Préambule

Le sujet traité dans ce dossier peut surprendre car il ne semble pas être, aux yeux de l’opinion publique, un thème sensible comme pourraient l”être ceux de la drogue, la pédophilie, l’abus sexuel, l’assassinat ou du blanchiment d’argent. Et pourtant, tous ces crimes se retrouvent, dans le phénomène sectaire, dissimulés sous le couvert de religions, de philosophies, de thérapies, d’épanouissement personnel, d’aide psychologique, voire psychiatrique.

Nous les en remercions très sincèrement dont, en particulier, Maître Marie Anne Donsimoni, avocat au Barreau de Marseille qui a fait l’analyse et a rédigé la synthèse de ce riche échange de vue.

En prémisse, il est utile de retracer quelques informations générales afin de situer le problème, situer l’état de la question et rappeler quelques décisions, interventions et prises de position intéressantes.

A cet effet, nous nous sommes référés à l’ouvrage de Pierre Rancé et Olivier de Baynast: L’Europe judiciaire, paru en 2001 aux Editions Dallos

LA NECESSAIRE ELABORATION DUNE EUROPE JUDICIAIRE

« La confiance entre les systèmes judiciaires ne se décrétant pas, elle doit reposer sur une culture judiciaire commune ainsi que sur la connaissance de systèmes judiciaires et juridiques forcément différents. Il faut donc instruire les magistrats aux réalités de l’Europe. »

(L’Europe judiciaire, Pierre Rancé et Olivier de Baynast – Ed. Dallos 2001)

« Il faut désormais dépasser le réflexe habituel qui consiste à voir dans la justice le domaine réservé des souverainetés nationales. C’est une évidence dans le domaine pénal, tant il est vrai que la criminalité ignore de plus en plus nos frontières et qu’il est impérieux que la police et la justice s’organisent au niveau européen si l’on veut lutter efficacement contre elle.

Mais c’est tout aussi vrai dans le domaine civil car la libre circulation des personnes, en devenant une réalité, a généré des litiges frontaliers qui touchent tous les domaines de la vie : la santé, le travail et la sécurité, mais aussi le mariage, le divorce et les enfants ».

(Elisabeth Gigou au colloque des magistrats européens pour la démocratie et les libertés (Medel).

« Conseil de l’Europe, traité de Rome, accords de Schengen, traité de Maastricht : à l’ombre de cette Europe en construction visible, officielle et respectable, se cache une autre Europe, plus discrète, moins avouable. C’est l’Europe des paradis fiscaux qui prospère sans vergogne grâce aux capitaux auxquels elle prête un refuge complaisant. C’est aussi l’Europe des places financières et des établissements bancaires où le secret est trop souvent un alibi et un paravent. Cette Europe des comptes à numéro et des lessiveuses à billets est utilisée pour recycler l’argent de la drogue, du terrorisme, des sectes, de la corruption et des activités mafieuses »

(L’Appel de Genève : initié par sept magistrats dont le juge français Van Ruymbeke et le procureur général de Genève, Bernard Bertossa suivis par 400 magistrats français).

COMMENT SE PRESENTE AUJOURD’HUI L’EUROPE JUDICIAIRE ?

Les compétences et prérogatives judiciaires sont encore aujourd’hui partagées entre les deux Europes :

Celles de l’Union européenne, l’Europe des 15, modelée par ses traités successifs, Rome (1957), Acte unique (1986), Schengen (1985-1990), Maastricht (1992), Amsterdam (1997) … C’est l’Europe du droit communautaire qui est interprété par la « Cour de Justice des Communautés européennes à Luxembourg ». C’est elle qui contrôle l’application des traités et qui produit la jurisprudence de l’Union.

Celles du Conseil de l’Europe, l’Europe des 41 créée par le traité de Londres en mai 1949. C’est l’Europe des droits de l’Homme. La coopération judiciaire a été longtemps le monopole du Conseil de l’Europe. Elle est maintenant prise en compte par l’Union européenne. Le droit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme est interprété par les juges de la « Cour européenne de Strasbourg » qui dépend du Conseil de l’Europe.

QUELS SONT LES DIFFERENTS ORGANES DE DECISION?

Au niveau de l’Union européenne :

Le Conseil européen : réunion au plus haut niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. C’est l’organe de décision et d’initiative. Les décisions sont prises à l’unanimité.

La Commission européenne : composée de 20 commissaires élus pour 5 ans. Elle est indépendante des Etats. En matière pénale, elle a un droit d’initiative partagé avec les Etats. En matière civile, elle aura le monopole de l’initiative en 2004. Jusqu’en 2004, elle partage le droit d’initiative avec les Etats. Un commissaire est spécialement chargé des affaires de justice.

