Sans présidence depuis près de 3 ans, la Miviludes a désormais à sa tête une magistrate, Hanène Romdhane, qui pourra s’appuyer sur une nouvelle organisation et des moyens renforcés pour lutter contre les dérives sectaires, phénomène dont le développement reste préoccupant.

La lutte contre les dérives sectaires est à nouveau sur les rails. La ministre déléguée chargée de la citoyenneté auprès du ministre de l’intérieur, Marlène Schiappa, a en effet décidé de prendre ce phénomène « à bras-le-corps en déployant des moyens concrets, inédits et forts », a-t-elle fait savoir le 20 mai. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) est désormais dotée d’une nouvelle organisation et d’une feuille de route qui vise notamment à mieux prendre en charge les victimes. La ministre a décidé d’allouer une enveloppe d’1 millions d’euros aux associations de terrain afin de renforcer leurs actions.

Face à un phénomène qui n’a jamais faibli et aussi pris de l’ampleur à la faveur de la pandémie – 140 000 victimes dont 90 000 mineurs et 3000 signalements de dérives sectaires en 2020, dont 40 % dans le domaine de la santé et du bien-être – la ministre a ainsi pris une série de mesures destinées à renforcer la Miviludes, rattachée au ministère de l’Intérieur depuis juillet 2020.

Historiquement sous tutelle de Matignon, la structure avait été transférée place Beauvau après deux années sans présidence depuis la fin de celle de Serge Blisko en 2018. Cette décision du gouvernement, accompagnée d’une diminution des moyens, avait été mal accueillie à cette époque, notamment par les associations spécialisées dans la lutte contre les dérives sectaires qui y avaient vu la disparition de la structure.

Une nouvelle cheffe

Ces trois années d’anonymat de la Miviludes appartiennent désormais au passé. Comme annoncé dès le mois de février, c’est la magistrate Hanène Romdhane, qui conduira le travail du service de la Miviludes, placée auprès du secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR).

À sa tête, elle aura pour missions de poursuivre le travail d’expertise de la structure et d’appréhension des phénomènes sectaires notamment au regard de leurs nouvelles formes, de rapprocher la Miviludes et la justice et d’améliorer les signalements à cette dernière, ainsi que de renforcer le travail avec les services de police et de gendarmerie, qu’il s’agisse de la cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaire (CAIMADES) et du groupe national de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (GNVLDS). Au sein de la Miviludes, un pôle sécurité, un pôle mineurs, un pôle santé, et un pôle économique, finances et travail seront chargés de décliner opérationnellement l’action de la structure.

Protéger les victimes

Concrètement, Marlène Schiappa, a fixé à la Miviludes une nouvelle feuille de route, comprenant trois volets :

  • Assurer un véritable parcours d’accueil et de prise en charge des victimes de dérives sectaires, notamment médicale et psychologique ;
  • Animer un réseau territorial et former et sensibiliser les acteurs concernés au repérage des dérives sectaires et des pratiques déviantes, notamment dans les territoires, pour mieux les détecter et les combattre ;
  • Sensibiliser et informer le public face aux nouvelles menaces sectaires en rendant visible la Miviludes sur les réseaux sociaux.

Un conseil d’experts en appui

La Miviludes s’appuiera sur un conseil d’orientation, d’ores et déjà installé, composé d’experts et de personnalités qualifiées, de représentants de l’Association des maires de France (AMF) et de l’Assemblée des départements de France (ADF), ainsi que de représentants de l’administration.

Parmi les experts nommés le 30 mars dernier, figurent l’ancien président de la Miviludes de 2008 à 2012 et magistrat, Georges Fenech, le professeur de sociologie Gérald Bronner, la psychiatre Marie-France Hirigoyen, la philosophe Cynthia Fleury-Perkins, le Défenseur des enfants Eric Delemar ou encore le professeur de psychiatrie Philippe Jean Parquet.

Au menu des premières réflexions de ce conseil de spécialistes : l’organisation d’une prise en charge globale des victimes de dérives sectaires, permettant une meilleure articulation entre les associations et les services de l’État, la pertinence de la définition de la dérive sectaire et des critères d’évaluation du risque au regard des évolutions apportées, notamment par le développement d’Internet et des réseaux sociaux, mais aussi l’étude des points communs et des différences entre le phénomène sectaire et les nouvelles dérives émergentes du type  survivalisme, collapsologie, complotisme.

Une enveloppe d’1 million d’euros pour les associations

La ministre déléguée chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, a également décidé de doter les associations spécialisées de nouveaux moyens financiers dans le cadre d’un appel à projets national, lancé le 20 mai. Un million d’euros sera ainsi attribué aux associations de terrain et organismes de recherche qui auront candidaté, et dont les actions permettant de mieux connaître les risques sectaires pour améliorer la prévention, la formation, la détection et rendre plus efficiente l’action des pouvoirs publics, ainsi que la prise en charge des victimes, auront été retenues par la Miviludes.

FOCUS

Un appel à projets doté d’1 million d’euros

Le dépôt des dossiers de demande devra s’effectuer avant le 20 juin 2021 en ligne à l’adresse suivante : aap-miviludes@interieur.gouv.fr avec comme objet « candidature AAP 2021 » et le nom de la structure avant le 20 juin 2021.

Les structures candidates devront proposer des actions dans les champs suivants :

  • Estimation quantitative des dérives sectaires par le recensement et la collecte de données, l’organisation de sondages et l’analyse des éléments recueillis. Il s’agira de comprendre la dynamique de ces phénomènes et d’anticiper les secteurs où elle est susceptible d’investir ;
  • Enquête de victimation sur les préjudices subis par les victimes et leur entourage. À partir de témoignages, d’études de cas et des décisions de justice, dans un cadre pluridisciplinaire, il s’agira de décrire plus précisément l’ensemble des dommages subis directement par les victimes et indirectement par leur entourage. Cette étude peut inclure l’examen des éléments de personnalité du prédateur et leur impact sur les victimes. Cette enquête pourra également intégrer l’étude relative à la sortie d’un processus sectaire, qui inclue à la fois les mécanismes qui favorisent cette sortie jusqu’à l’accompagnement des victimes dans un parcours de reconstruction ;
  • Actions d’information, de sensibilisation et de prévention à destination du public et notamment des personnes les plus vulnérables ou particulièrement ciblées par des groupements sectaires ;
  • Dispositif d’accompagnement et de prise en charge des victimes (parcours complet de prise en charge de la victime pluridisciplinaire et qui s’inscrit dans la durée).

Une commission nationale d’attribution de la Miviludes se réunira entre le 21 juin et le 7 juillet 2021. La notification des résultats de l’appel à projets aux lauréats se fera à compter du 8 juillet 2021.

source :

La Gazette des Communes

le 27/05/2021 • Par Lucien Moti •

https://www.lagazettedescommunes.com/746945/derives-sectaires-la-nouvelle-feuille-de-route-gouvernementale/