CE DONT ON VA PARLER :

SYNTHESE:
La liberté de conscience inclut la liberté de culte. Une lecture et compréhension un peu rapide de cette liberté fondamentale peut laisser croire que la défense des droits individuels exclut la lutte contre les dérives sectaires. En réalité, cette théorie portée par les lobbys de grands groupes sectaires, confond liberté de conscience et liberté de penser.
Charte des droits fondamentaux de l’union Européenne
L’article 1er de la constitution du 4 octobre 1958 fondant la 5ème République L’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme
L’argument soutenu par les représentants des nouvelles religions, qui regroupent différents groupements sectaires, est de voir dans la lutte contre les dérives sectaires une lâche entreprise pour brider le pluralisme religieux. Il s’agirait d’un discours haineux à l’encontre du sentiment religieux qui est protégé par la liberté de conscience. Ce discours, qui trouve un certain écho auprès de la CEDH, est globalement biaisé et feint de ne pas comprendre que la lutte contre la dérive sectaire est une action pour les droits fondamentaux. Il convient dès lors de se poser la question de l’articulation des droits fondamentaux. En effet, le principe est qu’une liberté fondamentale peut être limitée par une autre. La logique est alors celle de l’équilibre et de l’articulation proportionnée des différents droits fondamentaux. Il n’y a pas, même au niveau des droits de l’homme, de liberté absolue aussi fondamentale soit-elle.
La liberté de croyance puise aussi et d’abord sa racine dans la liberté de pensée (I) qui permet de dessiner une méthodologie d’appréhension de l’équilibre croyance/information (II).
I. LA LIBERTE DE CONSCIENCE ET LIBERTE DE PENSEE
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » nous dit la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. La formule indique d’emblée que la liberté de religion, n’est pas l’obstacle à toute discussion sur le religieux, mais s’inscrit dans un cadre plus global de de la liberté de penser (a) qui permet de construire une vision cohérente de ce que recouvre la liberté de culte (b).
a. La liberté de religion est fille de la liberté de pensée
La charte des droits fondamentaux continue « ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ». Le concept est essentiel : croire n’exige pas une suppression sociale de l’esprit critique ou l’émergence d’une interdiction de communiquer sur le religieux. Car la liberté de croyance permet aussi de changer de religion, autrement dit, elle protège de l’État mais aussi du groupe religieux lui-même. Si l’on reprend le fondement de la liberté de religion, on trouve la liberté de pensée. Cette liberté peut se formuler comme le droit pour chaque individu de se former par et pour lui- même son opinion des choses, religieuses, politiques ou autre par un libre accès à des éléments de connaissance et en ne subissant pas de contrainte en raison de ses choix de conscience. Cette liberté de pensée explique l’exigence d’une éducation scolaire selon un programme particulier afin de doter les enfants d’un esprit critique par rapport aux dogmes inculqués par un milieu familial ainsi que de l’analyse de la publicité de dérives du religieux. Dans une dérive sectaire, il y a donc un retournement de valeurs et une perversion de la notion de liberté de culte qui voudrait être une absence de débat démocratique. Au contraire, la liberté de pensée se fonde sur la nécessite d’un pluralisme et d’un débat démocratique. Le débat doit être juste et ne pas porter de discriminations inutiles, mais ce débat est nécessaire.
Le lobbying intense, notamment judiciaire, que portent des groupements à dérives sectaires a pour objectif de forcer l’adoption d’une conception absolutiste de la liberté de croyance, comme un domaine intouchable, où la moindre critique constituerait un abus spirituel.
Ce concept récent et présenté comme pendant de l’abus de faiblisse causé par un groupement sectaire a pour objectif de faire croire qu’il y aurait violation de la liberté de culte en informant un fidèle des exactions de son groupement d’appartenance. En effet, si le fidèle ou l’adepte qui découvre progressivement le caractère sectaire de son groupe d’appartenance éprouve un choc d’une grande violence et souvent déstabilisant, ce choc n’existe que par la cloche informationnelle que le groupement sectaire impose à ses victimes. Dès lors, c’est bien cet abus préalable à tout abus spirituel qui est problématique.
b. De la protection de la liberté de culte
Le rôle de l’État est de maintenir l’information et de lutter contre les abus de manière préventive ou punitive, mais en dehors de cela il ne peut pas imposer un choix de religion et doit laisser l’accès aux cultes de la croyance.
