“Depuis près d’un an, nous travaillons sur la détection et la prévention des comportements radicaux”, explique Serge Blisko, président de la Miviludes (lutte contre les dérives sectaires).

“Nous avons assuré la formation du personnel du numéro vert, mis en place en novembre par le ministère de l’Intérieur pour assister les familles confrontées au départ de mineurs pour la Syrie. On a également formé plusieurs centaines de fonctionnaires de préfectures sur le jihadisme, les concepts clefs de l’islam contemporain et les mécanismes de l’emprise mentale, notamment par internet”.

“Des pays ont tenté des expériences et on échange beaucoup avec le réseau européen RAN du Conseil de l’Europe qui finance des études sur la radicalisation et promeut des échanges d’expériences entre chercheurs. Mais c’est encore tôt pour parler de méthodologie même si on retrouve souvent les mêmes préconisations: garder le contact, éviter que les gens s’isolent. Il y a parfois un travail de thérapie familiale avec des psychologues”.

En juin, l’Intérieur avait réuni représentants des cultes, policiers, associations et chercheurs pour plancher sur la création d’une cellule nationale de prévention de la radicalisation mais le projet n’a pas eu de suite.

Le premier développement des signalisations du numéro vert “anti-jihad” vient de Seine-Saint-Denis où a été créée en novembre la première cellule expérimentale de prévention du terrorisme. Elle prend en charge des jeunes radicalisés ou en voie de radicalisation et leurs familles avec l’aide de psychiatres, psychologues mais aussi de médiateurs religieux. Elle accueille aujourd’hui une trentaine de familles.

“Notre méthode? Tout dépend du profil du jeune, de son histoire familiale. Pour amorcer le désembrigadement, on doit passer par le cultuel, par une autre vision de la religion, c’est primordial”, a expliqué sur BFMTV-RMC Sonia Imloul, responsable de la cellule, en soulignant aussi l’importance de “garder et même renforcer” le lien familial.

– ‘Libérer la parole’ –

L’école “peut être aussi une solution majeure”, a affirmé la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem, qui a consulté toute la semaine la communauté éducative.

Parmi les axes prioritaires, la formation continue des enseignants “sera renforcée”. Sur l’enseignement laïque, des faits religieux et la laïcité, un livret est en préparation pour les chefs d’établissement et directeurs d’école.

L’enseignement moral et civique, dit “morale laïque” initié par Vincent Peillon, entrera en vigueur du primaire à la terminale à la rentrée 2015.

“Il intègrera de manière transversale une éducation aux médias, les problématiques de lutte contre le racisme et toutes les formes de discriminations, les notions de droits et de devoirs, le principe de laïcité”, selon la ministre. Un livret de prévention de la radicalisation, qui “s’apparente à une dérive sectaire”, sera enfin “prochainement” diffusé aux personnels de l’éducation.

Pour agir en prison, Manuel Valls a annoncé vouloir “généraliser l’isolement des détenus islamistes radicaux” dans le prolongement de l’expérience en cours au centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne).

Le ministère de la Justice a lancé un appel d’offres visant à créer des programmes pour affiner la détection de la radicalisation en prison mais aussi se doter d’outils pour aider au désendoctrinement des jeunes recrues. Des expérimentations démarreront prochainement dans deux établissements.

Pour la sociologue Ouisa Kies, spécialiste de la radicalisation en prison, le travail doit passer par la parole: “Il ne faut pas faire de morale, mais échanger. Ces gens qui ont souvent beaucoup de mal à s’exprimer sont des cocottes minute dont il faut relâcher la pression. D’autres, en rébellion contre les institutions, utilisent l’islam comme un outil d’insoumission anti-impérialiste”.

L’intervention en prison de victimes d’attentat qui se sont reconstruites ou d’anciens islamistes repentis est envisagée.

“L’objectif final, c’est qu’ils se disent: on peut ne pas être d’accord mais il y a d’autres moyens que la violence pour s’exprimer”, explique Ouiza Kies qui insiste aussi sur l’importance des projets professionnels car dit-elle, “c’est par le travail qu’un individu s’identifie à une société”.

source : le point.fr