CLICANOO.COM | Publié le 20 mai 2009

{{Arrivée de Mâcon le 19 avril, l’institutrice en retraite qui partageait son appartement de la rue de Bourgogne avec les évadés de Domenjod contestait hier son placement en détention. Écrouée pour recel de malfaiteurs, elle dit “n’avoir pas eu la force de dénoncer ces gens.”}}

Une fois de plus dans l’affaire de la secte du Cœur douloureux et immaculé de Marie, c’est une femme à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession qui se présente face aux juges. L’air digne, sa chevelure grisonnante tirée en arrière, le col de chemise bien boutonné, la sexagénaire qui demande à sortir de prison n’est pas précisément le genre de personne à qui l’on prêterait une quelconque complicité dans une affaire d’évasion criminelle. Institutrice en retraite, Christiane Mainguet, 62 ans, prétend d’ailleurs n’avoir jamais eu affaire à Juliano Verbard avant la semaine de sa spectaculaire évasion. La Mâconnaise fera pourtant partie des personnes interpellées, ironie du sort, dans le studio de la rue de Bourgogne au Moufia le soir du 6 mai, aux côtés du gourou et de ses co-évadés. C’est d’ailleurs à son attention, bien que sous un faux nom, que Graziella Daleton avait loué le fameux studio. Graziella, dont elle avait la connaissance lors d’un précédent séjour à la Réunion, au cours d’une réunion de prière à Notre-Dame des Roses, à Saint-Paul. Étrangement, l’adepte réunionnaise va précipitamment réserver pour trois mois l’appartement, quand Christiane Mainguet assure n’être venue que pour “passer un mois de vacances à la Réunion.” Arrivée le 19 avril en provenance de Mâcon, à une cinquantaine de km de l’endroit où vivent désormais Alexandre Thelahire et sa famille, elle loge d’abord chez Graziella, qui l’installe ensuite au Moufia.

{{“La blanche colombe” de “Monseigneur Juliano”}}

La métropolitaine est bientôt rejointe par Marie-Lucie Michel, l’épouse d’Alexin et mère de Fabrice. La touriste ne s’en plaint pas, pas plus qu’elle ne s’étonne de la grande quantité de victuailles mises en réserve dans l’appartement. Lorsque débarquent enfin, le 27 avril, le commando et les trois évadés, Christiane Mainguet se dit “surprise” mais “pensait que c’était des connaissances de (s)a collocatrice.” Les six hommes ne sortent que rarement, la nuit, passent leur journée à écouter la radio, la télé. Eux dorment par terre, elle partage le clic-clac avec Lucie. Tous les jours, Christiane, la seule à ne pas être connue de la gendarmerie, sort acheter du pain et les journaux. “J’ai compris qu’ils étaient recherchés. Mais quand on est dans la situation, c’est différent. Ils ne m’ont jamais menacé ou fait de mal. Ils ne correspondaient pas à l’image qu’en donnaient les médias, même physiquement. C’étaient des gens respectueux, polis, discrets, qui paraissaient avoir besoin d’aide”, raconte la détenue. Étonnamment complaisante bien qu’elle conteste être une “adepte”, elle appelle Verbard “Monseigneur Juliano”, quand lui la nomme “la blanche colombe.” Interrogée sur son appartenance présumée à la secte australienne de l’ordre de Saint-Charbel (lire par ailleurs), Christiane Mainguet minimise encore. “Je n’ai pas vu de mal à ça. Je suis très tolérante sur les religions. D’ailleurs ma fille a épousé un protestant”, se défend l’ancienne institutrice. Elle aurait fait des démarches pour trouver un nouveau logement à la demande Fabrice Michel ? “Oui, mais c’était dans l’optique de venir m’installer et prendre ma retraite à la Réunion.” Décidément en décalage avec les faits reprochés, Christiane Mainguet finit par conclure : “Je n’ai pas trouvé la force de dénoncer ces gens.” Pour le procureur général Raymond Doumas, cette femme “doit être considérée comme très impliquée, car probablement manipulée et encore sous influence. On voit bien qu’elle n’a pas hébergé les évadés à son corps défendant.” Le représentant du ministère public estime “prématurée sa libération, alors que le juge d’instruction ne l’a pas encore interrogée et qu’on ne connaît pas encore les contours de la secte.” Me Jean-Pierre Gauthier, en défense, juge que sa cliente est “bien loin d’avoir apporté un “appui logistique déterminant”, comme l’affirme l’ordonnance de placement en détention.” L’avocat s’appuie en outre sur les déclarations des autres mis en examen pour soutenir que “Christiane Mainguet n’était au courant de rien. Les évadés ont bien décrit sa surprise lorsqu’ils sont arrivés à l’appartement. Ils racontent comment ils lui ont expliqué le pourquoi de cette évasion, et pourquoi ils avaient besoin d’elle car elle était un élément étranger au groupe et inconnu de la police.” Victime manipulée et dépassée par les événements ou adepte consentante et impliquée ? En attendant d’approfondir cette question, la chambre de l’instruction a confirmé le placement en détention provisoire de Christiane Mainguet

Sébastien Gignoux