La Cour se penche sur “Invitation à la Vie ” dont d’Harcourt est membre.
La Cour a entendu vendredi le président de l’association IVI dont d’Harcourt et de nombreux témoins du procès Bissonnet sont membres. Puis Georges Fenech , membre de la commission interministérielle sur les sectes décrit des pratiques médicales contestables pratiquées par des membres d’ IVI.

9 h 20 Le président de l’association IVI témoigne

Jean-Pierre Chauvin , 56 ans est le président de IVI depuis 11 ans. Il connaît Amaury d’Harcourt mais aussi un bon nombre des témoins cités dans ce procès. Il a le profil d’un chef d’entreprise, chemise blanche et costume marron. Il apparaît sur la défensive.

Jean-Pierre Chauvin dit tout de suite, qu’il ne sait rien de cette affaire, qu’il qualifie de sordide.

Il décrit son association IVI, “Invitation à la vie, ” riche d’un millier d’adhérents répartis dans 17 centres à travers toute la France. Mais elle est aussi présente dans une quarantaine de pays.

Son activité est basée sur l’accueil, l’écoute et la consolation. La prière et l’harmonisation sont les deux pratiques essentielles.

Le président d’IVI parle de groupe de prières chrétiennes et “de légers toucher manuels pour apaiser, déstresser…

“des massages ? demande le président de la Cour

Oui mais habillés, légers massages sur les points d’énergie du corps”.

Chaque adhérent paie 495 euros par an. L’association présente un budget de 600 000 euros.

L’association IVI, est inscrite dans la liste des sectes dressée par une commission interministérielle en 1995 mais a été déclarée d’intérêt général depuis 2007.

Les adhérents peuvent faire des voyages pour faire la publicité des pratiques d’IVI. D’harcourt a réalisé l’un de ces voyages qu’il a financé.

“On a rien à se reprocher, on prône l’amour du prochain” conclut Jean-Pierre Chauvin. Il exprime aussi son malaise de devoir parler à la Cour.

Suite aux questions de Me Chalié , Jean-Pierre Chauvin explique que l’association est accusée d’être une secte guérisseuse. A ce propos, un procès a eu lieu à Soissons mais a été gagné par IVI.

Jean-Pierre Chauvin dément que l’on parle de réincarnation au sein de son association et n’aura pas un regard pour le vicomte, assis juste à côté de lui. D’harcourt est membre d’Ivi depuis des années.

10 h 04 Georges Fenech, ancien magistrat, ancien député UMP du Rhône membre de la commission interministérielle chargée d’enquêter sur les dérives sectaires.

“IVI fait partie des quelques 167 organisations à caractère sectaire relevées en 1995 par la commission d’enquête.”

“Nous travaillons sur la notion de dérive sectaire. Et n’avons pas dressé de liste de sectes.”précise-t-il.

L’ancien magistrat confirme que IVI fait l’objet d’une surveillance particulière depuis 1995. Il rappelle sa création en 83 et sa présence dans 20 pays dont le Brésil.

Georges Fenech fait état de signalements de ruptures familiales. Aucune plainte pour escroquerie ou détournement d’héritage. Pas de dérives financières.

La commission parle de secte guérisseuse car il y a un aspect de pratique médicale contestable.

“Pour la fondatrice d’IVI, Yvonne Trubert. Il existe trois corps un physique, un astral et un énergétique. Et quand les gens souffrent de cancers ou du sida, il est possible de soulager leurs maux par imposition des mains ou sollicitation des points d’énergie.”

Cette directrice spirituelle, décédée il y un an, disait que “le son était plus important que le sang” et prônait une mise sous fréquence du corps humain à visée thérapeutique.

Aujourd’hui les membres de l’association démentent ces pratiques médicales. Georges Fenech rappelle tout de même qu’un médecin, membre d’IVI, a été interdit d’exercer par le conseil de l’ordre pour 3 ans. Il fait aussi état de poursuites judiciaires à l’encontre d’un couple de parents accusé de ne pas avoir soigné leur fils mineur décédé.

