Une personne de votre entourage a changé drastiquement de comportement ? Elle peut être sous l’emprise d’une dérive sectaire.

Votre sœur a investi dans une énième formation pour devenir riche ? Votre compagnon a drastiquement changé de comportement depuis qu’il fréquente un tout nouveau groupe d’amis ? Votre meilleure amie vous assure qu’elle peut désormais guérir n’importe quelle maladie par la pensée magique ? Attention, votre proche est peut-être tombé entre les mains d’une dérive sectaire ? Comment lui venir en aide ? Explications.

Peut-être êtes-vous l’une ou l’un des auditeurs de Méta de Choc, ce podcast produit et animé par Élisabeth Feytit. Ancienne adepte du New Age, cette productrice et réalisatrice de documentaires tend depuis 2019 son micro à, entre autres, d’anciennes ou anciens “croyants” sortis de sectes ou des dérives sectaires : Témoins de Jéovah, anthroposophie, mais aussi des courants ou pratiques que l’on pense moins dangereuses comme le yoga, le coaching, l’astrologie ou la cartomancie. Si toutes ces pratiques ne sont pas associées à des sectes ou à des dérives sectaires, certaines personnes peuvent faire face à des “gourous”, s’isoler de leurs familles, dépenser une fortune dans des formations sur la “pensée positive” et la “loi de l’attraction” sans autre résultat qu’une perte d’argent significative ou des dommages psychologiques graves.
Vous pensez avoir dans votre entourage une ou un proche que vous estimez en danger et/ou sous l’emprise d’un gourou ? Mais vous ne savez pas comment réagir, comment l’aider ? L’écoute de Méta de Choc peut vous offrir de premières clés pour comprendre les mécanismes d’emprise et la nécessité de rester présente ou présent pour votre proche. La Miviludes (pour “Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires”, l’agence gouvernementale chargée d’observer et d’analyser le phénomène des dérives sectaires) livre également plusieurs pistes d’action essentielles à connaître pour éviter les impasses. On en a fait le tour pour vous.

Qu’est-ce qu’une secte ou un mouvement à dérive sectaire ?

Avant d’aller plus loin, il convient de comprendre ce qu’est une secte ou une dérive sectaire. On imagine souvent un groupe de personnes organisant des sacrifices humains au nom de Satan comme des mouvements très fermés, où des personnes sont enchaînées à un gourou, sans pouvoir être libres de leurs pensées comme de leurs mouvements. Le criminel américain Charles Manson, à la tête de la “Manson Family”, a offert un boulevard pour ce type de représentations que vous devinez forcément caricaturales.

Sur son site, la Miviludes précise d’emblée qu’il n’y a pas de définition précise de ce qu’est une secte : « Respectueux de toutes les croyances et fidèle aux principes de laïcité, de liberté de conscience et de liberté de religion, le législateur s’est toujours refusé à définir la notion de secte », écrit l’agence. « Pour la même raison, il n’existe pas en droit français de définition de la religion. Ce sont des notions qui renvoient à la vie privée de chacun, par définition exclue du champ d’intervention de la puissance publique sous réserve de l’absence de trouble à l’ordre public et du respect des lois et des règlements. »

En outre, le système français ne s’intéresse donc pas aux sectes ni aux croyances, aux doctrines ou modes de pensées en tant que tels. Il s’intéresse aux dérives sectaires, c’est-à-dire « aux pratiques, aux méthodes, aux actes et aux comportements, émanant de tout groupe ou tout individu, quelle que soit sa nature ou son activité, qui portent atteinte à l’ordre public, aux lois et aux règlements, aux libertés fondamentales et à la sécurité ou à l’intégrité des personnes par la mise en œuvre de techniques de sujétion, de pressions ou de menaces, ou par des pratiques favorisant l’emprise mentale et privant les personnes d’une partie de leur libre arbitre. »

Chaque année, la Mividules reçoit des demandes de saisines concernant de potentielles dérives sectaires. En 2020, elle en a par exemple reçu plus de 3 000, selon son dernier rapport d’activité. Elle peut ensuite, selon les cas, signaler un mouvement, un groupe ou une personne à la justice ou encore demander une intervention. Mais avant de contacter l’agence gouvernementale, vous devez vous assurer de rassembler des éléments pouvant lui permettre de caractériser une dérive sectaire.

