Quand Isabella Overney arrive au Brésil, à la Casa de Dom Inácio de Loyola à Abadiânia, elle marche péniblement. A chaque pas, des douleurs lancinantes se font sentir dans son pied gauche avant d’atteindre la hanche puis, en l’irradiant, le bas de sa colonne vertébrale. Une souffrance qui l’oblige à passer beaucoup de son temps au lit. Et, lorsqu’elle veut marcher, c’est sous haute dose d’analgésiques: la seule prescription ordonnée par les médecins qui ne savent plus comment l’aider. Cet état handicapant, elle le doit à une chute de ski quand elle travaillait dans le tourisme à Zermatt.

Sa vie change du tout au tout quand elle rencontre, pour la première fois, le guérisseur João de Deus, l’homme miracle brésilien. C’était le 19 juillet 2004, elle a 35 ans.

Aujourd’hui, Isabella est une femme lumineuse. Avec l’infirmière Hayette Weidmann, elle accompagne des groupes qui veulent aussi côtoyer le guérisseur. Certaines personnes sont malades physiquement, d’autres blessées dans leur âme ou encore en recherche spirituelle.

Entre curiosité et scepticisme, L’Hebdo a suivi ces deux femmes, de la Suisse au Brésil, avec des Romands afin de comprendre ce qui se vit dans ce petit coin du monde, à 150 km de Brasília. Un lieu où toujours plus de Suisses vont chercher un miracle qui leur permettra de guérir d’une tumeur, d’une paralysie, d’un handicap. Quinze jours de voyage au-delà des préoccupations quotidiennes pendant lesquels le temps change de rythme. Quinze jours suspendus dans un univers de prière, d’écoute, de confrontation.

Etape par étape. Comme Isabella, chaque semaine, des milliers de personnes viennent des quatre coins du monde pour demander de l’aide au médium brésilien. «Ma douleur à la jambe était épouvantable, se souvient-elle. J’ai dû m’arrêter. Réfléchir. Donner un coup de timon à ma vie.» La guérison de la jeune femme n’a pas été immédiate. Au cours de ses quatre mois à Abadiânia, elle médite, reprend lentement des forces. Puis vient le moment du changement alors que le guérisseur la soigne. Cet instant, elle ne l’oubliera pas: «J’ai ressenti une douleur dans le cœur, comme si on m’ôtait une épine.» Et enfin, après six mois et beaucoup de détermination, «j’ai pu recommencer à marcher sans douleur».

Le chemin n’est pas le même pour tous, raconte Isabella. «Il y a ceux qui guérissent vite. Et ceux qui doivent emprunter une voie plus longue. Pour trouver du soulagement, il faut d’abord changer à l’intérieur, guérir l’esprit, et le reste suit.» Le fait d’accepter leur maladie est déjà une première étape pour certains. «Je me rappelle d’une femme venant du Jura, qui, chaque mois, souffrait de pénibles attaques de calculs rénaux. Elle était désespérée. Lorsqu’elle est retournée en Suisse, elle était guérie», révèle Hayette. Les imprévus sont également à l’ordre du jour: «Je me souviens d’un jeune homme qui accompagnait un ami malade. Il ne croyait en rien, ne cherchait rien. Il était là pour cet ami. Dans la Casa, il a commencé à avoir des visions. Maintenant c’est un médium.»

Les deux femmes accompagnent des groupes suisses depuis sept ans. Une période pendant laquelle elles ont vu les choses évoluer. «Au début, il y avait beaucoup de patients avec des pathologies graves. S’il y en a toujours aujourd’hui, de plus en plus de gens viennent cependant ici pour une quête spirituelle.» Ils sont ainsi chaque année quelques centaines de Suisses à partir, seuls ou en groupe, vers ce cœur du Brésil.

La découverte de la Casa. Après plus de onze heures de vol, l’arrivée à Abadiânia est déjà bonne pour le cœur, simplement pour le paysage qui rappelle les collines de la Toscane. La Casa est située sur un promontoire au bout d’un chemin de terre, sur un sol riche en quartz qui, apparemment, est une puissante source d’énergie. La structure du bâtiment ressemble à celle d’un petit hôpital, blanc à l’intérieur et à l’extérieur, avec une bande bleue qui démarre du sol. Il y a une pharmacie, une infirmerie, une salle à manger, un magasin: des lieux pour l’estomac et pour l’esprit. Dehors, juste à côté, un immense jardin surplombe une forêt sans fin. Les bénévoles qui y travaillent sont 250. Parmi eux, plusieurs personnes qui ont été guéries et qui donnent de leur temps pour soutenir les autres. Il y a beaucoup de vaetvient, et tout se passe avec une étonnante tranquillité.