Le Conseil des ministres de l’UE : se réunit une fois par semaine à Bruxelles et est composés des ministres des 15 chargés des questions à l’ordre du jour. Le JAI est le Conseil des ministres de la Justice et des Affaires Intérieures des pays de l’Union. C’est le lieu de décision du « troisième pilier ». Les travaux sont préparés par des groupes de travail (SGCI en France, Secrétariat Général pour les questions de Coopération Européenne.)

Le Parlement européen : composé de 626 députés nommés pour 5 ans. Il est, en particulier, consulté par la Présidence sur ce qui représente un caractère contraignant pour les Etats en matière de justice et d’affaires intérieures.

La Cours de Justice des Communautés européennes : est formée de 15 juges et 9 avocats généraux. Elle siège à Luxembourg. Elle statue sur les questions de droit communautaire soumises par les cours et tribunaux des pays membres. Elle est également compétente pour les affaires de justice et d’affaires intérieures ainsi que sur l’interprétation d’un certain nombre d’instruments juridiques du « troisième pilier ».

Sur le plan communautaire, le droit d’initiative, voire la codécision, est partagé entre la Commission européenne et le Parlement. Il s’agit du premier pilier, c’est à dire principalement des affaires économiques et en 2004 la coopération judiciaire civile.

Sur le plan intergouvernemental, les décisions sont prises souverainement par les Etats. Il s’agit du deuxième pilier, c’est à dire principalement de la Politique Etrangère et de la Sécurité Commune (PESC), et du troisième pilier, c’est à dire la coopération européenne en matière de justice et d’affaires intérieures dont en particulier la justice pénale. Quant à la justice civile, il est prévu, par le traité d’Amsterdam de 1999, qu’elle devienne communautaire en 2004. Il restera au 3e pilier, l’action policière et la coopération judiciaire pénale.

DECISIONS RECENTES

Pour rappel, il est intéressant de citer certains accords, conventions ou décisions importantes qui montrent que l’élaboration de l’Espace judiciaire européen ne sera plus demain l’utopie que certains avaient dénoncée. La FECRIS souhaite y apporter son écho.

C’est à l’occasion du sommet européen de Nice en décembre 2000 qu’a été créée à l’unanimité, l’unité de coopération judiciaire Eurojust. C’est un choix symbolique, celui de hisser la coopération judiciaire au niveau de la coopération policière avec la volonté politique de l’inscrire dans le traité de l’Union.

A Tampere, le 16 octobre 1999, les chefs d ‘Etat et de gouvernement demandent à l’Union d’aboutir pour mai 2004 à la création d’un « espace de justice, de liberté et de sécurité »
Les objectifs fixés à Tampere concernent trois domaines cruciaux :

La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires civiles, pénales et commerciales par le « titre de justice commun » ou le « titre exécutoire européen » notamment pour le droit de la famille, le divorce et l’autorité parentale.

La lutte contre la criminalité organisée transnationale.

Le renforcement de la coopération judiciaire par la création d’Eurojust et le réseau judiciaire de magistrats.

La Convention de Bruxelles 1 est modifiée en Règlement par le Conseil des ministres du 22 décembre 2000 et doit entrer en vigueur le 1 mars 2002. Ce Règlement simplifie, entre autres, les procédures d’exequatur. Il est prévu de commencer par la suppression de l’exequatur, d’abord pour les décisions relatives au droit de visite, et ensuite pour tous les domaines qui se rapportent au divorce et aux situations familiales autres que le mariage. Il couvre les domaines du droit civil et du droit de la famille. Il fixe notamment la compétence des tribunaux en matière de contrat en prévoyant qu’une personne domiciliée dans un état membre peut être jugée dans un autre état membre. Pour les sociétés, il fixe la compétence des tribunaux en matière de validité, de nullité ou de dissolution des personnes morales ayant leur siège sur le territoire d’un état membre.

Au plan pénal, lors de la réunion du JAI le 30 novembre 2000, un plan d’action sur la reconnaissance mutuelle des décisions pénales a été adopté par les ministres de la Justice et des Affaires intérieures

La convention d’entraide judiciaire pose comme principe que les demandes d’entraide seront adressées directement de magistrat à magistrat sans passer par les administrations centrales. Elle vise à rendre plus souples et donc plus efficaces les modalités de coopération en vigueur depuis la convention du Conseil de l’Europe d’avril 1959.

LA FORMATION DES MAGISTRATS

L’Ecole nationale de la Magistrature de Bordeaux ainsi que les écoles consœurs des Pays-Bas, du Portugal, de Grèce, d’Allemagne, de Grande Bretagne ; ensuite les centres européens de Maastricht et Trèves, et enfin le « Réseau de Lisbonne », c’est à dire les institutions au niveau du Conseil de l’Europe, ont mené des initiatives qui ont conduit à la création des :

« Réseau européen de formation judiciaire », destiné à la promotion d’une culture juridique et judiciaire commune. Le secrétariat est installé auprès de la Commission européenne et doit mettre en place des programmes de formation commune dès 2001.