C’est par exemple sur la base de ce raisonnement que le Conseil d’État a admis la nécessité de la présence d’un aumônier témoin de Jéhovah dans les lieux de prison ou encore le principe d’interdiction de forcer une transfusion sanguine.
L’objectif est d’assurer à la population un accès minimal à la diversité religieuse, notamment dans les offres éducatives. L’enjeu réside donc dans l’équilibre entre la protection de la capacité de l’individu à se forger une opinion, le fait de lui en donner les moyens, et le respect des choix éclairés qu’il opère.
Il y a donc en réalité un travail qui se joue principalement au niveau de la détermination du choix, qui doit être en tout état de cause libre et éclairé. La liberté de pensée n’est pas seulement une obligation négative pour l’État, mais également une obligation positive, l’enjoignant à permettre, favoriser et protéger la multiplicité de l’offre religieuse. Dès lors, c’est sur cette ligne de crête que se positionne, avec plus ou moins de succès, la jurisprudence. Il s’agit aussi d’une ligne rouge à ne pas franchir, car toute transgression serait, en tout état de cause, inutile. »
Toute la matière du droit de la dérive sectaire se trouve à la charnière, souvent ténue, entre différentes libertés fondamentales. Il convient donc de comprendre les mécanismes fondamentaux d’équilibre.
II. LA MECANIQUE ESSENTIELLE DES LIBERTES FONDAMENTALES : L’APPROCHE TELEOLOGIQUE
En matière de libertés fondamentales l’approche méthodologique retenue est l’approche téléologique (i.) qui doit être appliquée à la matière sectaire et rester un réflexe de pensée dans la prise de toute décision ou mise en place d’une stratégie judiciaire (ii.).
a. L’approche téléologique
En droit des libertés fondamentales l’approche retenue par les juridictions suprêmes (Conseil d’État, Cour de Cassation, Conseil Constitutionnelle, Cour de Justice de l’Union Européenne, Cour Européenne des Droits de l’Homme) est toujours celle de l’approche téléologique : chercher un équilibre entre les différentes libertés et les buts à atteindre. Il convient de protéger en gardant un équilibre. Cette logique est subtile mais essentielle à comprendre car elle sous-tend toute la matière de la lutte contre les dérives sectaires.
Conclusion
Dans le domaine de la dérive sectaire, il convient d’agir avec circonspection. En effet, en présence d’une victime, il peut y avoir une tendance à « vouloir » pour la personne ou lui imposer son rythme, sa vision des choses. Il faut se méfier de ce réflexe qui se manifeste surtout chez les professionnels sachant qu’ils ont tendance à livrer leur analyse. Pour éviter de créer du traumatisme, il est nécessaire de garder en permanence une neutralité et de ne pas pousser une victime au-delà de ce qu’elle peut accepter à un moment donné. La situation évoluera dans le temps.
Il doit donc y avoir une retenue qui doit suivre la méthode téléologique : il convient toujours de se demander si la référence sectaire est utile : par exemple en droit de la famille ou des majeurs protégés : la référence à une série de croyances réprouvées ou mise en doute par le demandeur n’est pas utile. Il faut s’abstenir de juger les croyances et ne s’en tenir qu’aux préjudices et aux victimes.
La recherche d’un équilibre est fondamentale pour ne pas tomber dans le piège que tend la rhétorique sectaire avec une action indiscriminée contre les croyances pour délirantes qu’elles soient. La lutte contre les dérives sectaires ne peut en aucun cas viser des groupes ad nominem ou être une croisade contre une croyance particulière. Cette approche est stérile et inutile. Elle ne protège d’ailleurs pas les victimes qui, sous emprise, vont avoir tendance à se radicaliser. La bonne approche, consacrée par la loi, est celle de la lutte contre les dérives, cela signifie partir des droits des victimes et de leur protection, en tenant compte de la singularité de leur vécu. Il convient de garder en tête que les groupes à déviances sectaires ont de larges moyens financiers qu’ils investissement largement par le financement de campagnes de lobbying et de campagnes judiciaires, notamment par des procédure bâillon en diffamation pour faire taire toute critique. La plupart des informations sont publiques et notamment les rapports moraux des associations dès lors qu’elles ont des subventions : la circonspection est donc de mise dans la rédaction de tout document.