Roland Planchar
Mis en ligne le 21/04/2008
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Le chef bruxellois du Vlaams Belang et ancien du “Front de la Jeunesse” plaît aux scientologues. Et inversement. Il prône leur programme antidrogue, qui sert surtout au recrutement. Est-il scientologue?

Convergence idéologique ? Qui sait. Toujours est-il que l'”Eglise” de scientologie, dite sectaire et dangereuse au Parlement belge dès 1997, et le Vlaams Belang, parti d’extrême droite flamand, se croisent. En l’occurrence, c’est le programme antidrogue (tantôt “Narconon”, tantôt “Non à la drogue, oui à la vie”) de la première qui s’est compromis – et inversement – avec un sulfureux représentant du second, le député bruxellois Johan Demol.

Le groupe “Anonymous”, qui lutte depuis quelque temps contre la scientologie par le biais de manifestations et surtout d’Internet, a mis en lumière une vidéo sans doute postée par un scientologue italien sur “YouTube”, en provenance du site de l’organisation sectaire (dont l’adresse URL de 94 caractères transite par un site tampon pour éviter les attaques d'”Anonymous”).

Bref, le film, d’un peu plus de 7 minutes et présenté comme scientologue dans son générique, comporte le témoignage de personnes présentées par leur titre (parfois fantaisiste, au demeurant) mais sans nom. Tous vantent les qualités du programme antidrogue des scientologues, souvent de manière dithyrambique. Après 6 minutes et 6 secondes, apparaît Johan Demol, en tant que membre du Parlement bruxellois. On sait que la scientologie tente depuis longtemps et en vain d’obtenir des références politiques pour valoriser son image. Jusqu’au Parlement fédéral. Et voilà que le seul Belge qui ait ouvertement accepté sa propre mise en scène vient justement du côté extrémiste…

L’intervention de Demol est brève mais montre l’admiration du chef bruxellois du Vlaams Belang pour l’organisation sectaire : “La campagne antidrogue de l’Eglise de scientologie, je pense que c’est la meilleure campagne de prévention que vous puissiez trouver” , dit-il. Alors qu’on sait l’affirmation inexacte.

Recrutement caché

Le 24 octobre dernier, Marie Arena, pour l’Enseignement de la Communauté française, avait dû lancer une circulaire de mise en garde après qu’une fondation parrainée par l'”Eglise” eut envoyé au directeur d’un collège de Wavre de la documentation “antidrogue” à destination des élèves. Elle comprenait des demandes de dons et des propositions de “formations” scientologues… C’est que, bien souvent, les offres de service de l’organisation sectaire ont le recrutement pour objectif caché. Promouvoir ses programmes revient donc à l’aider à faire des adeptes.

Idem, en plus dur, aux Etats-Unis après que des séances d'”information” eurent été données dans des écoles publiques pendant plusieurs années. A la suite de la révélation des liens avec la scientologie, le Département de l’éducation de l’Etat de Californie avait commandé une évaluation dont les conclusions s’étaient révélées extrêmement négatives. Exit les scientologues…

Lesquels, pour conserver l’apparence de la neutralité, s’abstiennent parfois de mettre en lumière le lien entre eux et leur programme. Sans qu’on mélange les deux, on observe cependant que l’ASBL “Non à la drogue, oui à la vie” est logée à la même adresse (9, rue du Général Mac Arthur, à Uccle) que l’ASBL “Eglise de scientologie de Belgique”.

Cette dernière est par ailleurs sous le coup de plusieurs inculpations à Bruxelles (aussi variées qu’organisation criminelle, extorsion ou exercice illégal de la médecine) et a encore été perquisitionnée les 10 et 11 avril derniers (pour des problèmes de faux et usage ainsi que d’escroquerie, semble-t-il à tout le moins).

Ce qui, par anecdote et en relation avec un réquisitoire sévère du parquet fédéral de septembre dernier, montre l’acuité du travail des autorités judiciaires sur le sujet.

Inculpés et condamné

Par ailleurs encore, des campagnes d’informations relatives à “Narconon” ont également été mises en oeuvre par le “Bureau des affaires publiques et des droits de l’homme” de la scientologie, sis 91, rue de la Loi à Bruxelles (siège européen de l'”Eglise”). Il s’agit d’une filiale de l’entité de droit américain “Church of Scientology International”.

Quant à Johan Demol, il avait perdu sa place de commissaire en chef à Schaerbeek quand il fut démontré, en 1997, qu’il avait menti en niant son appartenance passée au “Front de la Jeunesse”, un mouvement belge ultra-droitier incluant des néo-nazis, actif de 1974 au début des années 80.

Jetant bas le masque, Demol avait rejoint le Vlaams Blok, devenu Vlaams Belang après que trois de ses ASBL eurent été condamnées en avril 2004 pour “incitation permanente à la ségrégation et au racisme” . Une mue qui n’avait rien changé à la nature du parti de M. Demol : “Nos convictions sont restées les mêmes” , déclarait en novembre 2005 Philip Dewinter, figure de proue du Blok/Belang.

On se demande donc lequel, entre le Vlaams Belang et la scientologie, se compromet le plus en fréquentant l’autre.

La rencontre entre une secte et l’extrême droite (video en ligne)