Les structures d’alerte et de déradicalisation mises en place en France depuis un an fonctionnent plutôt bien. Mais elles se heurtent à l’immensité de la tâche.

“Ce n’est pas l’un des nôtres…” Dounia Bouzar pousse un soupir de soulagement. Non, Yassin Salhi, le principal suspect de la décapitation de son patron et de l’attentat contre une usine iséroise, ne fait pas partie des hommes et femmes passés par son Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI), créé au printemps 2014. Mais cette ancienne éducatrice à la Protection judiciaire de la jeunesse (1) le sait: au prochain attentat, elle tremblera encore. Depuis plus d’un an, la France, longtemps adepte du 100% répressif, tente de rattraper son retard en matière de prévention de la radicalisation. La tâche est complexe. Comment détecter les pulsions djihadistes avant le passage à l’acte? Et comment désintoxiquer ceux qui ont combattu en Irak ou en Syrie sous les étendards de l’Etat islamique ou du Front Al-Nosra? La tâche est immense, aussi. Depuis la création au printemps 2014 du numéro vert (2) permettant de donner l’alerte, cette plateforme téléphonique a enregistré 2400 signalements. Auxquels s’ajoutent les 2300 noms transmis par les préfectures. Quelque 4700 personnes au total, dont 35% de femmes et 25% de mineurs, dont la radicalisation inquiète la famille, les profs, les avocats, les policiers.

Les municipalités s’y mettent

Parmi eux, les profils les plus préoccupants sont confiés aux services de police et de renseignement. Les autres sont aiguillés vers les cellules créées dans chaque département. Depuis quelques semaines, une “brigade mobile de déradicalisation”, pilotée par le CPDSI de Dounia Bouzar, se tient à la disposition de ces équipes départementales, parfois dépassées, pour leur transmettre sa “méthode de désembrigadement à la française” qui s’appuie notamment sur les témoignages de “rescapés”.

Certains dossiers sont confiés à des structures associatives telles que le CPDSI. L’une d’entre elles, la Maison de la prévention et de la famille, ouverte par Sonia Imloul en Seine-Saint-Denis, pourrait être écartée du dispositif. Selon nos informations, la préfecture de police de Paris envisage de ne pas lui renouveler sa subvention de 30 000 euros si elle n’obtient pas de précisions sur l’utilisation de ces fonds.

La prévention à la française passe aussi par la formation. 2500 fonctionnaires de différents ministères ont déjà appris à détecter les signes avant-coureurs de radicalisation. Et ce n’est qu’un début. 9000 autres devraient être formés avant 2017. Les municipalités s’y mettent. “Nous allons former les acteurs locaux et le personnel communal de Sarcelles”, confie François Pupponi, député maire socialiste de la ville du Val-d’Oise.

Les prisons, hauts lieux de radicalisation, n’ont pas été oubliées. L’Association française des victimes du terrorisme et l’Association dialogues citoyens ont été mandatées par le ministère de la Justice pour élaborer des méthodes de détection de la radicalisation et de prise en charge des détenus concernés. Pour les vétérans du djihad qui ne font pas l’objet de poursuites judiciaires, une structure d’accueil devrait voir le jour avant la fin de l’année. Elle offrira aux volontaires le soutien de psychologues et de spécialistes des dérives sectaires. Cet arsenal préventif mettra-t-il la France à l’abri du risque terroriste? Même le Premier ministre, Manuel Valls, ne se fait pas d’illusions. Comme il l’a rappelé après les attentats de janvier, “le risque zéro n’existe pas”.

(1) Auteur de Comment sortir de l’emprise djihadiste? (Les Editions de l’atelier), prix de L’Express 2015.

(2) 0-800-005-696.

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source : Par Anne Vidalie,

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