Ils réussissent à donner des formations douteuses sur la santé grâce à un simple formulaire

Marie-Lise Pelletier, de l’Académie Énergie Santé, offre une formation sur le web à 110 $ dans laquelle elle affirme que les vaccins causent l’autisme.

Vous voulez devenir « nutrithérapeute » ? Rien de plus facile. Pour une somme allant de 100 $ à 3000 $, vous pouvez vous rendre dans un bungalow en banlieue de Montréal pour suivre une formation d’une journée ou écouter un séminaire en ligne.

Notre Bureau d’enquête a suivi deux de ces formations dans la dernière année, dans le cadre du grand reportage Détox : infiltrations chez les imposteurs de la gestion de poids, diffusé sur Club illico depuis jeudi dernier.

Les cours sont donnés par des « nutrithérapeutes » et des « naturopathes », notamment. Ces titres ne correspondent à aucun ordre professionnel.

« Quelqu’un qui se présente comme un professionnel de santé, qui n’a pas un diplôme reconnu par l’État [ministère de l’Éducation] et qui propose des promesses qu’il n’est pas capable de tenir, ça a un nom. Ça s’appelle un charlatan », lance sans détour le Dr Michaël Bensoussan, gastroentérologue.

Le fisc les certifie

Et tout ça se déroule avec l’aval du gouvernement du Québec.

Nul besoin d’être certifié par le ministère de l’Éducation pour ouvrir son école de santé. C’est plutôt à Revenu Québec qu’il faut s’adresser. Il y a un seul document à remplir, une « demande de désignation comme établissement d’enseignement reconnu ».

Il suffit d’y inscrire le nom et l’adresse de son établissement, ainsi que son numéro au registre des entreprises. Il faut aussi joindre la liste des cours offerts et le plan de la formation.

Guérir la pédophilie

Sur le web, ces écoles offrent une formation de quelques semaines ou quelques mois sur un éventail de sujets. C’est le cas de l’Académie Énergie Santé, où l’on enseigne sur le web qu’il existe un remède homéopathique pour contrer la pédophilie ou les déviances sexuelles, notamment.

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Nous avons aussi assisté à un de ses cours munis d’une caméra cachée.

Sa directrice, Marie-Lise Pelletier, n’a pas voulu s’expliquer en entrevue.

« Les gens se font enfirouaper. C’est ça, des charlatans, estime Yves Jalbert, de l’Association pour la santé publique du Québec. Ils vont chercher des gens qui n’ont aucune formation. Ces gens-là […] vont aller vers leurs proches pour pouvoir vendre. Ça devient dangereux. »

« Quelque chose doit être fait du côté légal. Le problème, c’est que ça nécessite des formations et des inspecteurs. C’est un budget colossal d’encadrer tous ces gens et toutes ces écoles qui s’implantent à gauche et à droite », renchérit le Dr Bensoussan.

Pour ajouter à la confusion, il n’existe aucune liste publique des établissements reconnus par Revenu Québec.

« Revenu Québec souhaite prévenir toute confusion possible avec l’accréditation émise par le ministère de l’Éducation », ajoute-t-elle.

– Avec la collaboration de Manu Chataigner

Ce que les experts en pensent

« Au Québec, n’importe qui peut s’improviser professionnel, ouvrir une clinique. Il faudrait que le gouvernement mette en place une législation qui dit qu’on ne peut pas permettre à tout le monde de devenir un spécialiste de la gestion du poids ».

– Yves G. Jalbert, de l’Association pour la santé publique du Québec

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« Le consommateur doit s’assurer que la personne est membre de l’ordre et diplômée. Nous sommes responsables de nous assurer que la formation est adéquate pour qu’elle développe les compétences nécessaires pour suivre les patients qui ont besoin de services nutritionnels. »

– Paule Bernier, présidente de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec

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« Au niveau légal, ça ne devrait pas être facile du tout d’ouvrir des écoles […] On fait croire aux gens qu’on va leur rendre service avec des procédés qui sont complètement inefficaces. »

– Dr Dominique Garrel, spécialiste en endocrinologie

Deux mois de formation très malaisante sur l’alimentation

Notre journaliste Marie-­Christine Noël a plongé pendant deux mois dans l’univers des cures miracles pour perdre du poids, dans le cadre d’un grand reportage diffusé sur Club illico.

