{{Par Nicolas Montard}} • 8 fév, 2009 • Catégorie: DailyUne, Réflexions •

{{Les mouvements sectaires à tendance apocalyptique ne font plus recette. Désormais, les dérives prennent d’autres voies, parfois beaucoup plus insidieuses. Celles des thérapies ou du développement personnel par exemple n’épargnent pas notre région. Premier volet de notre enquête sur les dérives sectaires.}}

La voix de Charline Delporte s’étrangle. « Romain, Rémi, Nicolas, je pourrais vous en citer… Nicolas par exemple. Un gamin de 18 ans, cancer du genou. La seule solution, c’est l’opération et l’amputation. Mais sa mère connaît quelqu’un à Lille qui a une autre explication : Nicolas n’aurait pas fait le deuil de son père. Avec sa technique à base de produits naturels, ce prétendu médecin doit cependant réussir à le soigner. Deux mois plus tard, Nicolas était mort. » Des histoires comme celle-ci, la présidente de l’ADFI régionale (Association de défense des familles et de l’individu) dit en avoir à revendre. « Malheureusement. Rémi, 19 ans. Pareil. Leucémie foudroyante. Comme si on allait pouvoir le soigner à l’eau salée et au fer… »

{{PRES DE QUATRE CENTS THERAPIES “ALTERNATIVES”}}

La tendance observée est partout la même dans les organismes reconnus luttant contre les dérives sectaires. Que l’on soit à l’ADFI, au CCMM (Centre contre les manipulations mentales) ou même à la Miviludes, la très officielle Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Ces dernières années, les pseudo-thérapies ont pris un essor inquiétant, dans l’Hexagone et dans le Nord – Pas-de-Calais, comme le confirme Christian Cabus, président du CCMM régional : « D’une cinquantaine de thérapies alternatives identifiées au début des années 2000, nous en avons désormais quatre cents dans le pays. Si la chocolathérapie par exemple n’a aucun danger sur la santé, d’autres peuvent s’avérer extrêmement dangereuses… » Surtout lorsqu’elles sont utilisées pour combattre des maladies graves et influencent le patient afin qu’il arrête de suivre les traitements préconisés par la médecine conventionnelle : « Mais ça commence à s’atténuer, nuance Charline Delporte. Ces pseudos-thérapeutes ont bien compris qu’en cas de problèmes, ils seront maintenant poursuivis.

Alors, ils permettent à leurs patients d’aller voir leur médecin conventionnel. » Et dans ces cas-là, la réponse de ce dernier est claire, selon Marc Vogel, vice-président du Conseil de l’ordre des médecins nordistes : « Les patients souffrant d’affections graves dont le pronostic vital ou fonctionnel est en jeu, devraient avoir un médecin traitant. Il est essentiel de pouvoir discuter avec son médecin d’éventuelles thérapeutiques alternatives Attention aux procédés miraculeux non éprouvés sur le plan scientifique. »

{{LES AFFAIRES RETENTISSANTES SE MARGINALISENT}}

Les dérives sectaires, puisqu’il faut désormais les appeler ainsi, sont donc en pleine mutation. Si des affaires retentissantes comme les suicides collectifs ne sont pas non plus à exclure, il faut reconnaître que de telles communautés prônant l’Apocalypse et la fin du monde se sont sérieusement marginalisées. La fin d’une époque où l’ésotérisme était plus en vogue peut-être. Le début d’une autre où, aux côtés de mouvements ou d’églises implantées dans la société tout en continuant à être stigmatisées, les dérives sectaires se déguisent pour toucher d’autres catégories de population. « Il existe toujours des églises ou des mouvements religieux très limite, ils n’ont pas disparu, confirme Christian Cabus. Simplement, ils se font moins connaître par des positions extrêmes. »

En revanche, le monde de l’entreprise est de plus en plus touché : « La formation professionnelle. 10 à 12 % des demandes l’an dernier, soupire le président du CCMM régional. Sous des prétextes de coaching, de développement personnel, nombre de gens se font piéger. Même des entreprises nationales reconnues sont tombées dans le panneau. » Et Christian Cabus de continuer : « Un autre phénomène est également en train de se développer ces dernières années : le satanisme. » Un mouvement très présent dans la région, à scinder en deux : « Il y a les jeunes qui suivent cette mode. Là ce n’est pas grave. En revanche, dès que l’on en vient à renverser des croix ou sacrifier des animaux… »

{{{D’autres secteurs touchés ?}}

Si les dérives sectaires s’exercent désormais dans les domaines des thérapies, du développement personnel et du mieux-être, d’autres secteurs provoquent les inquiétudes d’associations comme l’ADFI ou le CCMM.
L’Eglise catholique, par exemple, n’est pas en reste avec quelques communautés mélangeant religion et psychospirituel (voir notre témoignage sur le sujet d’ici quelques jours) : « Mais le pape a demandé à ces communautés d’arrêter de tout mélanger, répond l’abbé Denis Lecompte, chargé des dérives sectaires pour la région.
L’éducation, notamment à domicile, est une autre source d’inquiétude pour les associations. « Nous avons une action ciblée là-dessus à l’Education nationale, indique Philippe Fatras, directeur de cabinet du rectorat de Lille. Nous suivons en permanence les enfants scolarisés à domicile via des tests de connaissance et des visites d’inspecteurs. » Avant d’ajouter : « Dans le Nord – Pas-de-Calais, les dérives sectaires ne touchent pas ou très peu cette forme d’éducation. »}

Daily Nord