Sectes d’envergure internationale, micro-structures, charlatans, formations factices, groupes idéologiques, fausses thérapies, le paysage sectaire français est propice à des dérives multiples. Leur point commun est qu’elles mènent à une emprise mentale sur des personnes qui en arrivent à tourner le dos à leurs libertés fondamentales. Lyon n’est pas étrangère au sujet ayant vu se dérouler le procès des responsables lyonnais de l’église de scientologie et celui des responsables du massacre de l’ordre du Temple Solaire dans le Vercors où seize personnes dont trois enfants sont mortes carbonisées. 66% des Français considèrent le phénomène sectaire comme un danger pour la démocratie. Certaines organisations prônent le totalitarisme où seule la doctrine du leader trouve sa place. En outre, 20% des Français ont été victimes d’au moins une dérive sectaire au cours de leur vie, représentant 12 millions de personnes. Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes et du Rhône, souligne que « la diminution des signalements liés aux dérives sectaires ne correspond en rien à un essoufflement de ces pratiques ». Les discours apocalyptiques liés au calendrier mayas et autres thèses sont source d’une recrudescence des comportements sectaires. Plus de 2,5 millions de sites sur le sujet ont été repérés. Dans les Pyrénées Orientales ou dans l’Aude, on constate l’installation de familles qui achètent des terres agricoles, des biens immobiliers dans des lieux reculés. Des rassemblements pourraient troubler l’ordre public à l’approche du 21 décembre 2012. Certains se lancent même dans la construction de bunkers, de galeries souterraines.
Des institutions vigilantes
La Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires est placée sous l’autorité du premier ministre. La Miviludes est animée par une équipe permanente qui réunit périodiquement les acteurs compétents en conseils. Au niveau local, une cellule de vigilance est placée sous l’autorité du préfet. Les collectivités territoriales sont impliquées de même que les services décentralisés de l’Etat dans lesquels existent des correspondants secte. En matière judiciaire, un magistrat référent est nommé dans les cours d’appel. Cette journée de sensibilisation est l’occasion de « renforcer l’information » tel que le souligne M. Carenco ainsi que de « réunir tous les acteurs concernés en un même lieu » l’enjeu étant de « rester attentif aux évolutions et à l’actualité ». La politique publique française prend le sujet des dérives sectaires face à de nombreux dossiers dont certains sont médiatisés. L’inquiétude est grandissante devant l’expansion de pratiques aliénantes. Georges Fenech, président de la Miviludes souligne que la lutte menée s’adresse « aux dérives des sectes et non aux entités elles-mêmes ».
La santé, cibles des gourous
Le paysage sectaire en France s’étend de plus en plus aux sphères de la santé et de la formation professionnelle.
« La dérive thérapeutique n’est pas toujours sectaire » indique M. Fenech. Cependant, le dévoilement de méthodes non éprouvées par des personnes non qualifiées peut mener à des pratiques sectaires qui passent par « l’emprise mentale ». Lorsque s’instaure une relation de patient – adepte, un réseau se constitue. De plus, certains ‘patients’ se coupent de leurs traitements en cours et de la médecine traditionnelle. Le détournement des pratiques thérapeutiques traditionnelles fait partie des dix critères établis pour détecter les dérives sectaires. En juin dernier, le Miviludes mettait déjà en garde contre les « pseudo-thérapies » du cancer exploitées massivement par les charlatans.
L’enjeu de la protection des mineurs
En France, on estime que 60 000 à 80 000 enfants sont exposés aux phénomènes sectaires. Le 5 mars 2007, le législateur a pris en compte les préconisations de la Miviludes, augmentant les seuils de vigilance. L’enjeu est de détecter des contextes qui peuvent être porteurs d’une dérive. « L’enfant accorde une confiance aveugle à ses parents, le laissant croire à sa propre sécurité », souligne M. Fenech. Le priver de ses droits fondamentaux pour en faire un futur adepte est le moteur d’un « handicap social certain par la suite », ajoute-t-il. Le président de la Miviludes évoque le cas d’un groupe duquel il a été à la rencontre : « Quatorze enfants y vivaient, tous non scolarisés. Ils savaient lire, écrire et compter mais aucun n’avait de connaissance du monde. C’était l’époque de la coupe du monde et un garçon de 12 ans était incapable de m’en parler ou de me citer un joueur. Pareillement, une jeune fille de 18 ans n’a pas su me donner le nom d’une personnalité connue du cinéma, de la musique ou autre. »
Georges Fenech insiste : « Au niveau de l’enfance, le danger sectaire est une réalité indicible que les pouvoirs publics doivent être en mesure d’identifier ». La mission interministérielle a fait paraitre en 2010 le guide « La protection des mineurs contre les dérives sectaires » (disponible ici) dans le prolongement de la commission d’enquête parlementaire « L’enfance volée : les mineurs victimes de sectes » de 2006.
Georges Fenech : « Il reste beaucoup à faire »
La culture américano-britannique considère ce que nous appelons « sectes » comme de simples mouvements religieux. La France est régulièrement critiquée notamment par les Etats-Unis. Le président du Miviludes n’a pas manqué de rappeler que « l’action menée n’est en rien liberticide ni attentatoire à la liberté de religion. On demande juste à ces personnes de respecter la loi. »
L’Australie, bien que de culture anglo-saxonne, semble être prête à s’inspirer de la France. En fin de semaine, la mission interministérielle se rendra à Canberra pour une rencontre initiée par le sénat australien. En outre, demain est prévu un colloque au sein de l’Assemblée Nationale organisé à l’initiative du groupe d’étude sur les sectes. C’est aussi l’occasion de célébrer 10ème anniversaire de la loi About-Picard sur la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales. Enfin, une rencontre est programmée courant novembre à Monaco pour défendre, avec le ministère de la famille, un programme européen de protection des mineurs.
Le sujet des dérives sectaires est sans cesse réactivé par la Miviludes auprès des instances compétentes. Au niveau européen et international, des tournants sont à attendre. La sujétion physique ou psychologique quelle qu’elle soit doit être évincée au profit des libertés publiques et du principe de laïcité.
Source :france WEBZINE Écrit par Sofia BABANI
Mardi, 25 Octobre 2011 13:23