«Réseau judiciaire civil», pour simplifier la vie des ressortissants européens en leur facilitant l’accès à la justice civile dans tous les pays de l’Union.

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Réunion des avocats européens

9 juin 2001

La réunion organisée par la FECRIS et regroupant un certain nombre d’avocats, de juges et juristes européens, confrontant chacun leur propre expérience dans le domaine du sectarisme et de ses pratiques, a été particulièrement enrichissante sur le plan de l’échange des connaissances des différents professionnels y participant, qui ont comparé chacun, à un niveau européen, selon les instances judiciaires de leur propre pays, les difficultés qu’ils ont pu rencontrer dans la défense des victimes de sectes.

A partir d’un état des lieux concret, appréhendant notamment l’importance judiciaire que les différentes législations doivent donner à la lutte contre le phénomène sectaire, au progrès et à l’avancée significative d’un certain nombre de lois, diverses recommandations ont pu ici être mises en place, à l’aide d’une réflexion commune, tendant à apporter des solutions visant à améliorer tant le sort des victimes des sectes, que la lutte et les remèdes pour lutter contre les agissements sectaires.

Ainsi, la FECRIS, telle qu’en témoigne cette réunion, a pris conscience qu’un des premiers moyens de lutter contre le sectarisme, était avant tout de comparer les différents systèmes judiciaires européens, qui doivent reposer dans le domaine des sectes, sur une culture judiciaire commune, et ce, au-delà de leur différence.

La FECRIS représentée par son Président, Jean Nokin, a ainsi mis l’accent sur la nécessité d’instruire certains juges à la réalité des sectes, afin que leur expérience puisse s’inscrire dans un véritable réseau européen de formation judiciaire dans ce domaine, destinée à la promotion d’une culture juridique et judiciaire commune.

La FECRIS doit donc s’inscrire dans ce nouveau réseau judiciaire civil et pénal, pour créer à l’aide de juristes, une véritable coopération judiciaire, à savoir celle de simplifier l’aide aux victimes européennes du phénomène sectaire, en leur facilitant l’accès à la justice civile et pénale, dans tous les pays de l’Union.

Ainsi, la mise en œuvre du réseau judiciaire civil qui devrait être effectuée en 2002, permettra de créer un lien entre des points de contact désignés par les Etats Membres, les points de contact étant constitués de magistrats et de fonctionnaires des administrations centrales qui seront chargés de veiller à une bonne application et à une bonne utilisation de la coopération judiciaire civile, en matière notamment familiale, et qui seront chargés de suggérer les réformes à apporter. Les Autorités seront encouragées à faire respecter les lois existantes.

Ce réseau mettra en place un système d’information destiné au public, pour l’aider à comprendre comment recourir à la justice d’un autre pays que le sien.

Sur le plan pénal, le Conseil européen est également décidé à renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité organisée et transnationale, au sein desquels, malheureusement, le phénomène sectaire a sa place.

La FECRIS se propose donc de participer à l’élaboration de ce nouvel espace judiciaire européen, en demandant que ses recherches et ses études soient prises en compte lors de l’élaboration de nouvelles dispositions législatives.

Ainsi, la réunion du 9 juin 2001 est déjà une prémisse quant à la nécessité de développer l’échange des meilleures pratiques, de renforcer le réseau des autorités nationales compétentes en matière de prévention de la criminalité, ainsi que la coopération entre les associations spécialisées dans le domaine de lutte contre les sectes, et le développement de programmes nationaux de prévention de cette forme de criminalité, qui est tout aussi grave que par exemple la criminalité urbaine, la délinquance chez les jeunes, celle liée à la drogue.

Un programme est d’ailleurs sur le point d’être financé par la Communauté.

La présente synthèse est donc destinée à rassembler et à résumer toutes les propositions recueillies à partir de l’ordre du jour de la réunion du 9 juin 2001. Les différentes interviews ont permis ainsi un éclairage lucide, à travers les dix pays européens représentés, ce jour là, à la FECRIS, de leur propre réalité judiciaire face au problème sectaire.

Le rapporteur, à l’aide de son expérience professionnelle en tant que magistrat et de sa participation à la prévention du phénomène sectaire, a dressé un bilan de ces dix dernières années, à partir du premier procès en France contre l’Eglise de scientologie, et qui avait été réellement très mal perçu par les autorités judiciaires, jusqu’au vote de la Loi ABOUT-PICARD en mai 2001 ; loi importante qui s’est votée grâce notamment au travail des associations de lutte contre les sectes, et qui prend enfin en compte le délit d’abus de faiblesse et de maintien dans un état de sujétion.

Interrogés tour à tour, les différents états représentés à la FECRIS, ont pu ainsi s’exprimer, en partant d’abord d’un état des lieux et du constat de la carence des législations européennes en matière de lutte contre les sectes (1ère PARTIE), pour faire progresser la législation actuelle, tout en démontrant la difficulté de sa mise en œuvre (2ème PARTIE).

