Choisie par Marlène Schiappa en avril 2021 pour redonner vie à la Miviludes, jusqu’alors menacée de disparition, la magistrate Hanène Romdhane raccroche les gants. Une démission qui témoigne des vives tensions qui ont agité l’institution anti-secte ces derniers mois.

Mais que se passe-t-il à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) ? Alors qu’on croyait l’institution sauvée d’une quasi-disparition à la fin du précédent quinquennat, voilà que la nouvelle cheffe de mission, la magistrate Hanène Romdhane, a annoncé à ses équipes sa démission, selon une information des Jours. Le même jour, c’est le préfet Christian Gravel, président du CIPDR, dont dépend la Miviludes, qui a confirmé l’information à l’AFP : « La cheffe de la Mission a choisi de démissionner de ses fonctions ». Une décision qui survient après « la décision du président de la Miviludes [Christian Gravel] de mettre un terme à sa mise à disposition ».

Hanène Romdhane a-t-elle été poussée vers la sortie ? Car selon les informations de Marianne, les relations entre le président de la Mission et sa cheffe de service étaient extrêmement tendues ces derniers mois – certains observateurs expliquant même que leur collaboration était devenue impossible. Magistrate, donc dépendante du ministère de la Justice, Hanène Romdhane, avait été mise à disposition en avril 2021 pour mener à bien sa mission à la tête de la Miviludes, une institution rattachée mi-2020 au ministère de l’Intérieur après avoir longtemps dépendu de Matignon.

Ce rattachement avait été vécu, par beaucoup d’acteurs de la lutte contre les dérives sectaires en France, comme une rétrogradation de la Mission, qui dépend désormais du CIPDR, lui-même rattaché au ministère de l’Intérieur, lui-même rattaché à Matignon, lui-même dépendant de la présidence de la République. Et autant d’échelons à franchir avant de pouvoir concevoir l’action des pouvoirs publics contre les dérives sectaires.

Explosion des signalements

Pourtant, dans son dernier rapport publié début novembre, la Miviludes indiquait bien que la France était confrontée à « un accroissement inédit des agissements à caractère sectaire », avec une « hausse significative des saisines » : 33 % en un an et, depuis 2015, 86 %. Une hausse « considérable, d’autant qu’il s’agit de la partie émergée de l’iceberg, une fraction de la réalité », indiquait à Marianne la ministre de la Citoyenneté Sonia Backès dans un entretien publié en le 2 novembre dernier.

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Ces indicateurs n’auraient-ils pas dû contribuer à stabiliser le rôle de la Miviludes et de ses équipes, dont l’effectif reste dramatiquement bas ? Car pour accompagner les quelque 500 000 adeptes de groupes à caractère sectaire en France, parmi lesquels 80 000 enfants, les membres de la Miviludes sont, chefferie exclue, au nombre de 11. Et selon les informations des Jours, c’est encore moins que ça : deux vacataires, « entre-temps embauchés en CDD, ont eux aussi annoncé leur départ. Le poste d’adjoint, lui, est vacant depuis début 2022 », rapporte le média en ligne.

Disparaître à nouveau ?

Le gouvernement avait-il véritablement pour ambition de pérenniser la Mission ? Car la Miviludes, menacée de disparition en 2017, n’avait dû son salut qu’à l’irruption de la crise sanitaire qui a remis sur le devant de la scène la question des dérives sectaires et thérapeutiques, jusqu’à contraindre la ministre de l’époque, Marlène Schiappa, à récupérer l’institution dans son portefeuille et à s’improviser, du jour au lendemain, ministre chargée de la lutte contre les dérives sectaires.

« La Miviludes a vocation à se développer », assurait auprès de Marianne en novembre dernier la nouvelle secrétaire d’État Sonia Backès. Et de préciser : « Il faut renforcer l’institution centrale, mais ce n’est pas tout ce qu’il y a à faire », indiquait-elle également, en mentionnant la possibilité de créer des interlocuteurs territorialisés chargés de la question des dérives sectaires. « La montée en puissance de la Miviludes se traduit, notamment depuis ces deux dernières années, par la mise en place d’appels à projets (un million d’euros par an) à destination, principalement, d’associations d’aide aux victimes » ou encore « par le renforcement des moyens au sein de la mission (passage de 8 à 12 effectifs depuis 2020) », un « renfort en termes de personnels qui a vocation à être prolongé », cite pour sa part le préfet Christian Gravel à l’AFP.

source : https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/derives-sectaires-la-chef-de-la-miviludes-demissionne-sur-fond-de-conflit-hierarchique

parJean Loup ADENOR