dimanche 31.08.2008, 04:49 – PAR NICOLAS FAUCON

L’Association de défense des familles et de l’individu (ADFI) dit vouloir signaler à la justice le cas de deux enfants de la métropole lilloise scolarisés en Inde dans une école dirigée par un mouvement considéré comme sectaire par le rapport parlementaire de 1995.

L’histoire pourrait faire penser à celle du petit Yohann, début 1990. Inquiets du sort réservé à leur petit-fils, inscrit à 6 ans par ses parents à l’école internationale Sahaja yoga de Dharamsala, en Inde (la ville du dalaï-lama), les grands-parents avaient saisi la justice. Qui décida d’interdire aux parents de renvoyer leur enfant en Inde, « car le contraire pouvait mettre son équilibre mental en danger ». Les trois experts « avaient constaté d’importantes dégradations psychiques liées à la séparation brutale ».

Dans cette affaire, une famille de la métropole lilloise scolarise dans cette même école de Sahaja yoga leurs enfants de 8 et 6 ans. Basé sur la méditation, ce mouvement propose des cours à Lille et Armentières. Incarné par Shri Mataji, une Indienne de 85 ans, il est surtout répertorié comme secte par le rapport parlementaire de 1995. L’école de Dharamsala, reconnue par les autorités indiennes, scolarise deux cents à deux cent cinquante élèves de 6 à 16 ans venus d’Europe, des États-Unis et d’Australie.

« Cela place ces enfants dans une situation à risque sur le plan de leur développement personnel, car les enfants sont dans un environnement coupé des normes et valeurs de la société », s’inquiète Christian Cabus, du Centre régional contre les manipulations mentales Nord – Pas-de-Calais, qui déplore la présence à la future braderie de Lille du mouvement.
Impuissant

L’histoire débute il y a deux ans. Madame demande la naturalisation française. Les services de la préfecture découvrent que ses deux enfants sont scolarisés à Dharamsala. Ils contactent les services municipaux de la ville de résidence de la famille. Qui disent ne pas pouvoir intervenir : les enfants n’apparaissent nulle part dans leurs registres. Et de renvoyer la balle à l’État. L’Éducation nationale est alertée. « On s’interroge mais nous, on est très impuissant par rapport à ça », avoue Philippe Fatras, directeur de cabinet du recteur de Lille. Donc le temps passe.

Trop au goût de l’ADFI Nord – Pas-de-Calais. Sa présidente, Charline Delporte, veut dénoncer. « Voilà deux ans que cette affaire est connue et que ça traîne. On sait qui est Shri Mataji et ce qui est arrivé au petit Yohan, qui n’allait pas bien là-bas… Nous, on veut simplement voir si les enfants sont en bonne santé. » « C’est une non-affaire », réplique, surpris, le père, bien installé professionnellement dans la métropole. Lui confirme que, respectivement depuis trois et un an, sa fille et son fils fréquentent la fameuse école « huit mois par an. Les quatre autres, ils les passent en France, avec nous ». Et de déplorer « les idées reçues » de l’ADFI et sa tendance à « diaboliser dès qu’on n’est pas dans les clous. On n’a jamais pu discuter avec cette association. Ils se rendraient compte alors, comme les médias, que nous avons tous une vie normale même si on a une croyance qui est ce qu’elle est ».

Son cas n’est pas comparable à l’affaire Yohann, affirme-t-il. « Les parents avaient eu le tort d’envoyer leur enfant contre l’avis des grands-parents. Nous, les quatre ont donné le feu vert. Et croyez-moi, si ma maman a accepté, c’est qu’elle est contente de ce que sont les enfants aujourd’hui. S’ils avaient mal vécu cette scolarisation, on les aurait ramenés immédiatement. Nous les avons au téléphone chaque semaine. Ils vont bien. »

Ouverture

Et d’évoquer deux raisons à « ce choix non dogmatique », qui ne concerne qu’une « infirme minorité » des membres de Sahaja yoga : « Ceux qui ont la chance de pouvoir se le permettre financièrement, comme nous. » Il y a, bien sûr, « la pratique (de la méditation) ». Surtout, les enfants recevraient un enseignement de qualité, loin de tout esprit de compétition. « La scolarité se fait en anglais les enfants pratiquent aussi la musique, le dessin. Aujour-d’hui, j’ai des enfants qui sont capables de parler français, russe (la langue maternelle de la mère) et anglais. Ils sont ouverts sur le monde, c’est primordial à notre époque. » Lui demande-t-on si, à l’instar de Shri Mataji, il pense que le monde occidental est décadent ? « Shri Mataji n’a absolument rien contre l’occident et moi-même je suis très heureux de vivre en France, répond-il. Simplement, des études montrent que les enfants, à force de passer leurs journées sur des Game boy, souffrent de plus en plus d’hyperactivité. » Et d’évoquer la première année de maternelle de sa fille. « Eh bien, ça avait été dur… Je n’avais pas envie à 6 ans de voir mes enfants fumer dans le coin de la cour de récréation. » L’ADFI indique vouloir faire un signalement auprès de la justice. Pour la famille, ce passage par l’Inde touchait de toute façon à sa fin. « Nous avions déjà prévu d’aller chercher les enfants en décembre et de les faire revenir vivre en France où ils seront inscrits dans une école internationale. » La polémique devrait alors se clore.

Photo : Shri Mataji est la fondatrice de Sahaja yoga, qui éduque les enfants à Dharamsala.

La voix du nord