Le jeûne et la prière sont de bonnes initiatives mais on ne peut pas en rester là. La psychologie moderne a mis à jour les mécanismes qui sous-tendent l’action des paranoïaques, hommes et femmes, qui désirent s’infiltrer dans l’Église pour y exercer un pouvoir.

Tous les chefs et supérieurs religieux ne sont pas des paranoïaques mais tous les paranoïaques veulent être chefs. Les personnes déviantes, souvent très intelligentes, savent avancer masquées jusqu’à l’aboutissement de leur projet. Sous couvert d’une fausse charité, elles se rendent indispensables en haut lieu. Une fois qu’elles sont parvenues à leur poste de pouvoir, on découvre les motifs qui les animaient. Intimidations, violences, pressions internes ou externes : ceux qui sont sous leurs ordres comprennent vite leur malheur ! Alors qu’à l’extérieur elles se montrent sous leur meilleur jour…

L’emprise mentale est la racine du cléricalisme qu’évoque le pape François. Un phénomène complexe qui prend sa source dans la capacité de certains humains à mettre sous domination le cerveau des autres. Le pervers – puisque cette mise sous emprise est une forme de perversité – retourne sur sa victime son propre complexe d’autoculpabilité alors que lui/elle n’éprouve aucun sentiment.

L’emprise mentale des clercs favorise les abus de conscience, de pouvoir et sexuels

Cet abus se caractérise par une violation de la conscience, une prise de possession des biens de la personne, voire des abus sexuels, parfois même les trois. Avec la libération de la parole, les victimes peuvent comprendre qu’elles sont des victimes et non pas des personnes coupables d’une faute, et entamer un chemin de reconstruction personnelle.

L’Église doit apprendre à tirer les bénéfices des progrès de la société civile. Dans les grandes entreprises, on a mis au point ces dernières années des démarches liées aux risques psychosociaux qui permettent d’identifier dans la chaîne de commandement le maillon où le/la paranoïaque a pu s’infiltrer. Pour ce faire, l’intervention des lanceurs d’alerte est nécessaire. Les responsables alertés pourront alors mettre hors d’état de nuire les paranoïaques qui se cramponnent au pouvoir. Il est donc souhaitable que l’Église s’inspire de tels systèmes pour se sortir du cléricalisme. Elle doit aussi être attentive aux plaintes des fidèles. Ainsi parviendra-t-on à un meilleur exercice de la vie en communauté sous toutes ses formes, puisque la hiérarchie retrouvera son rôle de vigilance.

La vie sera plus dure pour les manipulateurs, qui devront sévir autrement. On peut même espérer que la mise en place de telles mesures sera bénéfique à tous, y compris aux prédateurs, qui ont besoin de se soigner.

source : témoignage chrétien Publié le 

Propos recueillis par Agnès Willaume.

* Pierre Vignon est prêtre du diocèse de Valence, juge canon