L’attente. João Teixeira da Faria, surnommé João de Deus, se prépare pour une longue journée de soins: il accepte tout le monde, pauvres et riches, de n’importe quelle confession. Le guérisseur ne demande pas d’argent, et même après les traitements il offre à tous un bol de soupe dans le jardin de la maison. Se croisent croyants et sceptiques, médecins, architectes, employés, jusqu’au camponês local qui n’a même pas l’argent pour le bus. Tout autour de la Casa s’est développé au fil des années un village qui compte douze mille habitants, où beaucoup de pousadas colorées accueillent les pèlerins. Le médium est là du mercredi au vendredi. Plusieurs fois dans l’année, il se rend dans d’autres lieux afin d’aider ceux qui ne peuvent pas venir à Abadiânia.

La journée commence tôt. A 8 heures, plusieurs centaines de personnes se réunissent dans le salon principal. Chacun a un ticket dans la main avec les questions qu’il veut poser au médium. «Ce n’est pas ma main qui guérit, mais celle des entités qui opèrent par moi», répète-t-il sans arrêt. Nous essayons de garder l’esprit ouvert. Pendant le traitement, João est en transe, et on nous dit qu’à la fin de son travail il ne se souvient de rien. Dans le salon, qui a l’air d’une classique salle d’attente de médecin, beaucoup de personnes se recueillent. Un grand silence y règne. Sur les murs, des visages de saints, de la Vierge Marie, du Christ. Plusieurs centaines de fauteuils roulants, de béquilles et de bustes sont entassés dans une petite salle adjacente: ce sont les témoignages de nombreux miracles.

Les premiers pas. Il est temps de faire la queue. Devant moi, un jeune couple de Suédois avec un enfant en fauteuil roulant. Derrière, un homme grand et maigre, il semble hypnotisé, immergé dans ses pensées. Après la grande salle, nous traversons un long couloir qui forme une courbe à 90 degrés. A son extrémité nous attend le médium. Là, autour de nous, des centaines de personnes, toutes vêtues de blanc, sont assises, les yeux fermés, et prient afin d’aider ceux qui attendent. Tout semble être enveloppé d’une grande paix. La mère de famille suédoise commence à sangloter bruyamment. Elle vomit des émotions contenues depuis longtemps, trop longtemps. «Notre corps tolère une accumulation de colère, de haine, de jalousie, de chagrin… Au-delà d’une certaine limite, il s’empoisonne, il tombe malade. Ici on nettoie, c’est comme passer dans une machine à laver», me chuchote un guide qui accompagne un groupe d’Allemands. Comprendre les règles de la Casa n’est pas facile, nous avons l’impression d’être sur une autre planète.

Les remèdes. C’est mon tour, j’arrive devant le médium. Il regarde mon billet et le traitement pour ma claustrophobie est immédiat: «lit de cristaux» (traitement par chromothérapie). Abasourdie, je suis alors la queue et je termine pour m’asseoir dans une petite salle de prière.

Après dix minutes, je retrouve l’extérieur et m’installe dans le jardin. Je reconnais un visage ami: Mehdi Redzepi. Il est venu de Fribourg pour soigner ses blessures émotionnelles. «J’aime ce lieu, il y a de la foi, mais pas d’église, je ressens comme un fil direct avec le divin. C’est une expérience unique.» Cet homme de 32 ans a entrepris ce voyage avec son amie Mireille Kaeser, hygiéniste dentaire. Tous deux ont entendu parler du guérisseur par des amis et ont également suivi une conférence sur le sujet en Suisse. «Il est difficile d’expliquer ce qui se passe ici, confesse Mireille. Il faut le vivre. Je ne comprenais pas ces histoires d’entités incorporées, mais maintenant je ressens un grand amour à l’intérieur de moi-même. J’apprends à m’écouter. Depuis, mes migraines ont perdu en intensité!»

«Les remèdes et les traitements prescrits par le médium sont des plus disparates. Ils vont de l’opération invisible, intervention ne laissant aucune trace sur la peau, au bain dans la cascade de la forêt en passant par les comprimés de passiflore, la méditation ou encore la chromothérapie.

Certains demandent que leur opération soit visible, comme David Garcia, de Genève. Ce thérapeute pour chevaux de course de 37 ans est un expert en plantes médicinales et il a aussi étudié les phénomènes de chamanisme au Pérou. La Casa l’a attiré pour «ces professionnels qui travaillent à l’intérieur du cœur. La sensation est plutôt celle d’être aidé à trouver son propre chemin, avec humilité. Ici, il n’y a pas de place pour l’ego, pour le pouvoir.»

