Ces critères permettent de mettre en exergue la construction de cette soumission de la personne au pouvoir de l’Autre.
Ainsi, le Professeur PARQUET a déterminé :

• Une rupture avec les modalités antérieures des comportements, des conduites, des jugements, des valeurs, des sociabilités individuelles, familiales et collectives.

• Une acceptation par une personne, que sa personnalité, sa vie affective, cognitive, relationnelle, morale et sociale, soit modelée par les suggestions, les injonctions, les ordres, les idées, les concepts, les valeurs, les doctrines, imposées par un tiers ou une institution ; ceci conduisant à une délégation générale et permanente à un modèle imposé.

• Une adhésion et une allégeance inconditionnelle, affective, comportementale, intellectuelle, morale et sociale à une personne ou à un groupe, ce qui va conduire à une loyauté exigeante, à une obéissance absolue et même à une acceptation des sanctions éventuelles.

• Une dépossession des compétences du sujet, une anesthésie affective, cette altération du jugement, la perte des repères, des valeurs et du sens critique.

• Une constatation clinique des dommages qui ont été induits, on parle de « perte de chance », de désordres psychologiques, de dommages sociaux, de dommages familiaux, de dommages professionnels, de dommages économiques, de dommages sociétaux.

L’emprise mentale est donc cliniquement destructrice, elle crée des troubles psychiatriques ou psychopathologiques, induit des conséquences médico-légales et nécessite toujours un suivi spécialisé, une prise en charge importante du sujet sortant.

Dans son analyse de la relation d’emprise, Roger DOREY, Médecin Psychanalyste, Professeur de Psychopathologie à l’Université Paris X, a publié un article intitulé : « la relation d’emprise », dans la Nouvelle Revue Psychanalytique. Il signale trois actes déterminants opérés par le « dominateur » :

1. Le déclenchement d’une opération destinée à anéantir l’autonomie psychique de l’Autre.

2. L’exercice d’une domination amenant l’Autre à se sentir subjugué, contrôlé, manipulé.

3. L’inscription d’une empreinte indélébile sur la victime de cette relation
destructrice.

Le but final de cette orchestration minutieuse se situe dans la jouissance de contempler sa victime aux prises avec ses propres contradictions, il s’agit ici de neutraliser le désir d’autrui.
Cette analyse peut être nuancée dans le cas des dérives sectaires car la jouissance du manipulateur peut être dominée par sa cupidité, son désir d’instrumentalisation de l’Autre à des fins personnelles et mercantiles.
Le retentissement psychologique directement imputable à ce type de manipulation mentale traverse la clinique classique du syndrome anxio-dépressif, au passage à l’acte suicidaire, aux mécanismes phobiques jusqu’à la clinique de la psychose, les structures initiales des adeptes pouvant être dans ce type de registre avant la rencontre avec le groupe pathologique.
Les éléments de dépendance sont nombreux car le travail de soumission par le remaniement psychique est important durant les années de captation du sujet, c’est pourquoi la sortie d’un adepte nécessite une prise en charge spécialisée afin d’éviter tout retour vers le groupe initial (qui relancera le sujet ou le diabolisera),
ou toute décompensation mettant le sujet en danger, il faut pour ce faire, raviver
le sujet en remplacement de la personnalité clonique construite par le groupe.
Il s’agit d’apporter les soins nécessaires à la structure malmenée pendant des mois ou des années, le sujet ayant été victime d’une perte de repères, d’une rupture avec son environnement de base, de violences, de pertes de sommeil, de troubles de l’alimentation, d’une sexualité orchestrée, pour certains d’actes médicaux légaux… et d’apporter au sujet des éléments de réponse sur ce qui l’a conduit à
adhérer à ce type de groupe afin de le conduire à travailler sa problématique initiale parallèlement.
Il s’agit également de travailler les points particuliers liés à l’emprise mentale, le sujet ayant été poussé au-delà de ses croyances, ayant été exploité, spolié, humilié, quelquefois violé, poussé à voler, à commettre des actes illégaux, … et ayant à retrouver le regard et les questions de proches suspicieux, plongés dans l’incompréhension face à un des leurs qui a pu aller aussi loin dans la démesure, le rejet…

Les éléments de culpabilité sont nombreux et les mécanismes de répétition liés aux habitudes, aux rituels imposés par le groupe sont tenaces, le sujet doit donc traverser de nombreuses étapes afin de reprendre des attaches dans le monde réel.

Il semble congruent à l’Emprise Mentale de ne pouvoir être pensée, non seulement car elle ne relève d’aucune preuve objective, mais elle est impensable, de façon immanente. Pour exemple, on admet le « syndrome de stockholm », qui relève de la même aliénation paradoxale que l’Emprise Mentale, la seule différence est que le statut de victime est déjà obtenu, mais le mécanisme psychologique est le même.
Est-ce là, l’origine de la difficulté des Juristes à aborder ce phénomène ?

Source : “Manifeste pour une législation efficace de protection des victimes d’emprise mentale ”
éd.CCMM
par le Collectif SFRAEM