Ils placardent les réseaux sociaux de titres comme praticien en gestion de poids, coach en alimentation ou nutrithérapeute. Ils disent être devenus leur propre patron et gagner leur vie grâce à cette lucrative industrie de l’amaigrissement. Comment ces gens sont-ils recrutés et formés pour faire partie de ce milieu parallèle à celui de nos établissements de santé et dont plusieurs experts dénoncent les dérapages ? Notre journaliste a passé trois mois à suivre des formations, sans changer son nom ni mentir sur ses compétences.

Avril 2019, je me trouve, avec trois autres femmes, assise dans une salle au deuxième étage d’un petit édifice de Saint-Bruno­­­-de-Montarville, sur la Rive-Sud de Montréal. La fondatrice de l’entreprise Nutriphilia, Pascale Gervais, donne son premier cours. Son discours est dense et complètement décousu.

Grâce à une caméra cachée, nous avons enregistré la formatrice Pascale Gervais, qui tient des propos dangereux selon des experts.

Le contenu peut rivaliser avec un épisode d’X-Files : mucus, vers intestinaux, détox, cure, cascades hormonales, inflammation. La formation, qui nous coûte chacune 3004,50 $, devrait changer nos vies, nous assure-t-elle.

Nouveau métier, salaire avantageux et possibilité d’aider son prochain à perdre du poids et à retrouver la santé : tout ce que Pascale Gervais raconte sent le succès.

Mais pour réussir, il faut compter sur son expertise, mais aussi sur ses menus et sa gamme de produits naturels Nutriphilia.

« Les gens sont malades »

Comment me suis-je retrouvée assise dans cette salle ? La formation Nutriphilia est l’une des premières suggestions des moteurs de recherche quand on veut travailler dans le domaine de la gestion de poids.

« Je vais vous montrer à travailler les intestins juste avec de la chlorelle, de l’aloès et des fibres. On peut aller loin », lance Pascale Gervais, dont les ambitions me semblent sans limites.

« Il faut gratter les parois de l’intestin, poursuit-elle avec aplomb. Les gens sont malades des intestins. Vous êtes dans un métier où on va [parler] de vers intestinaux ; 80 % des gens ont des vers intestinaux. Il faut en parler quand ta clientèle a la peau et l’anus qui lui grattent. Je vais vous nommer de vrais termes. C’est votre métier. »

Ces propos ne laissent place à aucune interprétation et donnent le vertige. Je me demande si ce qu’elle est en train de nous enseigner est vrai. Plus tard, je découvrirai que c’est faux, mais sur le coup, je n’ai aucune façon de vérifier.

Tous des amateurs

Les trois femmes assises à mes côtés boivent ses paroles. Personne autour de la table n’a les compétences pour la contredire.

Aucune étude collégiale ou universitaire n’est requise pour suivre les cours, et je n’ai pas de formation en médecine, en biologie et encore moins en nutrition. Pourtant, nous passerons toutes un examen à la fin mai, afin d’obtenir notre certificat.

« Je suis à la base de Nutriphilia. Vous êtes assis sur des années d’expérience », dit-elle fièrement.

Elle nous distribue la documentation dont nous aurons besoin pour les neuf cours. Je suis dépassée par la quantité de contenu.

Comme les autres, j’ouvre le manuel au module « Introduction » où trônent une photo de Pascale Gervais et un aperçu de son CV.

Elle raconte sa vie pendant plus d’une heure : son enfance comme nageuse, son ancienne vie de nutritionniste qui ne croyait plus aux enseignements de l’Ordre des diététistes, ses expériences de travail, certificats, diplômes et sa place durement gagnée dans le milieu philanthropique.

Mes collègues de classe sont impressionnées. Deux d’entre elles ont décidé de réorienter leur carrière. Une autre veut se perfectionner dans le milieu de la santé et de l’esthétique.

Pascale nous parle ensuite des bienfaits de sa « ligne de produits approuvée par Santé Canada ». Approuvée, vraiment ? Encore une affirmation qui se révélera fausse après notre enquête.