David souffre de la hanche et voudrait également «laisser partir des émotions lourdes». Lorsque João lui incise la poitrine sur quelques centimètres, aucune goutte de sang n’en sort. «Je n’ai rien ressenti, si ce n’est une grande sérénité. La douleur à la hanche m’a quitté, pour laisser la place libérée à une paix immense.» David ne s’explique pas pourquoi ou comment il n’a pas eu mal lorsque le couteau lui a coupé la chair. Nous acceptons alors ce que nous ne parvenons pas à comprendre, dans le respect de règles qui défient notre logique. Quant à Marylise Panchaud, elle a entamé son troisième séjour à Abadiânia. Pourtant, cette maîtresse d’école enfantine est habituée à traiter avec des grilles horaires et des règles strictes, c’est-à-dire avec un monde ordonné et pragmatique. La Vaudoise est éprouvée par trois deuils et une séparation après de nombreuses années de mariage: «Dès ma première arrivée ici, je me suis sentie tout de suite chez moi, entourée d’amour. Lentement, toute la colère que je ne parvenais pas à exprimer s’est échappée, telle une grosse bulle qui explose. J’ai dû aller tellement loin pour trouver ma maison intérieure, pour regagner de la confiance en moi.»

Les changements. La Casa a réservé plusieurs surprises à cette mère de deux filles. «Alors que, au début, j’avais peur de la solitude, j’ai ensuite réussi à faire de la place pour d’autres choses. Maintenant, je sais que j’ai un don: je peux soigner avec mes mains. C’est comme si quelque chose s’était ouvert en moi. Je pense que je pourrais aussi aider des personnes.» Isabelle et Hayette l’écoutent et sourient. Elles sont habituées à ces changements. Qu’ils soient grands ou petits, comme le mien: il m’est désormais possible d’emprunter le tunnel routier du Gothard sans angoisse.

João de Deus sera à Winterthour du 16 au 18 juillet prochains (www.joaodedeus.ch/Content-FR/homefr.html)

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Controverse
Qui est João de Deus?
Pour certains, João Teixeira da Faria, appelé plus communément João de Deus, est le médium le plus puissant au monde. Pour d’autres, ses actes sont contestables, d’autant qu’il n’a pas de connaissances médicales. Ce qui lui a valu d’être dénoncé à plusieurs reprises par des médecins brésiliens. Sans suite. La justice l’a toujours acquitté.

João Teixeira da Faria a commencé à l’âge de 16 ans à intégrer des entités spirituelles pour des guérisons. Avec ce don, il aurait soulagé en trente ans d’exercice des milliers de personnes qui seraient prêtes à témoigner de ses aptitudes, pour lesquelles il ne demande aucune rémunération. Et des universités américaines ont filmé et analysé le travail du médium avant de conclure, elles aussi, à de véritables guérisons.

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Jocelyne Fatton, 54 ans
“J’ai donné un bras pour trouver mon âme”
En novembre 2007, après plusieurs années de terribles douleurs, des médecins de Zurich décident d’amputer son bras gauche qui est dévoré par une tumeur agressive. Jocelyne Fatton, 54 ans, pensait à ce moment que l’intervention devait être la fin d’un long chemin de croix. Mais, en réalité, son voyage ne fait que commencer. «Au cours de ma maladie, j’ai compris que la guérison physique passe par la guérison spirituelle. La douleur oblige à s’arrêter. Comme un pic, elle détruit jour après jour les défenses qui ont été erigées au fil des années, elle casse le mur qui nous sépare des autres, de nous-mêmes.» Jocelyne résume ainsi les longues années vécues avec un cancer. Quand elle décide de ne plus recourir aux analgésiques, un choix que ses proches ne comprennent pas, la douleur est si forte qu’elle la pousse sur le chemin d’Abadiânia en 2008. «Ici, j’ai pu laisser sortir tout ce qui m’a empêchée de m’aimer. J’ai donné un bras pour trouver mon âme.» Et la guérison. Elle sourit. Dans son regard, pas de défi, mais de la joie. A ses côtés, son chien Anima qui ne la quitte plus des yeux. Pendant ces années à la Casa, Jocelyne a aussi suivi et soutenu de nombreux étrangers. «A la fin tous cherchent la même chose, ils veulent apprendre à s’aimer, à trouver en eux-mêmes une énergie divine qui les guide.» Jocelyne Fatton semble l’avoir trouvée.

source : L’Hebdo (Suisse)

Par SIMONETTA CARATTI – le 23.05.2012