L’antique concile de Nicée de 325 après Jésus-Christ avait ainsi arrêté la confession de foi des chrétiens : « Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de toutes choses visibles et invisibles ». Cette foi en un Dieu créateur est inscrite dès les premiers mots de la Bible : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. » (Genèse 1 :1). Cette foi des chrétiens, et déjà des juifs bien avant eux, n’a jamais posée de problème au sein des sociétés dans lesquelles ils ont vécu mais qu’en est-il aujourd’hui ?

En octobre 2006 le parlementaire européen McIntosh rédige un texte signé par 18 de ses collègues qu’il soumet à la Commission de la culture, de la science et de l’éducation du Conseil de l’Europe. Suite à cela, en juin 2007, l’Assemblée Parlementaire de l’Europe publie un rapport ayant pour titre « Les dangers du créationnisme dans l’éducation » , ce rapport sera suivi de l’adoption d’une résolution au mois d’octobre de la même année, la résolution 1580. Cette résolution rappelle que si la doctrine de l’évolution est scientifique, la doctrine de la création est religieuse, une donnée de la foi. Le Conseil de l’Europe rejette le projet des créationnistes d’introduire dans l’enseignement scolaire le créationnisme comme discipline scientifique. Au-delà d’une divergence d’opinion le Conseil de l’Europe juge que le créationnisme pourrait nuire au développement des sociétés européennes. Pour le Conseil de l’Europe « l’évolution ne se réduit pas à la seule évolution de l’homme et des populations. Sa négation pourrait avoir de graves conséquences pour le développement de nos sociétés. [… ] Si nous n’y prenons garde, les valeurs qui sont l’essence même du Conseil de l’Europe risquent d’être directement menacées par les intégristes du créationnisme. »

En mars 2007, un article intitulé « Créationnisme contre théorie de l’évolution» a paru sur le site info-sectes de la région Midi-Pyrénées. On y trouve le commentaire suivant : « Très développé en effet outre Atlantique, le créationnisme oppose des évangélistes aux scientifiques en interprétant à la lettre des passages de l’Ancien testament et (sic) prônant que la terre n’aurait que 6000 ans. » Les « évangéliques », et non les « évangélistes », terme qui désigne le service de celui qui annonce l’évangile, se retrouvent sur un site d’information sur les sectes à cause de leur foi en un Dieu créateur. Et ce au milieu des musulmans et aux côtés d’un homme dont il écrit : « La plupart des membres de sa secte ont été poursuivis en justice et Harun Yayha a été condamné et emprisonné fin 1999 pour chantage, extorsion, possession d’armes illicites et rapports sexuels avec des mineurs. »

Cette préoccupation du Conseil de l’Europe est aussi celle des deux grandes organisations associatives qui luttent, en France, contre les dérives sectaires. En 2008 le « Cercle Ramadier », cercle maçonnique rassemblant les hommes et les femmes politiques de gauche, a tenu un colloque intitulé : « Sectes et créationnisme, un cheval de Troie dans la république ». Mme Catherine Picard, Présidente de l’UNADFI, et intervenante de ce colloque s’inquiète à ce propos du « recul de la raison ». Le rédacteur du compte-rendu lance ce cri d’alerte : « Là où le mouvement sectaire rejoint le créationnisme contre la doctrine de l’évolution, il y a nécessité d’une défense virulente de l’idée de progrès, de l’esprit critique et de la raison. » Ce colloque ne semble pas mettre directement en cause le créationnisme mais plutôt «là où le mouvement sectaire rejoint le créationnisme ». Mme Annie Guibert, Présidente du CCMM Centre Roger Ikor, nous partageait récemment son inquiétude quant au créationnisme au sein des milieux évangéliques français.

Le Conseil de l’Europe dans sa résolution 1580 sur les dangers du créationnisme dans l’éducation souligne deux points importants : « L’objectif de la présente résolution n’est pas de mettre en doute ou de combattre une croyance – le droit à la liberté de croyance ne le permet pas. Le but est de mettre en garde contre certaines tendances à vouloir faire passer une croyance comme science. » Et ensuite : « L’importance de l’enseignement du fait culturel et religieux a déjà été soulignée par le Conseil de l’Europe. Les thèses créationnistes, comme toute approche théologique, pourraient éventuellement – dans le respect de la liberté d’expression et des croyances de chacun – être intégrées à l’enseignement du fait culturel et religieux, mais elles ne peuvent prétendre au respect scientifique. »

La Bible invite les croyants à croire que Dieu est le créateur plus qu’à le démontrer par des moyens scientifiques. Nous pouvons lire dans le Nouveau Testament : « C’est par la foi que nous reconnaissons que le monde a été créé par Dieu. » (Epître aux Hébreux 11 :3) Ce n’est pas par une démonstration scientifique que le chrétien est « créationniste » mais c’est par la foi. Le « créationnisme » est une croyance et a toujours été une croyance. L’étude du monde par les scientifiques peut les amener à se poser des questions sur l’origine de la création. La Bible dit d’ailleurs à ce sujet : « Les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’œil nu, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. » (Epître aux Romains 1 :20) La création, dans sa beauté, sa grandeur, sa complexité, est à elle seule un merveilleux moyen d’interpeller les hommes, non seulement sur le « comment » de l’univers mais aussi sur son « pourquoi ».

Nous ne pensons pas que le créationnisme en tant que « donnée de la foi évangélique » puisse être un comportement sectaire ou qu’il puisse favoriser un comportement sectaire. La résolution du Conseil de l’Europe doit néanmoins nous appeler à la vigilance et à la prudence. La laïcité est en France un espace de respect et de liberté, espace que tous doivent protéger et respecter. L’école laïque doit veiller à ne pas se laisser infiltrer par des enseignements non scientifiques, quelle que soit leurs provenances. L’introduction, cette année 2011, de la « théorie des genres » dans les manuels scolaires de l’éducation nationale a suscité de vives réactions du monde protestant évangélique mais aussi de la classe politique française, un député a même saisi la Miviludes soupçonnant une dérive sectaire. Si les évangéliques veulent que des enseignements du type de la « théorie des genres » n’entrent pas dans l’école laïque ils se doivent aussi de garder leurs propres croyances dans la sphère privée, en accepter la nature « religieuse » sans l’imposer comme une science certaine et absolue. L’extrémisme n’est pas un lieu d’échange, ni de dialogue, ni de respect, ni de liberté et il doit être combattu partout et quelles que soient les formes sous lesquelles il se manifeste.

Source : ONDSE
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