Les tenants de la lutte antisecte sortent renforcés de la récente polémique sur l’utilité de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). En affirmant, en février, que les sectes sont un “non-problème” en France, la directrice de cabinet du chef de l’Etat, Emmanuelle Mignon, a provoqué de vives protestations, puis une contre-offensive.

{{ {Chronologie

Le 10 janvier 1996, une commission d’enquête parlementaire publie une liste de 172 groupes dangereux qualifiés de sectes et évalue à 250 000 le nombre d’adeptes occasionnels ou réguliers. Un Observatoire des sectes est créé.

En 1998, il est remplacé par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), présidée par Alain Vivien, auteur d’un rapport sur le sujet en 1983.

En 2002, la MILS devient la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Des commissions d’enquête parlementaires ont traité le sujet en 1996, 1999, 2006.
[-] fermer
En présentant le rapport 2007 de la Miviludes à la presse, jeudi 3 avril, son président, Jean-Michel Roulet, a estimé qu’il fallait “revoir, à la lumière de l’évolution du paysage sectaire, ses attributions : il faut lui donner les moyens d’aller plus loin dans l’investigation et multiplier les formations des fonctionnaires d’Etat et des collectivités locales”. L’inflexion donnée par la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, à la lutte contre les sectes, a mis en cause les méthodes de la Miviludes sous la présidence de M. Roulet. Ce dernier, dont les fonctions s’achèvent fin septembre, a rappelé la promesse faite en février par le premier ministre, François Fillon, de “renforcer” la Mission.} }}

M. Roulet a de nouveau défendu l’instauration d’une “liste” des organisations sectaires, méthode dans laquelle il voit “plus d’avantages que d’inconvénients”. Un avis apparemment partagé par le premier ministre, qui s’était prononcé en février pour une “actualisation” de la liste de 1996, et par le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP) qui, dans un entretien à La Croix, le 2 avril, a estimé à “plusieurs centaines de milliers le nombre de victimes de groupes sectaires”. Mais au sein de la Miviludes, certains estiment qu’établir une liste est “une solution de facilité”. En 2005, Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, avait signé une circulaire mettant en cause cette méthodologie.

“LOBBYING EFFRÉNÉ”

“Les gens les plus dangereux ne figurent plus sur cette liste”, a expliqué M. Roulet, pour qui la mouvance sectaire “n’a pas baissé les bras et s’est adaptée”. Il a évoqué son “infiltration dans les milieux économiques, le lobbying effréné auprès d’institutions européennes” ainsi que les pratiques de la “vente multiniveaux” ou “des faux souvenirs induits”, un procédé utilisé par certains thérapeutes. Il a en revanche affirmé que d’autres mouvements, un temps mis en cause, “étaient rentrés dans les clous”, citant “le Mandarom ou Hare Krishna”.

Souhaitant renforcer l’arsenal législatif consacré à la lutte antisecte, les députés ont adopté à l’unanimité, jeudi, une proposition de loi déposée par M. Accoyer, visant à protéger les personnes témoignant devant les commissions d’enquêtes parlementaires, notamment celles consacrées aux sectes. Le texte doit être examiné par les sénateurs.

“Lors des derniers travaux de l’Assemblée sur ces sujets, les sectes ont profité de la publicité donnée aux auditions pour harceler les témoins et lancer sept procédures pour diffamation. Cette loi libère les témoins de ce risque”, déclare au Monde le député Jean-Pierre Brard (app. PCF), vice-président du groupe d’études sur les sectes à l’Assemblée. MM. Brard et Roulet ont été mis en examen pour diffamation envers des organisations citées dans la précédente commission d’enquête. Avec d’autres députés, M. Brard plaide pour qu’une nouvelle commission d’enquête parlementaire soit créée au cours de cette législature sur les phénomènes sectaires, notamment dans le milieu de la santé.
Stéphanie Le Bars