10 h 35 Le témoignage de Jean-Pierre Jougla, cet universitaire juriste, âgé de 62 ans, a travaillé sur l’emprise sectaire. Il intervient à la demande des fils Bissonnet.
Il décrit la mécanique de l’emprise sectaire d’IVI, Invitation à la vie à travers un exemple poignant. Une jeune kinésithérapeute décédée d’un cancer, membre d’IVI, ayant refusé tout traitement, préférant la doctrine de l’association. Cette jeune femme croyait que chaque manifestation de sa maladie, chaque souffrance, était une marque de guérison. Sa mère vit à Castelnau-le-lez et a accepté que son exemple soit cité.

11 H 08 “Attention à la dérive du procès”

Me Abrakiewicz met en garde la Cour contre la dérive de ce procès.

“Le débat sur la dérive sectaire est passionnant mais on se demande quel rôle on veut lui faire jouer dans ce procès “se demande le défenseur de la famille Juan, belle-famille de Bernadette.

L’avocat rappelle qu’un des accusés est adepte d’IVI ( le vicomte d’Harcourt ) et que l’on voudrait imaginer (il désigne Bissonnet ) qu’ il puisse vouloir obtenir de l’argent pour financer sa secte au point d’en venir à tuer.

Jean-Pierre Jougla pense qu’un adepte ne peut pas être influencé par quelqu’un qui n’appartient au même mouvement sectaire. Il est question des témoignages solidaires devant la justice des membres de la secte, quitte à se parjurer.

Me Chalié se fâche : ” Mes clients n’ont pas souhaité faire témoigner M. Jougla dans le but de prouver qu’IVI a commandité l’assassinat de Bernadette Bisonnet. C’est du grand guignol ! ”

Me Balling, défenseur de d’Harcourt ,s’étonne que le cas gravissime décrit par M. Jougla (mort d’une jeune femme refusant de se soigner) n’ait pas fait l’objet d’une alerte auprès de la mission d’enquête ministérielle.

Me Balling revient sur la capacité d’un témoin à défendre un autre adepte. Une sorte de témoignage de combat pour défendre le groupe. Mais est-il possible pour défendre un individu ?

Pour Me Jougla, tout est possible.

L’audience se termine par un brouhaha général. Les échanges sont de plus en plus tendus entre les avocats des différentes parties.

12 h 00 Dernière écoute téléphonique. La fille et la mère parle d’Amaury d’ Harcourt.
Extrait d’un conversation entre Diane d’Harcourt et sa mère l’ex-épouse de d’Harcourt remontant au 1er août 2008. Elles ont appris que le vicomte a avoué
Le rendu sonore n’est pas de très bonne qualité mais les deux interlocutrices se lâchent et laissent transparaître les plus vives critiques du personnage et de son comportement puis, l’incapacité à lui faire entendre quoique ce soit. Le tout ponctué de rires acides.
La mère regrette ses années passées près de son mari. “Brusquement je revois ma vie pire qu’elle n’était… Avec une lucidité à contretemps. J’ai vécu 12 ans auprès de lui comme une conne sans savoir ce qu’il faisait.”
La fille parle des sacrifices concédés. “j’en ai marre, je suis la seule à lui tenir la tête””j’suis bien conne vu comment mon père m’a aidé.”
“Le jour où il ira en taule. Il aura un avocat commis d’office.” Me Balling sourit à son client à l’écoute de cette phrase.

“J’ai beaucoup réfléchi. Y’a plus rien à faire.

“C’est un pauvre diable. Pas un pauvre Amaury”.

Il est ensuite question de l’honneur familial. ” Mieux vaut un aïeul fou, que qu’un aïeul co-assassin.” “Heureusement que mes grans-parents sont morts.” “Il faut qu’il change de nom”conclut Diane d’Harcourt.

“Chaque famille, à cause de la consanguïnité a son enfant mal foutu.”

