Au total, plus de 50 personnes, selon des chiffres communiqués par des sources sécuritaires, essentiellement des paysans vivant dans les villages frontaliers dans l’Extrême nord du Cameroun avec le Nigeria, ont été massacrées par les combattants de la secte islamiste Boko Haram. La plupart des villageois chrétiens et musulmans modérés dans cette zone ont quitté leurs villages pour se réfugier vers d’autres localités.

Simon Mvroudiga est instituteur à l’école public de Mozogo, une commune située dans la région de l’Extrême Nord du Cameroun, précisément dans le département du Mayo-Tsanaga. Il fait partie des 73 000 personnes qui vivent dans l’anxiété depuis que la secte islamiste Boko Haram a recommencé à semer la terreur, il y a maintenant plusieurs semaines.

Joint au téléphone par La Croix Africa, il explique les événements de ces dernières semaines : « Je suis actuellement en exil forcé à Mokolo, le chef-lieu du département du Mayo-Tsanaga. Avec ma famille nous sommes venus nous mettre à l’abri, explique ce chrétien. C’est d’ici que nous avons appris qu’un combattant kamikaze de Boko Haram a fait irruption le 8 janvier 2021, à Mozogo. 13 personnes, essentiellement des chrétiens, ont été tuées. Quelques jours avant, nous avons appris qu’un kamikaze de Boko Haram avait déjà frappé à Asahigava, un village situé à la frontière du Nigeria, tuant près d’une dizaine de personnes. La vie est devenue risquée dans cette zone ».

Solidarité

Le 4 janvier, une attaque de Boko Haram a fait trois morts au village Kaliari, situé toujours dans la commune de Mozogo. Selon Mahamat Chetima Abba, chef traditionnel et maire de Mozogo, qui s’est confié à un journal local, Boko Haram s’attaque de plus en plusaux comités de vigilance.

Il y a une décennie environ, face à la montée de cette secte islamique Boko Haram, les leaders religieux chrétiens et musulmans avaient réclamé la protection des autorités administratives civiles et militaires. Ceux-ci leur avaient demandé d’organiser des comités de vigilance dans la plupart des villes, communes et villages de la région de l’Extrême Nord du Cameroun.

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Ces groupes qui comprennent des croyants de toutes les religions, avaient pour missions de détecter les infiltrations des membres de Boko Haram au sein des populations, de dénoncer les imams radicaux. Ils devaient aussi dénoncer les terroristes aux autorités militaires et forces de sécurité. Une mission risquée, comme l’explique le père Philippe Wangaï du diocèse de Maroua-Mokolo : « Les membres du comité de vigilances sont devenus des cibles. Pourtant ils s’investissent beaucoup pour la prévention des attentats. Le plus grave est que ces attaques de Boko Haram ont amené beaucoup de personnes à quitter leurs villages pour se réfugier dans les montagnes sans ressources ».

Garder espoir

Au mois de novembre 2020, le diocèse de Maroua-Mokolo a lancé, à travers la Caritas un appel au secours pour aider les réfugiés internes. Par la voix de son secrétaire permanent Édouard Kaldapa, la Caritas de ce diocèse sonnait l’alarme sur la situation alarmante qui prévalait à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria.

Par ailleurs, dans le cadre du séminaire annuel de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun (Cenc) qui s’est tenu il y a quelques jours dans le diocèse de Bafang (Ouest) Mgr Bruno Ateba, l’évêque du diocèse de Maroua-Mokolo a partagé avec ses pairs la situation des milliers de personnes déplacées et réfugiées au nord du Cameroun à cause des exactions régulièrement commises par Boko Haram. Mgr Bruno Ateba a ainsi réitéré l’appel de la Caritas de son diocèse à communauté internationale pour qu’elle accorde son attention à ces populations oubliées.

La situation est intenable

Pour El Hadj Oumarou Boubakary, imam d’une mosquée localisée dans la commune de Mozogo « la situation est redevenue intenable à cause des incursions régulières des Kamikazes de Boko Haram ». « Nous sommes des musulmans qui vivons en paix avec nos frères chrétiens et des autres religions. Nous ne sommes pas d’accord avec les adeptes de la secte Boko Haram qui tuent des êtres humains pour leur propagande, précise-t-il. Nous vivons un islam tolérant dans notre pays, le Cameroun, dont l’un des mots important de la devise est la paix. Les autorités doivent nous protéger. Du mois d’août 2020 à ce jour nous comptons une cinquantaine de morts. Ce n’est plus acceptable ».

Selon diverses sources locales contactées par La Croix Africa, Boko Haram a créé, depuis quelques mois, son sanctuaire dans les Monts Mandara, sur le versant nigérian. Le journaliste Abdoul Karim Hamadou, correspondant dans la Région de l’Extrême-Nord du journal camerounais « L’œil du Sahel » confirme : « Selon le témoignage du chef et maire de Mozogo, il y a eu un relâchement des forces de défense et de sécurité dont la majorité a été redéployée dans d’autres zones. Et ce relâchement a été fatal aux populations. Les deux entrées de la ville de Mozogo ne sont tenues que par les membres des comités de vigilance qui ne peuvent pas toujours faire face au feu meurtrier des kamikazes de Boko Haram ».

Mgr Bruno Ateba qui a vécu, le cœur meurtri, un attentat-suicide de Boko Haram en juillet 2020 au centre de Maroua, capitale de la région de l’Extrême-Nord, a dans son homélie de Noël demandé aux fidèles de garder espoir.

Jean François Channon Denwo (à Yaoundé)

source :

https://africa.la-croix.com/dans-lextreme-nord-du-cameroun-recrudescence-des-attaques-de-boko-haram/