Sur son site, l’AVREF (association d’aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles) a également publié une liste des communautés signalées (non exhaustive).

Comment détecter une dérive sectaire ?

Pour cela, la Mivdules a listé sur son site une liste de signaux d’alerte :

  • la déstabilisation mentale
  • le caractère exorbitant des exigences financières
  • la rupture avec l’environnement d’origine
  • l’existence d’atteintes à l’intégrité physique
  • l’embrigadement des enfants
  • le discours antisocial
  • les troubles à l’ordre public
  • l’importance des démêlés judiciaires
  • l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels
  • les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.

Bien entendu, l’agence précise qu’un “seul critère ne suffit pas pour établir l’existence d’une dérive sectaire et tous les critères n’ont pas la même valeur”. Ces signaux d’alerte existent à titre indicatif.

Comment détecter une dérive sectaire selon le comportement d’une ou d’un proche ?

Pour aller plus loin dans votre analyse de la situation, vous devez en effet observez votre proche. Son comportement a changé en quelques semaines ou mois seulement ? Il ou elle a investi beaucoup d’argent dans une formation aux débouchés douteux ? Ou encore a drastiquement changé certains piliers de sa vie (régime alimentaire, habillement, relations, etc.) ? Là encore, la Mividules fait le point :

  • adoption d’un langage propre au groupe
  • modification des habitudes alimentaires ou vestimentaires
  • refus de soins ou arrêt des traitements médicaux régulièrement prescrits
  • situation de rupture avec la famille ou le milieu social et professionnel
  • engagement exclusif pour le groupe
  • soumission absolue, dévouement total aux dirigeants
  • perte d’esprit critique
  • réponse stéréotypée à toutes les interrogations existentielles
  • embrigadement des enfants
  • existence d’atteintes à l’intégrité physique ou psychique
  • manque de sommeil

Une attention particulière doit également être portée sur le patrimoine économique de la personne que vous soupçonnez en lien avec une dérive sectaire :

  • acceptation d’exigences financières de plus en plus fortes et durables
  • engagement dans un processus d’endettement
  • legs ou donations à des personnes physiques ou morales en lien avec le groupe auquel appartient la victime
  • obligation d’acheter ou de vendre certains matériels ou services comme condition incontournable d’appartenance au groupe
  • participation à des conférences, stages, séminaires, retraites, en France ou à l’étranger
  • existence d’escroqueries ou de publicité mensongère sur les qualités substantielles d’un produit ou d’un service.

Enfin, la Mividules détaille également des critères pouvant attaquer la vie sociale et démocratique allant du “trouble à l’ordre public” en passant par “détournement de marques, dessins, titres et modèles officiels pour amener une confusion dans l’esprit du public”.

Quelles actions entreprendre ?

Si vous reconnaissez plusieurs des critères cités plus haut, vous pouvez alors saisir la Mividules.

Pour cela, il suffit de se rendre sur ce lien.Vous pouvez vous rapprocher d’associations d’aide aux victimes (la liste des associations est à retrouver ici), alerter la gendarmerie ou encore saisir une administration de l’État (les coordonnées sont à retrouver là).

Avant de saisir l’agence, vous pouvez également lui demander son avis sur une potentielle dérive sectaire via cet autre lien.

Restez à l’écoute

En attendant, restez présent(e) pour votre proche : prenez de ses nouvelles, ne vous fermez pas à lui ou à elle et évitez les moqueries quant à ses croyances. Ce serait la meilleure façon de couper les ponts et donc de lui fermer l’opportunité de s’en sortir. Faites enfin preuve de patience. Certaines personnes mettent plusieurs années avant de pouvoir échapper à l’emprise d’un mouvement ou d’un gourou.
Selon la Mividules, il existe environ 500 groupes sectaires en France parmi lesquels on compte 500 000 adeptes.

source :

Positivr
le 2 mai 2022
Arièle Bonte

https://positivr.fr/derive-sectaire-comment-aider-un-proche-a-sen-sortir/