« On est dans un domaine de rééducation alimentaire. Le retour aux sources, c’est l’alimentation, l’eau, l’air, l’exercice et le repos. Alors on est en train de bouleverser le marché en disant : Wôw, minute, on va rester dans les sources principales que l’énergie a besoin pour vivre et rester jeune longtemps, et rien de moins », fait-elle savoir.

De gros salaires

Elle aborde ensuite le prix des consultations que je pourrai moi-même facturer à mes clients une fois que j’aurai achevé sa formation. Un suivi d’une heure avec un client pourrait me rapporter 80 $. Les suivis d’une demi-heure, 40 $. L’ouverture de dossier et la cure de départ valent 100 $.

Mme Gervais réitère qu’il faut réaliser un « bon bilan de santé » avec le client pour déterminer ses besoins. Sans oublier le profit qu’on peut faire sur la vente de ses produits, qui varie entre 8 $ et 20 $ la bouteille.

Et pour rassurer mes éventuels clients, je pourrai même leur remettre un reçu d’assurance après être devenue membre de l’Association nationale des naturopathes, explique-t-elle.

« Vous ne savez pas où ça peut vous mener, dit-elle en martelant ses mots. Il y a des filles qui gagnent 200 000 $ ou 300 000 $ par année. Une en gagnait 47 000 $ comme enseignante, ou 55 000 $ comme infirmière. Elle travaille moins fort, elle aime ce qu’elle fait, et elle s’amuse. »

Tout au long des neuf cours, du début avril à la fin mai, les sujets de tous genres s’enchaînent. On aborde le diabète de type 2, le déchargement de l’organisme, la caséine, l’irrigation du côlon, le cholestérol, la cétose, la sclérose en plaques, les glucides…

Les hanches et les pleurs…

On aborde aussi la catégorisation des clients. Par exemple, une personne qui est gynoïde (avec des hanches plus fortes) sera à fleur de peau, aura de la facilité à pleurer et aura des tendances dépressives. Pour chaque type de silhouette, il y a une description, une analyse du caractère et les causes du surplus de poids.

D’ailleurs, au cours des semaines, Pascale nous fait tour à tour un bilan de santé. Elle nous demande notre âge, notre poids, ce que l’on mange au déjeuner, au dîner, au souper ainsi que nos problèmes de santé. Souffre-t-on de diabète ? D’anxiété ? De problèmes de sommeil ? De ballonnements ? Comment se portent nos menstruations ? Et la ménopause ? A-t-on des problèmes familiaux ?

Le malaise devient palpable dans la salle lorsqu’elle choisit l’une de nous pour se mettre debout afin d’examiner sa silhouette et déterminer son « type d’obésité ».

Tout le monde en vient à révéler des détails sur sa vie. Les larmes sont même parfois au rendez-vous. Je suis la dernière à qui Pascale demande de tourner sur elle-même devant les autres. Mon poids en dessous de la moyenne me vaut des félicitations. On me scrute de la tête aux pieds. Je réponds timidement que « je mange bien et je fais de l’exercice ». On me félicite à nouveau.

Pascale commente aussi régulièrement nos dîners. Pas assez de protéines pour l’une, trop de sucre pour l’autre. À la troisième semaine, je me suis même dit que mon riz au poulet sauce aigre-douce ne passerait pas le test. J’ai décidé de changer mon menu afin d’avoir l’air d’une bonne étudiante et j’ai plutôt mangé deux œufs à la coque, une salade, un piment, du houmous et une banane.

À plusieurs reprises, Pascale Gervais nous propose de « jouer sur les mots » auprès des clients et sur les réseaux sociaux.

« On n’a pas le droit d’utiliser “diététique” et “nutrition”. » Elle suggère plutôt « règles d’hygiène alimentaire » ou « stratégies alimentaires », afin d’éviter une poursuite de l’Ordre des diététistes.

Notre reporter a été invitée à vendre une gamme de produits.

Elle nous motive à voir grand, et nous parle constamment de la façon de travailler en équipe, se trouver un local, fidéliser sa clientèle, se renseigner sur les machines qui peuvent aider à perdre du poids et de ne jamais manquer de produits à vendre.

