Dans son rapport annuel publié le 22 mars, la Miviludes pointe l’évolution du phénomène sectaire qui touche aujourd’hui majoritairement les secteurs de la santé, de l’éducation et de la formation professionnelle. Son président, Serge Blisko, appelle les collectivités à être plus attentives à la vie associative.
En 2016, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a reçu 141 interrogations émanant des pouvoirs publics, provenant principalement de collectivités locales sur « des mouvements inquiétants qui cherchent à louer des salles, à organiser des activités dans des établissements publics ou dans des écoles ».
Ce phénomène, pointé dans le rapport d’activité 2016 remis le 22 mars 2018 à Matignon, inquiète le président de la Miviludes, Serge Blisko. Il demande aux collectivités « de faire très attention » à toutes les activités associatives organisées sur leur territoire. Il leur recommande également d’assurer « un rôle de vigilance et de prévention » face au développement de la maltraitance financière à l’encontre des personnes âgées.
Quel état des lieux faites-vous aujourd’hui des dérives sectaires ?
Nous constatons sur l’année 2016 et le premier semestre de l’année 2017 toujours plus de signalements : 2300, soit une augmentation de 7 ou 8 % par rapport à l’année précédente. En 2017, on atteindra certainement 2500.
Plus de 40% des saisines concernent la santé physique ou psychologique, avec la prolifération des fausses thérapies pour guérir soi-disant de maladies graves, les abus des psychothérapeutes, les régimes alimentaires dramatiques…
Le reste est constitué par les offres alternatives dans l’enseignement, les abus dans la formation professionnelle et les mouvements qui font appel à des peurs souvent justifiées, le réchauffement climatique, la déforestation, le manque d’eau, etc. à partir desquelles les leaders lancent une espèce de climat d’angoisse et de panique qui peut fragiliser les plus vulnérables.
Vous indiquez dans le rapport que « l’implication des collectivités est plus développée dans certains pays européens ». Que peuvent faire les collectivités pour améliorer leur action ?
J’appelle l’attention des collectivités locales sur la nécessité de faire très attention aux activités associatives organisées dans une salle des fêtes, un centre socio-culturel, une MJC où ces personnes se glissent souvent pour faire des conférences. C’est vraiment un cri d’alarme que je lance.
Il faudrait faire en France un contrôle plus informé de la vie associative. Les leaders des mouvements sectaires ne se présentent jamais sous un mauvais jour, ce sont des personnes prêtes à aider dans le cadre périscolaire, dans la vie associative, dans la vie culturelle…. Je demande aux collectivités d’être très attentives et de nous consulter. Il n’est pas rare que l’on tombe sur des mouvements répertoriés par la Miviludes et qui s’introduisent par le biais de l’école ou du socio-culturel.
Vous notez également que la réforme des rythmes scolaires « a ouvert de nouveaux temps libres sur lesquels sont proposées des activités qui peuvent susciter de légitimes interrogations ». Que constatez-vous concrètement ?
Un certain nombre de mouvements ou d’associations se sont glissés dans les possibilités ouvertes par l’aménagement des rythmes scolaires. Sous couvert d’un programme de méditation ou de yoga par exemple, ils s’adressent souvent à des enfants qui sont sans doute trop jeunes.
La mode et l’air du temps ont permis le développement de ce genre de mouvements qui ont une idéologie qui, certes n’est pas meurtrière, mais que l’on n’admettrait pas dans le cadre d’un mouvement spirituel de quelque religion que ce soit, surtout dans le cadre périscolaire.
En 2017, vous souhaitiez être davantage mis à contribution sur la question de la radicalisation, est-ce que cela a été le cas ?
Nous étions partie prenante de la préparation du plan de prévention de la radicalisation lancé le 23 février et nous sommes très contents d’avoir pu participer à ce travail autour du Premier ministre. La Miviludes a beaucoup travaillé avec le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) sur la question des formations et de l’emprise mentale. Aujourd’hui, plus de 20 000 agents publics ont été formés sur la prévention de la radicalisation. Il faudrait travailler désormais davantage avec des publics plus spécialisés et non plus seulement « le tout-venant des agents ». Nous travaillons avec la Protection judiciaire de la jeunesse, l’administration pénitentiaire , avec le CNFPT, les agences régionales de santé et l’Éducation nationale sur ces questions.
Notre rôle est de leur montrer la diversité des situations et nous travaillons sur des guides de bonnes pratiques. Nous avons passé beaucoup de temps à expliquer : signaler quelqu’un pour un enseignant, un travailleur social ou même un médecin, c’est tout de même collaborer avec d’autres autorités, sortir du cadre du secret professionnel. Il y avait, au début, beaucoup de réserves. Je crois que l’on a dépassé ce stade. Nous travaillons beaucoup sur ces questions : comment signaler tout en étant ni dans l’affolement, ni dans la délation.
Plusieurs fois par mois, nous sommes contactés par des élus qui posent des questions parce qu’ils ont des doutes sur une association, ou parce que sa ville accueille une conférence un peu suspecte dans un conservatoire municipal de musique. C’est très divers.
Avez-vous vu émerger de nouvelles dérives sectaires ces derniers mois ?
Oui, nous constatons une augmentation de la maltraitance financière à l’encontre des personnes âgées. Des prédateurs s’investissent dans l’abus de faiblesse pour retirer de l’argent à ces personnes qui, souvent, ont de l’argent et sont isolées. Cela se fait aussi bien au domicile des personnes âgées que dans les institutions.
J’attire l’attention des maires sur cette question, car ce sont souvent eux qui connaissent bien les personnes âgées isolées, notamment car ils font régulièrement un petit recensement de cette population, en cas de canicule par exemple. Il faut que nos élus pensent qu’il peut y avoir de la prédation financière, des abus de faiblesse difficiles à mettre en évidence parce que souvent camouflés sous la forme de dons. C’est très pernicieux, parfois les victimes ne s’en rendent même pas compte.
Les collectivités ont un rôle de vigilance et de prévention, elles pourraient faire des campagnes sur le thème : « Ne confiez-pas votre argent, votre carte bleue ou votre compte bancaire à n’importe qui ». Il faudrait que cette dimension soit un peu plus popularisée.
Références
Lire le rapport d’activité 2016 de la Miviludes.
source : http://www.lagazettedescommunes.com/555872/derive-sectaire-la-miviludes-appelle-a-mieux-controler-les-associations/?abo=1
Publié le 22/03/2018 • Par Julie Clair-Robelet •