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1ère PARTIE – Etat des lieux de la lutte contre le phénomène sectaire

Nous examinerons tour à tour ici les différentes interventions des juristes européens, concernant le domaine civil, et le domaine du monde associatif.

Droit Civil :

Droit de la famille :

La France a mis l’accent sur les problèmes liés au droit de la famille, conséquence directe souvent rencontrée du phénomène sectaire, notamment le cas des enfants du divorce.

Ainsi, il est apparu que les difficultés se manifestent toujours lorsque l’un des conjoints exprime des problèmes dans sa relation de couple (fréquentation en lien avec une secte, alimentation)

Bien souvent, les magistrats que sont les juges aux affaires familiales, ont une méconnaissance réelle du danger que représentent les sectes.

Ils sont certes vigilants, mais se déchargent volontiers sur des psychologues, voire des assistantes sociales qui, par le biais d’une mesure d’enquête sociale, vont enquêter au sein du milieu familial de l’enfant, qui bien souvent, lorsqu’il est consulté et vu, est apparemment sain, bien qu’en danger moral, et qui paradoxalement, à l’issue de ce rapport, est confié au parent qui appartient à la secte.

Ainsi, l’enfant, otage de ce divorce, n’est pas considéré comme une victime, ou s’il l’est, il est perçu comme une victime ordinaire.

Le problème de la “verticalisation” du système judiciaire a lui aussi été dénoncé dans le domaine familial, à savoir que c’est le même juge, qui, après avoir rendu la décision du divorce, sera saisi ultérieurement du problème familial lié à la garde de l’enfant, et bien souvent, ce magistrat a tendance à ne pas se déjuger, tenant pour acquis son premier sentiment, alors qu’hélas, la situation familiale s’est dégradée, ou que la gravité de cette dernière lui a totalement échappé.

Toutefois, il est cité le cas jurisprudentiel d’un divorce mettant en présence des témoins de Jéhovah. Le tribunal de Grande Instance d’Avignon a fait primer l’intérêt des enfants mineurs, en jugeant le mode de fonctionnement de cette secte comme contraire à l’intérêt de l’enfant.

De plus, lors d’une audience de conciliation, les juges aux affaires familiales doivent statuer sur plus d’une dizaine de dossiers, les avocats ont donc peu de temps pour leur expliquer que l’on est en présence d’une secte.

Il est donc préférable de saisir le juge des Enfants, lequel a plus de liberté, et se concentre uniquement sur l’intérêt de l’enfant, en décidant par exemple une Mesure Educative en Milieu Ouvert (AEMO).

Il est toutefois à préciser que les intervenants français ont déploré l’absence d’un magistrat spécialisé, regroupant toutes les procédures familiales en cours concernant les sectes, à l’instar du domaine pénal.

En Suisse, il est à noter un aspect spécifique : on ne vérifie plus les motifs de divorce, donc la question des sectes dans ce type de procédure n’est plus avancée. On ne la retrouve qu’au niveau des enfants et de l’exercice de l’autorité parentale.

Le Royaume Uni a exprimé qu’il y avait toujours au sein des mentalités tant judiciaires que sociales, une réelle confusion entre le phénomène sectaire et la religion. La loi pénale n’est pas appliquée. Le gouvernement du Royaume Uni reste peu enclin à entreprendre une action contre les sectes parce qu’ il ne comprend pas convenablement le véritable objet de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté de croyance. La police ne comprend pas la notion de secte et considère les victimes comme des victimes consentantes. Dès qu’une secte est issue d’une minorité ethnique, elle joue la carte raciale pour essayer de persuader les autorités de s’abstenir d’intervenir. La « Charity commission » ne comprend pas la notion de secte et en arrive à reconnaître à des sectes le statut religieux, lui attribuant une respectabilité et des avantages fiscaux, même là ou la pédophilie est avérée. On déplore également l’ignorance et le manque d’information des magistrats qui ont en charge le droit de la famille. L’autorité parentale s’exerce jusqu’à la majorité de l’enfant (18 ans), et les parents maintiennent leur autorité jusqu’à cet âge-là, même si l’enfant est confié à un service social. Les autorités ne confèrent pas aux victimes le statut de victime, ne comprenant pas que leur liberté de choix est éclipsée par des techniques de manipulation mentale.

La Belgique déplore une absence de définition des sectes, et donc un vide juridique en la matière. Ce qui compte ici, c’est l’intérêt de l’enfant (confié au Juge de l’Enfance). Le projet d’éducation de l’enfant doit se faire en commun. Lors d’une procédure en divorce, il n’y a pas d’empêchement concernant l’appartenance à une secte. La liberté religieuse et la liberté d’opinion prévalent. L’adulte est considéré comme responsable de ses actes.