« En tant que praticienne, il faut que tu t’attendes à avoir de l’inventaire [de produits]. Des fois, je ne vends pas tout de suite, mais je dois les avoir, sermonne Pascale Gervais. [Si tu n’as pas un stock de produits], t’es pas prête en tant que praticienne. Des étagères vides, il n’y en a pas. »

Examen ardu

Fin mai, le neuvième cours est consacré à réviser la matière avant l’examen. Pascale Gervais nous pose des questions en rafale. Mes collègues et moi avons de la difficulté à y répondre. Comment pourrons-nous terminer l’examen qui comporte des dizaines de questions ?

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On lui a fait miroiter qu’elle pourrait gagner de 200 000 $ à 300 000 $ par année.

Je suis à l’aube de devenir praticienne en gestion de poids, mais je ne me sens pas à l’aise pour conseiller une cliente qui veut perdre du poids. Encore moins pour lui vendre des produits. Je n’ai pas les compétences scientifiques et médicales pour le faire. Et si j’aggrave son problème de santé en recommandant un produit ?

« Tu y vas avec le bilan de santé de ta cliente, et si tu n’es pas certaine, tu peux m’appeler en tout temps », me répond Pascale Gervais du tac au tac.

Une réponse peu rassurante, car son téléphone n’a pas arrêté de sonner durant toute la formation et elle n’a répondu que très rarement. Je m’imagine avec une cliente qui a des problèmes de santé. Juste à y penser, ça me glace le sang.

♦ Pascale Gervais a décliné notre demande d’entrevue après la fin des cours. Dans un courriel, elle a affirmé que son entreprise « opère dans le domaine notamment de la formation en alimentation ».

Des cours bidon à 110 $ qui sont bourrés de faussetés

En quelques clics sur le web, j’ai pu m’inscrire à une formation à 110 $ donnée sur la Rive-Nord de Montréal dans laquelle on véhicule des faussetés. Non, les anovulants ne contribuent pas à faire grimper le nombre de séparations amoureuses. Et non, il n’est pas possible de nettoyer les vaccins pour éviter certains problèmes de santé.

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Notre reporter a eu du mal à s’y retrouver parmi tous les produits naturels de santé offerts sur le marché.

Après avoir entrepris des cours pour devenir praticienne en gestion de poids, j’ai voulu en savoir plus au sujet des produits naturels et de l’homéopathie.

Thérèse. Reconnue dans le domaine, elle enseigne l’homéopathie dans sa maison de banlieue et en direct sur le web.

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Un cours en ligne donné par Marie-Lise Pelletier

Pour 110 $, on me garantit l’obtention d’un diplôme, sans examen. C’est l’occasion parfaite de cumuler les certificats à accrocher au mur, sans trop d’effort. Une technique que craignent les experts.

Un peu de tout

« Les moulins à diplômes ont toujours été décriés, dénonce Paule Bernier, présidente de l’Ordre des diététistes du Québec. C’est international. Le consommateur doit s’assurer que la personne est membre de l’Ordre et diplômée. »

Les formations de Marie-Lise Pelletier portent tant sur la nutrition que le TDAH, la dépression, la psychiatrie homéopathique, les probiotiques, la biologie totale, les maladies chroniques et l’autisme.

Je suis donc le cours sur les « Remèdes des dépressions et étude de la matière médicale », et c’est toute une épreuve de patience.

Assise dans sa salle à manger, Mme Pelletier lit pendant des heures le contenu d’un épais cartable. Elle réitère l’efficacité incroyable des remèdes homéopathiques.

« Il y a combien de séparations [de couples] maintenant ? Il y en a une tonne. Depuis quand ? Depuis les anovulants. Ça joue tellement sur le système hormonal. […] C’est facile de voir qu’on a fucké du monde », explique-t-elle.

La formatrice va même jusqu’à dire que ces hormones synthétiques ont un rôle à jouer dans l’homosexualité.

« Je ne suis pas là pour juger… Ce n’est pas pour rien qu’il y a de plus en plus des gais, des lesbiennes… pour toutes les raisons hormonalement parlant, avance-t-elle. Il y a toute une espèce d’équilibre, de déséquilibre. (…) Il y a des remèdes… Je ne dis pas qu’on fait virer quelqu’un ».

« Danger public »

Cette affirmation représente un « danger public », rétorque Yves G. Jalbert, de l’Association de la santé publique du Québec (ASPQ).

