http://www.lefigaro.fr/international/2010/01/27/01003-20100127ARTFIG00055-d-etranges-missionnaires-fondent-sur-port-au-prince-.php
{De notre envoyé spécial à Port-au-Prince, Tanguy Berthemet}
LE FIGARO – 26/01/2010 |
{{REPORTAGE – Plusieurs groupes chrétiens fondamentalistes américains ont afflué en masse dans la capitale haïtienne pour «venir en aide» aux sinistrés.}}
Sur le tarmac de l’aéroport de Port-au-Prince, Rose attend sur une chaise pliante. Cette pimpante retraitée de Floride a débarqué en Haïti il y a une semaine «pour aider» car «le Seigneur nous a dit de montrer de la compassion envers les plus pauvres». Mais tout comme ses six compagnons de voyage, dont son pasteur d’époux, envoyés par son église évangéliste de Tampa, en Floride, Rose n’a pas dépassé les environs de l’aéroport. «C’est mal organisé. On ne nous dit pas où aller. Nous avons tout de même dépensé 10.000 dollars pour louer un avion», proteste-t-elle.
Des Rose, Port-au-Prince en compte désormais des centaines. Les groupes chrétiens fondamentalistes américains ont afflué en masse en Haïti, île catholique considérée comme terre de mission. Devant une petite clinique montée à la hâte, Justin Boland, de l’ONG Act of Mercy, se présente aussi comme le directeur de la communication du Temple d’Antioch, une Église «indépendante» basée à Waco, Texas. Les quinze médecins que l’association affirme soutenir dans différentes cliniques de la capitale sont invisibles.
Act of Mercy, comme la plupart des groupes fondamentalistes chrétiens, se concentre sur les nombreux orphelinats qui manquent de tout. Les 135 pensionnaires de l’un de ces établissements, la Maison des enfants de Dieu, campent autour de leur bâtiment fissuré. Une quinzaine de missionnaires américains, pour la plupart des adolescents, campent à leurs côtés, encombrés de lourds bagages. Le directeur adjoint de la Maison, Alexis Pierre-Delet, ignore l’origine de ces «Blancs» et leur mission : «Ils ont promis de nous aider mais ils n’ont rien donné. Je crois qu’ils veulent rapatrier les enfants aux États-Unis.»
{{Des scientologues dans les couloirs de l’hôpital}}
Tim Morris, un infirmier du groupe Open Hands, s’est vu pour sa part refoulé par les Nations unies des grands centres de santé de la ville. La réputation de l’association, qui dit pouvoir soigner le sida par la nutrition, a passé les frontières. Dans les allées de l’hôpital universitaire, ce sont des fidèles de la Scientologie qui se penchent sur les malades. Une adepte appose les mains sur la tête d’un patient à la jambe brisée. «Nous libérons les énergies qui sont restées coincées lors du choc», explique la jeune femme.
La prolifération de ces médecines parallèles agace les grandes ONG. «Ces gens accaparent des ressources qui pourraient être plus utiles pour des associations plus performantes», explique un haut fonctionnaire onusien. L’armée américaine a mis un terme au ballet des petits avions «chrétiens» qui encombrent l’aéroport, déjà surchargé, de Port-au-Prince. «On ne sait pas ce que font ces groupes, ni qui ils sont. Il faut les recenser avant qu’ils ne fassent du mal», tempête Véronique Ductan, un médecin haïtien.
Dans le quartier Delmas, la Quisqueya Christian School (QCS) sert de point d’appui aux différents groupes. La très coûteuse école, qui se revendique «100% chrétienne», accueille en particulier, la Crisis Response International (CRI) qui se présente comme une «armée de la fin des temps». Mais la lourde porte de métal de l’établissement reste fermée : «Nous ne recevons pas la presse.» Sur son site Internet, CRI affirmait mardi accueillir dans ses locaux une partie du commandement américaine en Haïti.