Espagne – Droit de la famille : les sectes choisissent généralement de s’inscrire au Registre des Associations à titre d’organismes à caractère culturel. Elles peuvent également s’inscrire au Registre des Organismes religieux. Dans le cas des associations, il n’existe aucun contrôle préalable du caractère sectaire de l’Organisme. Ainsi, n’importe quelle secte se présentant comme organisme culturel peut facilement s’inscrire en occultant son caractère sectaire, dans la mesure où son inscription est effectuée par trois personnes et qu’elle présente des statuts standards. Dans le droit de la famille espagnole, c’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant qui prévaut, raison pour laquelle dans le cas où ce dernier serait mis à mal par les pratiques des groupes de manipulation psychologique (par le biais de l’un de ses géniteurs par exemple), il existe des mécanismes pour que les pouvoirs publics interviennent, bien qu’il soit plus difficile de prouver la maltraitance psychologique que la maltraitance physique.

En Italie, la séparation ou le divorce pour faute n’est pas imputée à l’appartenance à une secte mais aux comportements imposés par la secte qui se concrétisent par des conduites contraires aux obligations consécutives au mariage et au devoir d’assister, élever, entretenir et éduquer les enfants. Il existe toutefois des mesures provisoires pour protéger les mineurs et il existe un droit d’appel, ce qui rallonge la procédure et entraîne beaucoup de difficultés pratiques.

La Suède ne connaît pas de droit de garde automatique. Là encore, c’est l’intérêt de l’enfant qui prime ( problème des risques concrets pour l’enfant). Les services sociaux peuvent donner un certain nombre de recommandations mais ils manquent de connaissances sur le phénomène sectaire.

Sectes et Santé :
En ce domaine, tous les intervenants présents lors de la journée du 9 juin 2001, s’entendent pour souligner que les pouvoirs publics éprouvent d’énormes difficultés vis à vis des sectes faisant état de médecines parallèles.

Ils dénoncent également les régimes alimentaires destructeurs pour l’état de santé des personnes, la manipulation des toxicomanes ou des personnes en situation de précarité qui constituent évidemment des victimes idéales.

Les captations d’héritages :
Ce problème de captation d’héritage évoque inévitablement celui de la maltraitance sur des personnes en état de faiblesse, comme les personnes âgées, victimes idéales pour alimenter le financement des sectes.

En Espagne, la captation d’héritage et les donations effectuées en faveur des sectes peuvent être traitées juridiquement à partir de la réglementation sur l’incapacité et la protection des personnes frappées d’incapacité, y compris la protection temporaire. Le problème est de sensibiliser les juges et les procureurs sur le fonctionnement sectaire. Ce manque de sensibilisation peut provoquer des difficultés au moment de prouver l’incapacité. L’Espagne insiste sur la nécessité de trouver une législation communautaire et européenne en ce domaine et évoque la difficulté de récupérer a posteriori les fonds ainsi captés.

L’Italie évoque la réelle difficulté de légiférer sur des mouvements financiers, et de celle de déclarer une personne indigne d’hériter. Les mouvements financiers de et vers les sectes devraient être soumis à un contrôle surtout s’il s’agit de montants importants. Au niveau associatif, il convient de faire la distinction entre la secte, association non reconnue et à but non lucratif et les nombreuses activités de sociétés qui agissent à l’intérieur de celle-ci.

En France, la Cour de Cassation a déclaré récemment une donation faite au profit d’une secte, nulle et de nul effet, en mettant en avant la manipulation subie par la victime de la secte, et la violence morale qu’elle avait endurée. Il serait donc intéressant d’obtenir des décisions intéressantes sur le plan de la violence psychique.

Le renforcement des législations au niveau du droit associatif :

L’Espagne évoque l’extrême facilité de constituer une association. Il existe pourtant ici des moyens répressifs suffisants en théorie lorsque l’on déclare une association illicite, mais là encore, la législation n’est pas appliquée. Il faut regretter également le manque de sensibilisation des juges et des procureurs

En Allemagne, un certain nombre de sectes risquent de perdre au fil du temps et des actions judiciaires le privilège de mouvement associatif, car elles constituent dans les faits des organismes à but lucratif, en contravention avec le statut des associations.

En Suède, les sectes sont des associations déclarées à but non lucratif. La possibilité d’interdiction n’est pas souhaitable, dans la mesure où cette exigence légale de déclaration est un moyen d’information sur la pratique des sectes et un moyen de les briser.

Le Royaume-Uni souligne le danger réel des associations sectaires s’inscrivant dans des actions apparemment humanitaires qui, sous des apparences de respectabilité, ont toute latitude pour soutirer des fonds. Au Royaume-Uni, sans obligation de comptabilité officielle, il y a un véritable problème de ciblage de vieilles personnes retraitées pour leur soutirer leurs biens.

En France, depuis 1994, il existe un principe de responsabilité pénale des personnes morales, qui peut avoir pour conséquence la dissolution judiciaire des personnes morales. La loi About-Picard prévoit également la possibilité d’une dissolution de la secte par le juge (n’a pas été retenue la dissolution par décret gouvernemental). Sera-t-elle efficace ?

