Depuis le début de la crise du coronavirus, les évangéliques néocharismatiques ou pentecôtistes attirent de plus en plus la lumière par de chimères déclarations. Qu’ils résident aux Etats-Unis, au Brésil ou en France, ils en appellent tous à Dieu. Le pasteur français, Ivan Castanou, a lancé, le 23 mars dernier, un appel au jeûne et à la prière pour lutter contre le Covid-19. Du 25 au 27 mars, 873 églises et oeuvres participantes, à travers le monde, ont pris part à ce rassemblement spirituel. Comment expliquer aujourd’hui les croyances de ce mouvement, issu du christianisme, qui justifient l’implication de ces milliers de fidèles ?
«Le diable a engagé une puissance pour détruire ce monde ! », exhorte le pasteur, Yvan Castanou, dans la vidéo(1) qui lance l’évènement levons-nous.com(2). Cofondateur avec son frère jumeau, Yves, de l’Église évangélique charismatique néo-pentecôtiste « Impact Centre Chrétien », il prêche, chaque semaine, devant, environ 2 000 fidèles, et cumule des millions de vues sur les mises en ligne de ses cultes. Postée le 24 mars sur le compte Instagram de l’Église, la vidéo semble aujourd’hui jouer à cache-cache sur le net. Son titre : « Nous sommes en guerre », n’est pas sans rappeler la phrase choc, dans son discours du 16 mars dernier, du président Emmanuel Macron. Des effets sonores rythment les images reprises des journaux télévisés français et d’outre-Atlantique. En une minute et six secondes, palpitations garanties, Yvan Castanou lance un combat implacable, au nom de Jésus, contre le coronavirus qui est en train de « défier la foi de l’Église ». Un combat contre le diable, car c’est bien de lui qu’il s’agit. Ce virus ne peut être qu’un tour de Satan pour fragiliser l’église, et empêcher les croyants de se recueillir ensemble et d’imposer les mains.
Depuis le début de la pandémie, des pasteurs et prédicateurs néopentecôtistes américains dénoncent, eux aussi, le climat de terreur que le diable répandrait sur la terre, à travers le coronavirus. Le télévangéliste texan, Kenneth Copeland(3), a même affirmé que la peur du virus était un péché. Le théologien, André Gagné, professeur agrégé à l’université Concordia (Québec) et spécialiste de ces mouvements, que nous avons rencontré à Montréal, nous explique qu’il s’agit d’un combat spirituel, au nom de Jésus, « pour s’assurer de ne pas être manipulé par les forces démoniaques qui pourraient vouloir leurs pertes ».
Le 50:15 répond immédiatement
Dans son prêche du 8 mars(4), dernier dimanche avant l’interdiction en France des rassemblements de plus de 100 personnes, Yvan Castanou martèle : « Mais qu’est-ce qui se passe ? Epidémie de peur ! » Une peur qui se répandrait aussi par le « tapage médiatique » fait autour de « cette simple grippe ». S’il concède que le diable est « bigrement efficace », il ajoute face à ses fidèles : « Mais sur toi et moi il a échoué lamentablement. » Le pasteur imite, avec un sens avisé de la dramaturgie, ceux qui dans le climat actuel regardent méfiants autour d’eux, mais rassure : « Ceux qui se confient en Jésus sont calmes, détendus, ils savent qu’ils sont intouchables. » Les affirmations sont interrogatives et attendent l’approbation de la salle, qui systématiquement répond : « Amen ! »
Ces déclarations justifient le prêche du jour : « Epidémie de virus, épidémie de peur : Que dit Dieu de tout ça ? » Une manière de rassurer les croyants et de leur rappeler les fondements de leur foi, et l’immunité que leur octroie le sang de Jésus. « Lorsque tu vas toucher quelqu’un, ce ne sera pas la maladie que tu vas lui transmettre, mais la vie éternelle parce que ce virus va rencontrer la voix du sang qui va lui dire : qui es-tu ? » Yvan Castanou louvoie d’une voix gutturale, entre humour et verset biblique : « Avant d’appeler le 15 il faut appeler le 50:15 (psaume 50, verset 15) parce que le 50:15 il répond tout de suite, pas besoin de file d’attente ! (…) On va fermer les Églises pourquoi ? Dieu c’est immédiat ! »
L’évangélisme trouve son origine dans le protestantisme, et dans la Réforme amorcée au XVIe siècle. Il se décline en différentes mouvances dont celle du pentecôtisme, dit aussi néo-charismatique, qui débute au XXe siècle. La Bible est le fondement de leur foi, la vérité est la parole du Christ. Mais selon André Gagné ce mouvement s’inscrit : « Dans une lecture et une herméneutique propre des textes bibliques avec laquelle ils ont érigé une pneumatologie, une théologie de l’esprit saint qui légitime leur agir et leur pratique courante en tant que croyants au sein de leurs assemblées. Ils n’ont pas de doute quant à l’existence d’un monde surnaturel invisible composé de Dieu, de Satan, d’anges et de démons, qui influence la vie des gens et le monde matériel dans lequel on vit. » Les pentecôtistes sont donc ouverts aux