RAPPORT / mercredi 2 avril par Serge Faubert

Exclusif : « Bakchich » a pu lire le rapport annuel de la Miviludes avant qu’il ne soit rendu public demain. Un document qui révèle en particulier l’ampleur du lobbying sectaire auprès de l’OSCE, une des plus importantes institutions européennes. Extraits de ce chapitre brûlant

Demain, jeudi 3 avril, le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) Jean-Michel Roulet, rendra public le rapport annuel qu’il a remis ce matin au premier ministre.

En exclusivité, Bakchich livre à ses lecteurs un des passages les plus saillants de ce document : le lobbying des sectes auprès d’une institution mal connue du grand public, mais ô combien importante, l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe, (OSCE). Regroupement de 56 États, l’OSCE a pour mission la prévention des conflits et la gestion des crises à l’intérieur de son espace régional.

Cette conférence permanente est une cible privilégiée des sectes depuis plusieurs années. Elles y mènent un combat d’influence pour obtenir, sinon une reconnaissance, du moins la respectabilité qui leur fait défaut dans de nombreux pays d’Europe.

Une entreprise menée dans la plus grande discrétion. Les sectes s’abritent systématiquement derrière des associations internationales dont l’intitulé anodin ou ambigu abuse plus d’un interlocuteur. Résultat, elles ont réussi, plus d’une fois, à se faire délivrer des brevets d’honorabilité.

À la lumière des investigations menées par la Miviludes, on comprend mieux comment la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon, a pu, il y a quelques semaines, affirmer que les sectes étaient un « non-problème ».

« Incertitudes sur l’avenir de la Miviludes »
Si l’actualité récente, avec la séquestration présumée, en Sardaigne, d’une ancienne adepte de la scientologie par d’autres membres de l’organisation, a remis sur le devant de la scène les dérives sectaires, l’avenir de la Miviludes demeure incertain. Sa mission va à rebours du concept de laïcité positive qu’entend promouvoir Nicolas Sarkozy. Pas question de pointer du doigt telle ou telle association au moment où l’on s’apprête à élargir le spectre des mouvements religieux.

La ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, a déjà donné le ton. Depuis plusieurs mois, elle ignore superbement la Miviludes. Son président, comme Bakchich l’a déjà raconté, en est réduit à la lecture de la presse pour se tenir informé des réunions ministérielles consacrées au problème des sectes.

À cette incertitude sur le sort de la Miviludes est venu s’ajouter, ces dernières semaines, les revers enregistrés par deux figures du combat anti-sectes. La première, le député UMP Georges Fenech, ancien juge d’instruction – il a notamment instruit le procès lyonnais de l’Église de scientologie au début des années 90 –, initiateur des trois commissions d’enquêtes que l’Assemblée nationale a consacrées aux sectes, a vu son élection dans le Rhône être invalidée pour une irrégularité mineure dans son compte de campagne. La seconde, Jean-Pierre Brard, député de Seine Saint-Denis, et maire de Montreuil depuis 1984, a perdu l’hôtel de ville lors du dernier scrutin.

Au sein des Renseignements généraux, la situation n’est pas davantage réjouissante. Le rapprochement de ces derniers avec la DST remet en question les attributions de la section RG chargée de la surveillance des mouvements sectaires. Celle-ci pourrait être dépossédée de sa mission de renseignement et basculer dans la sécurité publique.

Bref, les sectes peuvent se frotter les mains. À ce tarif-là, c’est sûr, elles deviendront enfin un « non problème ». S.F.

http://www.bakchich.info/article3205.html