2ème PARTIE – Solutions pratiques et propositions concrètes :

1.- La répression pénale des dérives sectaires :

L’exemple français: la Loi About-Picard:

Fallait-il prévoir une législation spécifique aux sectes ?

Les textes déjà existants permettent de poursuivre les comportements commis par les sectes, tels que:

escroquerie, extorsion de fonds, abus de confiance,
atteinte sexuelle, détournements de mineurs,
législation en matière de droit de travail,
abus de faiblesse comme circonstance aggravante d’une autre infraction… .
Fallait-il ajouter des textes spécifiques en la matière ?

On notait déjà des avancées significatives depuis quelques années, et la grande victoire des associations, fruit de leur bataille, a été la faculté de se constituer partie civile dans le procès pénal.

Ensuite, toute une réflexion a été menée sur la notion de “manipulation mentale”, fallait-il en faire un délit ?

L’adoption définitive de la Loi About-Picard, et “tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales”, met en avant une disposition essentielle dans le domaine pénal.

Le texte étend les éléments constitutifs du délit d’abus de frauduleux de faiblesse afin de permettre de réprimer les mouvements sectaires en tant que tels lorsqu’ils présentent un véritable danger pour les personnes.

La nouvelle définition, inspirée du délit de manipulation mentale permettra de condamner le fait d’abuser frauduleusement de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

La définition retenue de l’abus de faiblesse permettra donc aux autorités judiciaires d’intervenir avant que ne soient commises des infractions aux conséquences parfois bien plus graves. Surtout, le texte vise tout le monde, et pas seulement des personnes fragilisées.

Il s’agit d’autre part ici de distinguer entre:

la manipulation: un individu entre dans un phénomène sectaire, et éprouve alors un phénomène de fascination.
La sujétion qui est une notion plus complète, où l’individu est enfermé dans la secte et subit des pressions qui l’empêchent d’en sortir.
Il ne s’agit pas d’une loi spécifique aux sectes mais aux comportements sectaires, et tous les comportements sectaires (familles, entreprises…).

La difficulté essentielle de ce texte sera de démontrer les 6 éléments constitutifs de l’infraction, et ce par tout moyens (témoignages, expertises):

abus frauduleux,
état d’ignorance ou sujétion,
pressions graves ou réitérées
altération du jugement,
acte ou abstention,
préjudice.
Cela dit, le texte prévoit quand même des éléments objectifs d’appréciation livrés aux juges, qui ne se réfèrera pas uniquement aux analyses des experts.

La Suède connaît en la matière un texte qui a été renforcé dans les années 1970, et qui en pratique ne fonctionne pas. Il n’a en effet jamais reçu application: il ne connaît que le prêt excessif, l’usure, mais pas la manipulation mentale. Il s’agit d’un texte large, qui sanctionne celui qui utilise la position vulnérable d’une victime, afin d’en tirer des avantages illicites, la sanction peut être civile ou pénale et se traduit par la nullité de la convention.

L’Italie prévoyait le délit de plagio, (le fait de tenir quelqu’un sous sa dépendance) ; actuellement seul demeure « l’abus de crédulité populaire » rarement retenu et faiblement sanctionné. La preuve appartient aux psychologues, mais il s’agit d’une notion très vague. D’autre part, la responsabilité pénale ici est personnelle, se rapporte à l’individu et à son comportement. Il n’existe pas de contrainte pour la constitution des associations, on assiste à une déresponsabilisation du représentant légal. L’Italie se déclare favorable à l’allongement du délai de prescription. Il est important de faire la distinction entre la prescription civile et la prescription pénale.

L’Allemagne ne connaît pas la responsabilité pénale des personnes morales, il y a une absence d’instruments judiciaires. La démonstration de la manipulation mentale sera le travail des avocats et des magistrats. Il faut aborder le problème des sectes par les transgressions qu’elles provoquent, et non pas par rapport à leur doctrine.

En Espagne, il existe le délit de lésion. Le Code Pénal suffit et peut résoudre beaucoup de problèmes si les textes sont appliqués.

On assiste ici à un élargissement de la notion de lésion. Antérieurement, il était nécessaire d’invoquer des dommages physiques. Désormais, les dommages psychologiques sont de plus en plus pris en considération. Les juges prescrivent alors des mesures d’éloignement, si une telle volonté est exprimée par la victime.

Le Royaume-Uni connaît “l’undue influence” qui consiste à forcer une personne à commettre un acte qu’elle n’aurait pas commis en temps normal. Il ne s’agit pas ici uniquement d’un acte de violence, mais est applicable également en matière de testament. Mais cette doctrine est rarement appliquée et en conséquence non efficace. Un testament ne devient effectif qu’après la mort de la victime, il est alors bien difficile d’établir « l’undue influence »

La Belgique ne connaît pas d’incrimination spécifique, et est méfiante vis-à-vis de la notion de sujétion, qui existe seulement en matière d’escroquerie et de viol.

