Par Nicolas Montard • 11 fév, 2009 • Catégorie: DailyUne, Réflexions •

{ {{C’est à chaque fois la même rengaine. Une personne un peu plus fragile, un groupe sécurisant, l’euphorie, puis une descente aux enfers. Trois témoignages d’ex-adeptes de mouvements régionaux pour le deuxième volet de notre enquête sur les dérives sectaires.}} }

{{JULIEN (*), 41 ANS : « AU DEBUT, ÇA A L’AIR MERVEILLEUX »}}

Dans le Pas-de-Calais, je fréquentais un groupe de prière lié à l’Eglise catholique. Je me suis ensuite installé à Lille, où j’ai continué mon engagement dans le groupe local car j’étais à la recherche d’une vocation. Plusieurs fois par an, nous allions faire des retraites de l’autre côté de la frontière belge. Je m’y sentais bien. Il y a une dizaine d’années, j’ai décidé de me retirer dans cette communauté et j’y suis resté un an. Au début, ça a l’air merveilleux, hommes, femmes et enfants sont mélangés avec les prêtres. Mais rapidement, ça n’allait plus. Je ne dormais que quatre heures par nuit. Le reste du temps était rythmé par les différentes prières, les tâches ménagères, le jardinage, la cuisine. Nous n’arrêtions jamais avec en prime un jeûne de soixante-douze heures par semaine. Si on s’écroulait, on nous relevait. Et on en profitait pour travailler notre accompagnement psycho-spirituel avec des méthodes New Age qui m’entraînaient dans un état de conscience secondaire. Dès que je me posais des questions, on me renvoyait à mon passé, à mes fautes. Un jour, j’ai été envoyé dans une autre communauté pendant une semaine. J’ai réfléchi. A mon retour, j’ai ouvert la fenêtre du réfectoire et je me suis sauvé.

{{MICHEL, 56 ANS : « UN ABRI ANTIATOMIQUE »}}

J’y ai passé trente-cinq ans. J’ai intégré le groupe en 1969, à 16 ans et demi. Mon père était violent, alcoolique, je me sentais en manque d’affection. Quand ces gens m’ont abordé, ils se sont présentés comme des amis, des frères et des sœurs. Très vite, je leur ai confié mon homosexualité. Que n’avais-je pas dit ! On m’a persuadé de me marier pour être normal. Avec le recul, je me dis que ça a été un séisme psychologique. J’avais envie de tuer ma femme, de la frapper. Je me crachais dessus, je culpabilisais, j’étais Satan. J’ai été marié deux fois, j’ai eu des enfants, mais ça n’allait toujours pas. A la fin des années 90, après des crises d’épilepsie, de boulimie, d’anorexie et plusieurs tentatives de suicide, je suis tombé gravement malade. Puis un jour, les membres de la communauté m’ont surpris en train de sortir d’une église protestante. On m’a harcelé, on m’a dit que ce que je faisais était mal, que si je continuais, je serais exclu. C’est arrivé. Maintenant, je croise ma fille dans la rue, elle ne me parle plus. A mon compagnon, oui. Pas à moi. Vous savez, quand je suis sorti de là, j’ai eu l’impression de quitter un abri antiatomique.

{{JEANNE, 48 ANS : « IL SE SUBSTITUAIT A DIEU ET JESUS-CHRIST »}}

Je m’en suis rendu compte à temps. J’ai su m’en aller. Ça a commencé quand une amie m’a parlé d’un groupe, différent d’un groupe de prière classique. Je recherchais quelque chose, j’y suis allée. Déjà, quand je suis entrée dans la salle, la responsable n’a pas apprécié que mon amie ne l’ait pas prévenue pour me faire passer un entretien. Je me suis installée avec les autres. Devant nous, il y avait le portrait du fondateur du mouvement. J’ai vraiment senti autour de moi beaucoup de chaleur humaine, beaucoup d’attention. Il y avait quelque chose, une particularité physique qui m’intriguait sur le portrait : on m’a répondu que c’était l’expression de la force que le fondateur avait reçue de Dieu. Il fallait s’asseoir, en position ouverte. Ce n’était pas agréable pour moi, je me suis mis dans une meilleure posture. Ma voisine m’a interpellée du regard. La responsable est venue me voir pour me dire que je devais me plier aux règles pour que l’énergie circule entre les membres. Je suis restée plusieurs semaines. Mais je n’étais pas convaincue, notamment à cause des témoignages de guérisons miraculeuses qui me paraissaient bizarres. On me répondait que je n’étais pas prête à recevoir, que ça viendrait un jour. Puis, j’en ai parlé à mon pasteur, je lui expliqué que, parfois, le fondateur se substituait dans ma tête à Dieu et Jésus-Christ. Il m’a alors conseillé de quitter le groupe en me disant que c’était dangereux.

(*) Les prénoms ont été changés.

Daily Nord