui reprenait les codes de celles publiées par le groupe État islamique. Actuellement, un millier de Français sont impliqués dans le djihad en Syrie. Parmi eux, environ 375 sont actuellement présents en Syrie et en Irak et au moins 36 y ont déjà trouvé la mort. De fait, les djihadistes français forment l’un des plus importants contingents occidentaux.