Notre invité tunisien évoque la possible réaction des sectes face à de telles législations: se modifier, pour mieux s’implanter ailleurs, et sous une forme différente.

La création de lois d’aides aux ex-adeptes de sectes ou l’assistance tutélaire en question :

Il fut question ici d’une loi de tutelle temporaire de réflexion destinée aux adeptes en difficulté. Le placement sous tutelle d’un majeur le temps d’une réflexion fut donc soulevé.

L’Autriche a mené toute une réflexion sur une telle proposition, mais son efficacité est mise en doute. En effet, il n’est pas prouvé qu’un majeur sous tutelle puisse trouver une aide en la matière. Le contrôle tutélaire serait trop fort, et il faudrait refuser de telles mesures.

L’Allemagne invoque encore une fois la nécessité ici de lois durables et européennes. Il faudrait promulguer une loi de protection des consommateurs en matière de “produits psychologiques”.

La France, quant à elle, est opposée à l’assistance tutélaire. Dans la pratique, aujourd’hui, l’ex-adepte a plutôt besoin de trouver une équipe d’écoute psychologique, qui l’aiderait dans sa démarche. Il faut d’autre part replacer l’individu dans une démarche de réinsertion. Mais, en France, à l’heure actuelle, il n’y a pas de texte qui réponde à ce problème. Peut-être la législation sur l’exclusion résoudrait-elle la difficulté. En résumé, la loi d’assistance tutélaire apparaît peu opportune, trop contraignante et irréaliste.

La Tunisie précise très justement que “l’on ne remplace pas un contrôle par un autre contrôle.”

La question de l’allongement du délai de prescription:

Bien que pour certains, il s’agisse d’une mesure là encore peu opportune (dans la mesure où il faut éviter les exceptions à la prescription) d’autres pensent au contraire à son utilité, dès l’instant où il faut un certain nombre d’années pour une prise de conscience de la manipulation des victimes.

Propositions pratiques concrètes:

Création d’un fonds de solidarité:

Nombre d’intervenants ont souligné que la recherche des preuves dans le domaine de la lutte contre les sectes est coûteuse et difficile, et s’étend sur plusieurs années. On note également un déséquilibre financier entre le demandeur victime et la secte, qui a très souvent les moyens financiers de se défendre.

Nécessité d’une formation d’équipes spécialisées, composées de psychiatres, psychologues, assistantes sociales et magistrats avec renforcement des législations au niveau du droit associatif car il faut regretter le manque de sensibilisation des juges et des procureurs, en général.

Coopération européenne des avocats et professionnels

La FECRIS se propose de devenir une banque de données dans la lutte anti-secte, et de donner l’impulsion pour une création d’une revue spécialisée pour les avocats. Il faudrait alors obtenir de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe des subventions pour aboutir à une telle coopération.

Sensibilisation en Europe, non seulement des juges et des procureurs, mais également des autorités administratives, plus particulièrement de celles ayant une responsabilité en matière de protection des mineurs.

Etablir des courants de coopération entre organismes responsables de la formation des magistrats en Europe.

CONCLUSION

A partir du constat des différences au niveau européen des moyens de lutte contre le sectarisme, et à l’issue de cette journée du 9 juin 2001 qui a permis une réflexion et un échange de propositions, il semble nécessaire que chaque Etat accepte de modifier sa propre législation sur le problème de la dérive sectaire, sans aboutir forcément à un système unique, mais en arrivant au moins à une certaine compatibilité, pour qu’au sein de l’Union européenne, l’on obtienne des décisions pour permettre d’avoir rapidement des réponses adaptées à la lutte contre la criminalité sectaire.

La FECRIS souhaite donc apporter sa pierre à l’élaboration de l’espace judiciaire européen en demandant que soient prises en compte les recommandations suivantes :

Une reconnaissance mutuelle européenne des décisions de justice.
La reconnaissance au niveau européen d’une responsabilité pénale des associations sectaires.
La formation de magistrats européens spécialisés formant réseaux d’information mutuelle.
La promulgation d’une loi européenne de protection des consommateurs en matière de « produits psychologiques » (Psychomarket ).
A cet effet, la FECRIS souhaiterait

Participer à l’information des réseaux de magistrats, avocats et juristes.
Participer à l’information des autorités gouvernementales et du réseau qu’elles peuvent constituer.
Participer à la création d’un collecteur international de données. (Data bank)
LA NECESSAIRE ELABORATION D’UNE EUROPE JUDICIAIRE

« La confiance entre les systèmes judiciaires ne se décrétant pas, elle doit reposer sur une culture judiciaire commune ainsi que sur la connaissance de systèmes judiciaires et juridiques forcément différents. Il faut donc instruire les magistrats aux réalités de l’Europe. »

(L’Europe judiciaire, Pierre Rancé et Olivier de Baynast – Ed. Dallos 2001)

« Il faut désormais dépasser le réflexe habituel qui consiste à voir dans la justice le domaine réservé des souverainetés nationales. C’est une évidence dans le domaine pénal, tant il est vrai que la criminalité ignore de plus en plus nos frontières et qu’il est impérieux que la police et la justice s’organisent au niveau européen si l’on veut lutter efficacement contre elle.

