La communauté amish de l’Ohio sort de plusieurs semaines d’angoisse. Des membres de ce mouvement fondamentaliste protestant américain ont été agressés en pleine nuit à leur domicile, et se sont fait couper leur barbe à coup de ciseaux ou de tondeuses électriques. Une humiliation extrême pour cette communauté religieuse pacifique, où conformément à leurs croyances les hommes n’ont pas le droit de se raser la barbe une fois mariés.

La surprise provient du profil des agresseurs, arrêtés mercredi par le FBI. Il s’agit de sept personnes elles-mêmes amish, guidées par Samuel Mullet, un gourou de 66 ans. Pour le ministère américain de la Justice, ces agressions, inhabituelles dans cette communauté paisible qui vit à l’écart du progrès, sont motivées par «un différend de nature religieuse». «Dans notre pays, on a le droit de ne pas être d’accord sur des questions religieuses, mais on n’accepte pas que cela mène à de violentes agressions nocturnes incluant des armes dangereuses»,explique le procureur du district nord de l’Ohio au New York Times.

Des membres frappés pour désobéissance

Samuel Mullet est arrivé avec sa famille dans le village isolé de Bergholz en 1995. Cet homme décrit comme violent devient le chef spirituel du clan amish huit ans plus tard. Il décide de tout dans la petite communauté de 120 fidèles, et punit sévèrement ceux qui osent se montrer en désaccord. Il n’hésite ainsi pas à faire dormir plusieurs jours d’affilée des membres de la communauté dans un poulailler, ou à faire frapper ceux qui désobéissent. Selon l’acte d’accusation, Samuel Mullet aurait également obligé plusieurs femmes mariées de la communauté à coucher avec lui sous prétexte de les «libérer du diable».

En 2005, le gourou excommunie huit familles de sa communauté. Cette décision est contestée par les autres chefs religieux amish de la région. Depuis lors, Samuel Mullet garde une forte rancoeur contre ceux qui l’ont désavoué. Lors de ses interrogatoires avec la police, il estime avoir été traité de manière injuste par ses pairs et qu’il devait avoir le droit de punir ceux qui violent la loi de son église. Sans surprise, se trouvent parmi les victimes de ses expéditions punitives certains de ces chefs religieux, des amish ayant aidé les excommuniés, mais aussi la propre soeur du gourou, qui avait fui la communauté plusieurs années plus tôt.

Peur de la communauté amish des autres États

«J’aurais préféré être tabassé plutôt que de devoir supporter l’humiliation d’avoir perdu ma barbe», a expliqué une victime à la police. Selon les autorités, les agresseurs n’hésitaient pas à prendre des photos de leurs victimes après les avoir rasées. La peur s’est rapidement propagée parmi les 60.000 amish de l’Ohio, mais également dans les états voisins de Pennsylvanie et de l’Indiana.

«Nous avons reçu des centaines d’appels de personnes apeurées», explique un shérif au Washington Post. «Ils ont acheté des sprays anti-agression, installé des verrous à leur porte, ou font le guet armés de fusil de peur de Samuel Mullet.» Une situation inédite dans une communauté pacifique encline au pardon et qui n’a pas pour habitude de faire appel à la police pour règler ses conflits. Selon la loi américaine, Samuel Mullet et les six autres suspects risquent jusqu’à dix ans de prison s’ils sont reconnus coupable d’acte de haine motivé par la discrimination religieuse.
Source : · Le Figaro Par Chloé Woiter le 24/11/2011

http://www.lefigaro.fr/international/2011/11/24/01003-20111124ARTFIG00632-des-amish-s-attaquent-a-leurs-pairs-en-coupant-leurs-barbes.php