CAMPAGNE – “En parler, c’est déjà se soigner.” Le gouvernement a lancé ce mardi 6 avril une campagne grand public pour inciter les Français à “parler” de leur état psychologique, durement affecté par la pandémie de Covid-19. Organisée par Santé publique France (SPF) et le ministère de la Santé, cette campagne vise à détecter les problèmes psychologiques et psychiatriques est “primordial” pour permettre “une prise en charge adaptée”.

Selon les enquêtes menées régulièrement par SPF depuis un an, la proportion de Français rapportant des états anxieux ou dépressifs a fortement augmenté depuis le premier confinement et se maintient à un niveau élevé depuis, avec près d’un tiers (31%) de la population concernée.

“Est-ce que toutes les personnes qui souffrent de troubles doivent voir un psy? Pas forcément”, a souligné lors d’une conférence de presse en ligne Aude Caria, directrice de l’organisme public d’information Psycom. Pour certaines personnes, un temps d’écoute suffira, tandis que d’autres auront besoin d’être orientées vers un professionnel.

Pour trouver de l’aide, la campagne renvoie sur le numéro vert 0.800.130.000, créé par le gouvernement pour répondre à toutes les questions liées au Covid, et qui donne accès à un service de soutien psychologique, ce que seulement 17% des personnes interrogées savent. Elle dirige également vers le site Psycom.org, qui propose “une information fiable, accessible et indépendante (…) sur la santé mentale et les troubles psychiques ainsi que des contenus spécifiques sur la santé mentale et la Covid-19”.

Les messages destinés aux 18-25 ans renvoient plus spécifiquement sur le site Fil Santé Jeunes, qui offre une écoute gratuite et anonyme par téléphone (0.800.235.236) et par chat.

“Tous les citoyens ne peuvent pas se payer des consultations”

Une démarche saluée par les professionnels du secteur. “C’est une très bonne idée par les temps qui courent”, assure au HuffPost Gladys Mondière, psychologue et co-présidente de la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP). “Une nécessité”, abonde son collègue Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP), maître de conférences en psychologie clinique.

“Mais les professionnels de santé vont-ils pouvoir répondre à la demande?”, s’inquiètent ces deux praticiens. “Tous les citoyens ne peuvent pas se payer des consultations dans le libéral et mes collègues dans les hôpitaux et les CMP (Centre médico-psychologique) sont débordés”, souffle Gladys Mondière.

Au sujet des lignes d’écoute, Patrick-Ange Raoult juge que ce sont pour “beaucoup des associations caritatives, qui font certes un travail d’accompagnement et de soutien non-négligeable, mais dans lesquelles ce ne sont pas des psychologues diplômés qui interviennent”. Face à une “manque de moyens”, ces deux psychologues craignent que cette campagne ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau et appellent à accélérer les choses au sujet du remboursement des séances chez les psychologues libéraux.

Quid du remboursement

Un schéma testé depuis deux ans dans quatre départements (Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Landes, Morbihan) et qu’il conviendrait de “généraliser dès que possible”, estime la Cour des comptes dans un rapport publié le 3 février dernier. Mais à en croire Patrick-Ange Raoult et Gladys Mondière, ça coince.

“Les arbitrages auraient dû être réalisés en mars, mais on attend toujours, explique Patrick-Ange Raoult. “Depuis l’automne dernier, nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet avec la CNAM (Caisse nationale de l’assurance malacdie), le SNP, la FFPP et le ministère de de la santé, ajoute Gladys Mondière.

Parmi les points de désaccords se trouve notamment le montant des consultations qui pourrait se situer “entre 22 et 32 euros”. Des tarifs jugés trop bas pour la majorité des psychologues. Les différents acteurs du secteur ne s’entendent pas non plus sur la nécessité ou non d’avoir une prescription médicale d’un généraliste avant de consulter un psychologue.

Mais Gladys Mondière tient à rappeler que “c’est le bon moment pour lancer une telle campagne”. “La dernière en date remonte 2007, note-t-elle, avant tout d’ajouter qu’il ne s’agit pas forcément de s’engager dans une “thérapie sur dix ans”. “On peut être très soulagé en seulement quelques séances”.

Du côté des mutuelles, “un minimum de 4 séances par année pourra être prise en charge dans une limite de 60 euros par séance”, détaillait il y a deux semaines la Mutualité française dans un communiqué.

Quels sont les symptômes ?

La campagne de Santé Publique France, qui sera lancée ce mardi sur internet et à la radio et sera complétée “par un spot diffusé à la télévision” et en vidéo en ligne ”à partir du 20 avril”, doit “favoriser le repérage des principaux symptômes anxieux (irritabilité, sensation de panique) et dépressifs (tristesse, perte d’intérêt, d’énergie) ainsi que des problèmes de sommeil (souvent associés aux états anxieux et dépressifs) à travers des scènes de la vie quotidienne”, détaille l’agence sanitaire.

“Chez les plus jeunes, des troubles alimentaires ou phobiques peuvent alerter”, complète Gladys Mondière, qui estime que globalement, “tout changement de comportement chez eux (repli sur soi, plus envie d’échanger ou de sortir…) peut être un signal d’alerte”.

Pour ce qui est des adultes, elle rejoint l’analyse de Santé Publique France, évoquant comme symptômes des “troubles anxieux ou du sommeil (ne plus avoir envie de se lever, d’aller travailler, etc.).

Elle met également en garde contre une banalisation de ces symptômes. “Je me rends compte à travers mes consultations que beaucoup de gens me disent ‘ça va aller’, ‘je vais tenir bon’… Ce sont justement de mauvais indicateurs qui montrent peut être qu’on est déjà au bout de ses possibilités psychiques”

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