Lundi 16 Novembre 2009

On aurait tort de se gausser des noms : de Védrines ! Un patronyme nobiliaire. Et donc un manipulateur qui pouvait faire croire à des clés secrètes et à des trésors cachés ! On aurait tort de se moquer d’une famille entière qui aurait pu suivre, dans un délire assumé, un homme de passage, lui livrer et les codes et les comptes en banque. Pour qui s’intéresse tant soit peu à la littérature, il suffit d’aller chercher au rayon années 20 de la bibliothèque. Elmer Gantry. Cela se passait dans l’Amérique du début du siècle. Il s’agissait direz-vous d’un prédicateur baptiste. Et alors ? Tout gourou s’appuie sur les mêmes points faibles. Il arrive à convaincre, à enlever du monde, à réunir dans un même clan des hommes et des femmes qui dans le pire des cas deviendront ses messagers. Nobles ou roturiers. Le reste est affaire d’emprise mentale.

Dans l’affaire des « reclus de Monflanquin », « Sud Ouest », depuis très longtemps, a pris une position qui fut sceptique puis critique (1). Voilà plus de dix ans qu’une seule personne entend convaincre une famille qu’elle est la seule dépositaire d’un code inconnu qui lui permettrait d’accéder à un graal promis. Vieille lune, vieille promesse. Peu à peu, et grâce à l’action de Daniel Picotin, avocat girondin tenace, engagé dans la lutte contre les sectes, des membres de la famille Védrines acceptent de voir ce qu’ils ne voyaient plus : la vérité du monde et l’incongruité prophétique du gourou, qui avait amené toute une famille de Bordeaux en Angleterre pour mieux ponctionner ses richesses.

Pour autant, qu’en est-il aujourd’hui d’autres familles et d’autres esprits ? Cette affaire en dit beaucoup sur la déficience de tous les États et notamment de la France à s’opposer à des emprises manipulatrices et à pouvoir pénalement s’opposer à la manipulation des mémoires familiales et contrôler les faux souvenirs induits. Il est déjà miraculeux que les reclus de Monflanquin puissent un jour revenir parmi nous. Ce sera une belle victoire. Pourra-t-elle faire réfléchir sur une époque qui permet au « Da Vinci Code », aux secrets immémoriaux incas, à la fin du monde programmée de Nostradamus et aux films apocalyptiques de devenir des triomphes de pensée ? On aimerait le croire !

(1) Lire le reportage de Dominique de Laage en pages 8 et 9.

Auteur : y.harte@sudouest.com