« C’est le Collège des médecins qui devrait aller là. Ça devient problématique, dit-il. On devrait déposer une plainte à un organisme pour la communauté LGBTQ+ ».

J’ai ensuite assisté au cours « L’autisme, la schizophrénie, l’hyperactivité et le TDAH », une formation dans laquelle Marie-Lise Pelletier affirme que le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) peut causer des problèmes de santé. Selon elle, l’homéopathie permet de « nettoyer les vaccins » et les résultats sont « débiles mental ».

Une affirmation qui fait une fois de plus bondir M. Jalbert.

« C’est aberrant qu’on puisse permettre de former des gens avec ça et de vendre ces produits-là. […] Les gens de la Santé publique devraient sauter là-dessus ainsi que le Collège des médecins ».

Produits pas homologués

Santé Canada affirme n’avoir jamais homologué des produits qu’on m’a incitée à vendre en tant que « praticienne en gestion de poids ».

Au cours de la formation Nutriphilia, la propriétaire Pascale Gervais affirmait que ses gélules et ses poudres de suppléments étaient certifiées par l’organisme gouvernemental.

« Santé Canada n’a approuvé aucun des produits présentés sur le site web de Nutriphilia », peut-on lire dans un courriel envoyé par André Gagnon, conseiller en communications pour Santé Canada.

L’organisme a confirmé avoir ouvert « un dossier de suivi ».

« La plainte est en cours d’évaluation dans ce cas-ci. Si le ministère découvre que la loi ou son règlement n’ont pas été respectés, il prendra les mesures qui s’imposent, qui pourraient comprendre des visites sur place, des rappels, des communications publiques et des saisies de produits », poursuit le porte-parole.

Notre Bureau d’enquête a constaté que les bouteilles de produits Nutriphilia portent bel et bien un numéro de produit naturel (NPN) donné par Santé Canada.

Mais ce numéro correspond à celui octroyé à l’entreprise Distributions Santé Leblanc, et non pas à Nutriphilia.

Entreprise controversée

Distributions Santé Leblanc appartient à Junot Leblanc selon le registre des entreprises. Il est aussi le propriétaire de la boutique Fix-Santé, à Brossard, qui entrepose les produits de Nutriphilia.

Ce dernier fait partie de la famille de Sylvain Leblanc, qui était à la tête des Centres de santé minceur avant leur fermeture.

D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Pascale Gervais fait affaire avec la famille Leblanc. Dès le premier cours, elle a fait référence au Centre de santé minceur et à la machine Cellotherm, qui appartient à l’entreprise, et à son rôle à l’époque où la compagnie existait toujours.

Aux débuts des années 2000, plusieurs reportages avaient fait état de la controverse entourant les produits et la machine Cellotherm. Le Bureau de la concurrence s’en était même mêlé et avait ordonné en 2006 à Sylvain Leblanc et à tous ses employés de ne pas donner des indications fausses au public au sujet de l’efficacité de ladite machine. Cette ordonnance s’est terminée en 2016.

Pascale Gervais continue de parler des bienfaits de la machine dans ses cours, sur ses réseaux sociaux et dans son manuel de formation.

Des vertes et des pas mûres

Voici un aperçu de ce que notre journaliste a pu entendre pendant deux mois passés à suivre des formations controversées sur la santé et la perte de poids. Des spécialistes affirment qu’il s’agit de propos­­­­ faux, voire dangereux.

Nos experts

Dr Michaël Bensoussan

  • Gastroentérologue

Alexandre Coutant

  • Professeur au département de communication sociale et publique de l’UQAM

Yves G. Jalbert

Capture d’écran
  • Spécialiste du contenu à l’Association de la santé publique du Québec

L’énoncé

« Excusez-moi, vous regardez de la bouffe à terre, il y en a-tu des vers dedans ? Bien, nous autres, c’est à l’intérieur de notre corps. On n’est même pas au soleil et imaginez-vous, il y a des vers dedans ! »

– Pascale Gervais, Nutriphilia

Les faits

« C’est n’importe quoi. C’est inacceptable de dire un truc pareil. Les vers intestinaux, il y a certaines personnes qui en ont. Des fois, ça provoque des maladies. Rarement, ça n’en provoque pas. Peut-être qu’elle confond les vers et les parasites, parce qu’il y a certains parasites qui ne sont pas du tout toxiques et qui vivent en harmonie avec nous autres. »