Les deux femmes se quittent en s’embrassant. La mère disant à la fille : “Tu es formidable, en appuyant sur le O.”

12h 43 “Oui j’ai déjà tué des hommes à la guerre”
D’Harcourt ,appelé à la barre, confirme qu’il a dit à sa petite fille avoir tué des hommes pendant l’hiver 44, 45. Des allemands pendant la guerre. Il appartenait au 2ième bataillon de choc et a tué 11 militaires.

Il dit ensuite regretter de s’être laisser engager dans un acte répréhensible, s’être laissé entraîné par l’amitié de Bissonnet. “Je lui ai servi à faire peur à Belkacem. je me reprocherais toujours de ne pas avoir parler à Bernadette pour empêcher tout cela.”

L’audience est levée à 13 h 00.

14 h 27 l’audience reprend avec le témoignage d’un patron d’une boîte de nuit d’Agde incarcéré à Béziers. Ghiass Helwani.

Il a partagé la cellule de Bissonnet, pendant 2 mois et demi à la prison de Béziers à partir de mars 2008.

Il décrit Bissonnet comme dépressif, qui pleurait souvent, très méticuleux.

Son surnom est Many.

Question de Me Phung : “Combien de fois avez-vous été interrogé en tant que témoin ?”

Le témoin dit n’avoir été interrogé que par un gendarme et non deux. L’après-midi et non pas le matin comme indiqué sur le procès verbal.

Ce procès verbal est lu par l’avocat. Il remonte au 14 octobre 2008.

“Dès son arrivée, Jean-Michel dit qu’il est innocent, et aurait déclaré ensuite à l’annonce de l’arrestation de d’Harcourt : ” je suis cuit avec ses deux témoignages, je vais en prendre pour perpét”.

“Jean-Michel est un menteur et manipulateur. Il a fait 2 tentatives de suicide et s’est débrouillé pour que j’ arrive à temps.”

Le témoin nie avoir dit cela aux gendarmes.

Bissonnet ,resté en prison ,envoie deux lettres à son agent financier Michel Lopez, il doit racheter un compte d’assurance vie et verser 500 000 euros au témoin. Ce dernier nie farouchement ce projet de versement. Pourtant d’après M. Phung un homme se prétendant le frère de Helwani a demandé à l’agent financier de Bissonnet le déblocage de ces fonds.

14 h 50 Agnès Bourdiol décoratrice à Montpellier.

Le témoin a rencontré les Bissonnet une première fois dans sa boutique, le couple n’était pas d’accord, ils prennent alors un rendez-vous à domicile.

Quand elle arrive au domicile des Bissonnet, le 17 mars, elle remarque que Mme Bissonnet n’est pas là. Elle propose de l’attendre. Et là Bissonnet lui parle du meurtre de Castelnau, mais il tient à conserver ce rendez-vous.

La décoratrice est étonnée, mais s’exécute. Elle parle d’un entretien décousu où Bissonnet parle de peinture mais aussi de la position du corps de sa femme, de l’assassinat. Tout est mélangé et la décoratrice dit avoir subi cet entretien.

“Je me suis dit que cet homme était perturbé. Il fait son deuil comme il peut.” “Plus tard je me suis dit que ce rendez-vous avait été très long, anormalement vues les circonstances”.

Bissonnet reviendra plus tard dans la boutique pour rendre les échantillons sans donner suite.

Bissonnet tient à dire les couleurs choisies, du rouge pour la salle à manger, du taupe pour le reste.

15 h 08 La voisine de Castelnau-le-Lez.

“Ce mardi-là j’allais en cours d’histoire de l’art. A 18 h 40, 45, j’ai vu le portail ouvert et un petit chien blanc dans l’allée”. Une minute plus tard elle parle de 18 h 45, 18 h 50.
“Vers 20 h 15, je quitte le cours, et je suis rentrée chez moi vers 20 h 25.”

Iris Christol s’étonne que ce témoignage soit exactement celui de Bissonnet 15 jours auparavant.

