Un sujet s’est imposé cette semaine avec la hausse des vidéos et des informations sur les réseaux sociaux et dans certains médias concernant les théories du complot. Pour la psychothérapeute que je suis, j’ai commencé à m’inquiéter quand j’ai commencé moi-même à recevoir diverses fausses nouvelles et théories du complot sur mes médias sociaux et dans mes courriels.
Alors que la plupart d’entre nous vivons plus ou moins d’anxiété et de peur face au virus de la COVID-19 et que nous sommes seuls devant nos écrans, ces théories peuvent donner des réponses à l’incertitude dans laquelle nous sommes. Nous constatons de plus en plus chaque semaine que les scientifiques peinent à comprendre le nouveau virus et les traitements possibles. Les complotistes, eux, apportent des réponses.
Les théories du complot sont des réponses externes à des émotions internes, mais c’est aussi un phénomène très complexe qui fait appel à des enjeux psychologiques particuliers. Ces théories permettent de trouver de la sécurité et du contrôle. Elles permettent aussi de réguler l’estime de soi en donnant l’impression d’avoir un savoir que d’autres n’ont pas. Elles redonnent un sentiment de confiance. Puis, en ces temps de confinement où l’impuissance est lourde, avoir l’impression de pouvoir prévenir ses proches et de les aider est un apaisement.
David Freeman et Richard Bentall, chercheurs à l’université d’Oxford, ont déterminé trois facteurs qui favorisent l’adhésion au discours complotiste : les facteurs de prédisposition (défiance envers l’autorité, faible capacité à accepter l’incertain, etc.), des déclencheurs dans l’environnement (essentiellement des événements à fort pouvoir émotionnel) et des biais de raisonnement (sources d’informations sélectionnées, biais de confirmation, rigidité cognitive, confiance en ses intuitions).
Ce n’est donc pas un hasard que les théories concernant ce nouveau virus soient de plus en plus nombreuses alors que nous sommes de plus en plus inconfortables avec l’imprévisibilité de cette maladie qui change notre vie. Dans la dernière semaine, on nous a parlé de l’échec des mesures de soutien pour les personnes en CHSLD, de déconfinement et des risques de transmissions élevés (R0) de ce virus. L’incompréhension de la population et la méfiance envers les autorités augmentent. Les complotistes, eux, apportent des réponses.
Et bien que les théories du complot puissent donner une impression de repères, elles comportent aussi un certain nombre de risques. Comme elles incitent à la méfiance, elles peuvent générer colère et discrimination, qui mènent à encore plus d’isolement et de solitude.
Avec les proches qui ont choisi de croire à ces diverses théories, rien ne sert de tenter de les convaincre. S’ils ont des questions, demeurez descriptifs dans vos réponses. Mais tentez plutôt de savoir comment ils vivent cette situation au quotidien. Portez de l’intérêt à comment ils vont et rappelez-vous combien il est difficile de vivre cette période.
C’est vrai que la réalité actuelle est inconfortable et qu’elle n’apporte pas de réponses à toutes nos questions. Ne pas savoir, c’est difficile à tolérer! C’est pourquoi cette situation est si anxiogène pour beaucoup de gens. Difficultés financières, solitude, perte de repères, découragement et fatigue sont quelques-uns des enjeux avec lesquels il faut vivre au quotidien. Soyons bienveillants envers nous-mêmes et les autres afin de nous aider à traverser cette période difficile.Pour parer aux difficultés de la situation et tolérer l’inconfort, il faut trouver un équilibre au quotidien. Avoir du temps pour soi, faire de l’exercice, travailler, garder le contact avec ses proches et s’amuser. Souvenons-nous tous qu’il y aura une fin. Mais d’ici là, nous devons vivre cette épreuve tous ensemble.
source :
La Nouvelle Union
Le 9 mai 2020
Par Line Lacaille, psychothérapeute, travailleuse socialecovid 19 et théorie du complot