– Michaël Bensoussan, gastroentérologue


L’énoncé

« Même si j’ai un diabétique, je vais lui donner [le produit] pareil. Sans aucun problème. Ça ne dérangera pas. Rien du tout. C’est juste bon. Peut-on lui faire du tort en lui donnant le sang d’une plante ? Ben non, OK. »

– Pascale Gervais, Nutriphilia

Les faits

« J’enverrais la police. Ça dépasse les bornes. C’est écrit sur l’étiquette que les gens diabétiques ne peuvent pas prendre le produit, mais elle s’en fout. Elle le donne pareil. C’est un gros manque d’éthique, de déontologie. J’espère qu’elle recevra une poursuite par le Collège des médecins ou que l’Ordre des diététistes s’accaparera de ça parce que c’est dangereux. »

– Yves G. Jalbert, spécialiste du contenu de l’ASPQ


L’énoncé

« L’autisme est un dérangement typique causé par une accumulation de toxines. En plus des vaccins, d’autres substances, comme les sprays pour le nez qui a de la cortisone dedans, les antibiotiques, l’aspartame, favorisent le développement de l’autisme. »

– Marie-Lise Pelletier de l’Académie Énergie Santé.

Les faits

« Elle propage de la fausse information basée sur rien et qui n’est pas appuyée par la science. Malheureusement, ce discours vient alimenter les gens qui s’opposent à la vaccination et ça donne des arguments pour justifier pourquoi ils ne veulent pas que leur enfant soit vacciné. »

– Yves G. Jalbert, spécialiste du contenu de l’ASPQ


L’énoncé

« Si tu vis dans la nature, pourquoi tu aurais un cancer ? J’ai jamais entendu parler que, dans le temps des ancêtres, les morts avaient un cancer. On le savait même pas de quoi ils mourraient de toute façon. Ils mourraient à 76-80 ans. »

– Pascale Gervais, Nutriphilia

Les faits

« Ça existe, le cancer, depuis longtemps, et ce n’est pas vrai que les gens qui vivaient dans la nature ne mourraient pas et n’avaient pas de cancer. Peut-être que le cancer n’était pas diagnostiqué. Et pas dépisté. Elle ne peut pas dire ça. »

– Yves G. Jalbert, spécialiste du contenu de l’ASPQ


L’énoncé

« La pelure de tomate, on en trouve dans les sigmoïdes intestinales. Des pelures qui sont rendues fermentées à l’état noir comme du charbon […]. On appelle ça des bouchons de fibres putréfiés avec les années, qui se transforment en matière et qui vont donner des polypes parce qu’ils sont collés sur les intestins […]. Tout le monde devrait donc avoir 2-3 lavements par année ».

– Pascale Gervais, Nutriphilia

Les faits

Des formatrices recommandent de subir deux ou trois irrigations du côlon (lavements) par année, une pratique considérée comme néfaste par des médecins.

« L’hydrothérapie, c’est inutile, potentiellement toxique et potentiellement dangereux. Beaucoup de bonnes bactéries sont présentes dans l’intestin et sont supposées nous protéger de bien des affaires. Ça veut dire qu’on scrape sa flore intestinale en faisant de l’irrigation du côlon. »

– Michaël Bensoussan, gastroentérologue


L’énoncé

« J’ai gagné le prix Nobel de la meilleure praticienne en gestion de poids dans un événement de naturopathie corporatif. […] J’avais beaucoup d’actrices, des cadres et des professionnels connus [comme clients] ».

– Pascale Gervais, Nutriphilia

Les faits

« Prix Nobel, ça peut faire rire, oui. Les économistes ont fait le même type de vol de nom. Il n’y a pas de prix Nobel d’économie. Alfred Nobel considérait que cela n’était pas une science. […] D’ailleurs, il y a plein de gages de confiance qu’on peut aller chercher. Ça se traduit par des labels, des distinctions, des titres ou par un certain vocabulaire. »

– Alexandre Coutant, professeur au département de communication sociale et publique de l’UQAM

source :https://www.journaldemontreal.com/2019/12/07/des-charlatans-certifies-par-quebec

Marie-Christine Noël 35