“Je parle beaucoup et je marche avec 70 personnes”

15 h 24 le président et Bissonnet

“D’après votre version, D’Harcourt est non seulement le commanditaire de l’assasinat de votre femme et au delà il y aurait participé directement. Il aurait accompli l’acte.”

Bissonnet est d’accord.

” A quel moment cette idée vous est venue à l’esprit ?”

“Je ne pensais pas qu’on allait trahir mon amitié. Ce n’était pas facile.

On monte des détails en épingle comme cette vieille dame qui est venue à la barre. Comme moi qui vais au rotary à 20 h 00, le mardi.”

“A partir de fin mai pour répondre à ma question ?”

“Oui à partir de là, je me pose de gros problèmes.”

“Mais le 11 juin 2008 vous ne faites pas état des 30 000 euros pendant la confrontation.”

“Mme le juge d’instruction ne me laissait pas beaucoup parlé. On ne m’a pas posé la question.”

” Il s’agit pourtant selon vous du mobile de d’Harcourt. nous sommes au coeur du dossier. ”

La dispute au restaurant

Le président Mocaer revient sur la dispute du restaurant du 19 février à Paris. A l’époque, l’accusé dit qu”il ne se souvient de rien, cependant, en septembre, il en est question devant la juge d’instruction. Une dispute violente à cause d’une nouvelle demande de prêt de d’Harcourt. Une somme de 30 000 euros.

Bissonnet explose : ” J’aimerai bien que vous lisiez avant quand la juge me traite de menteur. Je sais que c’est fait exprès pour me faire craquer ! ”
Le président observe une nouvelle fois que la somme n’apparaît en septembre 2008 dans les déclarations.

“Je comprends que vous soyez étonné” répond Bissonnet du tac au tac.

Puis avec une voix plaintive, “par pitié est-ce que savez où j’en étais ? Par pitié, je vous demande de m’écouter.”

Le 9 mars

Le président veut savoir ce que faisait Bissonnet le WE avant le drame. Il hésite parle d’un restaurant dimanche à la Grande Motte. Pourtant ,selon les relevés téléphoniques, il y a un déplacemnt à Lasalle dans le Gard.

Me Leclerc se demande pourquoi on pose de telles questions 3 ans après.

Il est question d’une conversation téléphonique de 5 minutes de Bissonnet vers D’Harcourt depuis le Gard à Lasalle.

Bissonnet s’énerve, dit qu’il aurait appelé du restaurant parce que le portable ne passait pas.

IVI

Me Abratkiewicz revient sur l’audition de Bissonnet du 5 mai 2010

Bissonnet sort de garde à vue, est mis en examen et écroué, il ne met pas en cause son ami d’Harcourt et quand on lui parle d’Invitation à la vie et il répond : “ça ne me dit rien”.

“Oui,” se justifie Bissonnet,” je connaissais IVI mais pas Invitation à la vie.”

L’avocat fait allusion maintenant à une phrase prononcée lors d’une demande de remise en liberté par Bissonnet le 20 mai 2008.

“C’était mon jardin secret… j’étais jeune, Amaury d’Harcourt a voulu abuser de moi… un ami a dû nous séparer.”

Bissonnet réfute catégoriquement les faits.

“Je sais ce que pense Amaury de l’homosexualité. Je n’y vois pas d’inconvénient.Je ne suis pas homosexuel.”

Bissonnet regrette que cet épisode ait été relaté dans la presse. Il montre même le journaliste dans la salle qui selon lui, n’a pas écrit ce qu’il faut et lance : “Midi libre vend 10 pour cent de plus avec ce procès ! ”

“Je suis à bout. Vous voulez que je sois à bout. Mais je tiendrai ! ”

Un peu plus tard Bissonnet demande une suspension d’audience. Il se dit fatigué des questions de Me Balling qui revient sur les coups de fil de ce 9 mars depuis le Gard.

L’audience est suspendue à 16 h 20.

Par Armelle Goyon et Laurence Creusot
France 3 – 30/01/2011