charismes de l’esprit, aux miracles, à la capacité de chasser les démons, et aux prières de guérison. Le jeûne leur permettrait d’être plus sensibles à ce monde par l’abnégation du corps et des choses matérielles. Ces croyants sincères constituent l’église, et matérialisent le corps du Christ mort, pour les péchés des hommes, sur la croix, et ressuscité. Ils l’ont accepté comme sauveur personnel, lors de leur conversion à l’âge adulte. Une nouvelle naissance, où ils ont reconnu leur état de pêcheur et accepté le pardon qui leur est offert. Reconnaître le message de la crucifixion du Christ leur apporte le salut et la réconciliation nécessaires avec Dieu pour accéder à la vie éternelle… « Elle est dans mon esprit et dans mon corps. Une vie que le monde ne connaît pas. », proclame Yvan Castanou. Le sang de Jésus serait comme un garde-frontière, et chaque croyant un soldat. Mais « si les soldats sont gagnés par la peur, comment veux-tu que le monde nous trouve crédibles ? », lance le pasteur qui précise : « Pour ceux qui sont en Christ, la loi de l’esprit de vie en Jésus affranchit la loi du péché (Satan) et de la mort. Elle n’annule pas, elle permet d’opérer à un autre niveau : la vie éternelle, mais à condition de dresser la table pour faire rentrer le sang dans ton corps. » Une grâce offerte donc… à travers la mort du Christ, mais précise Yvan Castanou : « C’est une question de foi et d’obéissance. » Chez les néo-charismatiques ou néopentecôtistes, la personne doit s’engager. Pour être sauvé il ne suffit pas de dire oui à Jésus. « C’est une coopération entre l’individu et Dieu. Ils doivent travailler à leur salut car ils peuvent le perdre. Tous sont appelés à bâtir le royaume de Dieu maintenant », explique le théologien André Gagné. Le but premier de cette rédemption serait donc de gagner des âmes, pour inciter le Christ à revenir et faire advenir le royaume de Dieu sur Terre. Ils se préparent au retour du Christ, qui reviendra les chercher sans prévenir : « Cela fait partie de leurs croyances eschatologiques », explique André Gagné. « A la fin des temps, seuls ceux qui ont cru en lui seront sauvés et enlevés pour rejoindre le Seigneur. Les personnes mortes en Christ seront elles, ressuscitées, et ensemble elles revêtiront l’incorruptibilité et l’immortalité. »
Le 8 mars dernier, Yvan Castanou, « divinement immunisé », comme il se qualifie et cofondateur de cette megachurch qui regroupe quatre-vingts cinq églises à travers le monde, a rassuré ceux qui marchent en Christ. Pourtant, le 14 mars, dans un communiqué officiel(5), il annonce que les églises d’Impact Centre Chrétien ont le devoir, l’obligation de prendre part au combat contre le coronavirus, et de respecter les mesures gouvernementales. Comme le rappelle Bulangalire Majagira, le président de la CEAF, la Communauté des Églises d’expression Africaine à laquelle est affilié Impact Centre Chrétien : « Ne pas les observer serait un acte d’inconscience spirituelle et humaine coupables. »
« Dieu m’a dit »
Si Yvan Castanou a rappelé à sa congrégation l’injonction du respect des règles sanitaires, imposées par les autorités, pour éviter la propagation du virus, certains sous-entendus bibliques ne pourraient-ils pas rendre le message ambigu ? Les prochaines assemblées se feront désormais connectées, et l’appel à la mobilisation des chrétiens, pour ces trois jours de jeûne et de prière : « Va apporter un nouvel élan »… Yvan Castanou exulte, de sa voix caverneuse, en parlant de Satan : « Tant que l’on n’a pas été enlevé nous avons le pouvoir de faire échouer ses plans et c’est ce qui va se passer au nom de Jésus ! » Une telle assurance, impétueuse et abstrus, ne peut rendre l’attente que plus fébrile. Le 29 mars(6)dernier, le pasteur révèle que le Seigneur a levé une armée dans la francophonie. Dieu m’a dit : « D’ici quelques semaines on n’entendra plus parler du coronavirus. » Beaucoup auraient reçu les mêmes révélations ! « Quand les justes crient, le seigneur entend et les délivre de toute leur détresse », lance Yvan Castanou. Mais attention, si Dieu a permis cette pandémie c’est pour « détourner les intentions de Satan » et permettre à l’homme et à l’église d’en tirer des leçons car la faute en revient à ceux « qui ont rejeté Dieu et qui ont donné le pouvoir à Satan ». Sandrine Plaud
- https://www.facebook.com/2694202573939273/videos/223893068995757/
- https://emcitv.com/levonsnous/levons-nous.php
- https://www.charismanews.com/us/80283-kenneth-copeland-fear-of-the-coronavirusis-
not-ok-it-is-sin - https://www.facebook.com/97435171885/videos/191141822158512/
- https://www.facebook.com/YCastanou/videos/2522341064538577/
- https://www.youtube.com/watch?v=nqFx4HIFiD4
:source :
https://www.golias-editions.fr/2020/05/01/contre-le-covid-19-trois-jours-de-jeune-et-de-priere/