Vanté par les guides touristiques, le restaurant l’Eau Vive à Toulon est aujourd’hui accusé de « dérives sectaires »
Le réseau de restaurants est accusé de « dérives sectaires » dans un rapport. D’ex-travailleuses missionnaires assurent avoir été « exploitées »
Drapée de couleurs kitch, l’atmosphère du lieu saisit sitôt la porte franchie. Une ambiance feutrée, de recueillement, à peine troublée par une timide musique de fond. Presqu’un silence d’église. Dans un coin, une statue de la Vierge Marie bénit un globe chatoyant. Le portrait du pape et un crucifix trônent au-dessus des couverts, religieusement dressés.
Au restaurant l’Eau Vive de Toulon, le paisible ballet se répète chaque jour depuis 25 ans : originaires d’Asie, d’Océanie ou d’Afrique, les « travailleuses missionnaires de l’Immaculée » (TM) accueillent et servent les clients dans leurs habits traditionnels. Le sourire inlassablement accroché aux lèvres de ces laïques consacrées.
Depuis son installation à deux pas du port, la table est devenue une référence : on y vient autant pour le dépaysement de sa décoration pieuse que pour l’indéniable qualité de ses plats exotiques. Ou ses petits prix. Comme d’autres « Eau Vive » implantés à Menton, Lisieux ou Lourdes, l’établissement fait partie de la famille Donum Dei, un mouvement catholique international en marge des diocèses. Mais pas des guides touristiques qui en font une publicité flatteuse.
Derrière ce service irréprochable et les visages rieurs des travailleuses missionnaires se cacherait pourtant une réalité bien sombre.
« Esclavagisme moderne »
C’est ce qui ressort d’un rapport*publié par l’Association d’aide aux victimes des dérives dans les mouvements religieux en Europe et en France. « Au regard des déclarations que nous avons recueillies d’anciennes travailleuses, nous pouvons aujourd’hui parler de pratiques sectaires et d’esclavagisme moderne », dénonce Aymeri Suarez-Pazos, président de l’Avref. Les mots sont forts. Les témoignages de celles qui sont «parvenues à s’enfuir » aussi.
Recrutées très jeunes dans des pays pauvres, séduites par le caractère internationaliste de la mission religieuse, certaines travailleuses vivaient et vivraient encore une situation loin d’être paradisiaque au gré des destinations imposées dans le réseau « Eau Vive ».
Le droit du travail aurait été bafoué. Garcia, une travailleuse citée par le rapport de l’Avref, dévoile ainsi qu’en 1994, « à l’Eau Vive de Toulon, il y avait un mot de passe. Quand on entendait »banane flambée », il fallait qu’on se cache.Ça signifiait que l’inspecteur du travail arrivait.»
Le réquisitoire est éloquent : « Travail harassant », « absence de sécurité sociale », «harcèlement moral » et même « séquestration » sont autant d’accusations au menu des différentes antennes de l’enseigne ; Toulon ne faisant pas exception.
Contactée, la direction du restaurant l’Eau Vive de la capitale varoise s’est pourtant contenté de balayer en bloc ces accusations : « Tout est faux ! Mais nous préférons nous taire en attendant que nos responsables à Rome choisissent de répondre. » Et, peut-être, de briser cet assourdissant silence.
source : Publié le dimanche 05 octobre 2014
http://www.varmatin.com/toulon/derives-sectaires-au-restaurant-leau-vive-de-toulon.1876825.html