Mais c’est tout aussi vrai dans le domaine civil car la libre circulation des personnes, en devenant une réalité, a généré des litiges frontaliers qui touchent tous les domaines de la vie : la santé, le travail et la sécurité, mais aussi le mariage, le divorce et les enfants ».

(Elisabeth Gigou au colloque des magistrats européens pour la démocratie et les libertés (Medel).

« Conseil de l’Europe, traité de Rome, accords de Schengen, traité de Maastricht : à l’ombre de cette Europe en construction visible, officielle et respectable, se cache une autre Europe, plus discrète, moins avouable. C’est l’Europe des paradis fiscaux qui prospère sans vergogne grâce aux capitaux auxquels elle prête un refuge complaisant. C’est aussi l’Europe des places financières et des établissements bancaires où le secret est trop souvent un alibi et un paravent. Cette Europe des comptes à numéro et des lessiveuses à billets est utilisée pour recycler l’argent de la drogue, du terrorisme, des sectes, de la corruption et des activités mafieuses »

(L’Appel de Genève : initié par sept magistrats dont le juge français Van Ruymbeke et le procureur général de Genève, Bernard Bertossa suivis par 400 magistrats français).

COMMENT SE PRESENTE AUJOURD’HUI L’EUROPE JUDICIAIRE ?

Les compétences et prérogatives judiciaires sont encore aujourd’hui partagées entre les deux Europes :

Celles de l’Union européenne, l’Europe des 15, modelée par ses traités successifs, Rome (1957), Acte unique (1986), Schengen (1985-1990), Maastricht (1992), Amsterdam (1997) … C’est l’Europe du droit communautaire qui est interprété par la « Cour de Justice des Communautés européennes à Luxembourg ». C’est elle qui contrôle l’application des traités et qui produit la jurisprudence de l’Union.

Celles du Conseil de l’Europe, l’Europe des 41 créée par le traité de Londres en mai 1949. C’est l’Europe des droits de l’Homme. La coopération judiciaire a été longtemps le monopole du Conseil de l’Europe. Elle est maintenant prise en compte par l’Union européenne. Le droit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme est interprété par les juges de la « Cour européenne de Strasbourg » qui dépend du Conseil de l’Europe.

QUELS SONT LES DIFFERENTS ORGANES DE DECISION ?

Au niveau de l’Union européenne :

Le Conseil européen : réunion au plus haut niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. C’est l’organe de décision et d’initiative. Les décisions sont prises à l’unanimité.

La Commission européenne : composée de 20 commissaires élus pour 5 ans. Elle est indépendante des Etats. En matière pénale, elle a un droit d’initiative partagé avec les Etats. En matière civile, elle aura le monopole de l’initiative en 2004. Jusqu’en 2004, elle partage le droit d’initiative avec les Etats. Un commissaire est spécialement chargé des affaires de justice.

Le Conseil des ministres de l’UE : se réunit une fois par semaine à Bruxelles et est composés des ministres des 15 chargés des questions à l’ordre du jour. Le JAI est le Conseil des ministres de la Justice et des Affaires Intérieures des pays de l’Union. C’est le lieu de décision du « troisième pilier ». Les travaux sont préparés par des groupes de travail (SGCI en France, Secrétariat Général pour les questions de Coopération Européenne.)

Le Parlement européen : composé de 626 députés nommés pour 5 ans. Il est, en particulier, consulté par la Présidence sur ce qui représente un caractère contraignant pour les Etats en matière de justice et d’affaires intérieures.

La Cours de Justice des Communautés européennes : est formée de 15 juges et 9 avocats généraux. Elle siège à Luxembourg. Elle statue sur les questions de droit communautaire soumises par les cours et tribunaux des pays membres. Elle est également compétente pour les affaires de justice et d’affaires intérieures ainsi que sur l’interprétation d’un certain nombre d’instruments juridiques du « troisième pilier ».

Sur le plan communautaire, le droit d’initiative, voire la codécision, est partagé entre la Commission européenne et le Parlement. Il s’agit du premier pilier, c’est à dire principalement des affaires économiques et en 2004 la coopération judiciaire civile.

Au niveau du Conseil de l’Europe

Sur le plan intergouvernemental, les décisions sont prises souverainement par les Etats au sein du Conseil de l’Europe. Il s’agit du deuxième pilier, c’est à dire principalement de la Politique Etrangère et de la Sécurité Commune (PESC), et du troisième pilier, c’est à dire la coopération européenne en matière de justice et d’affaires intérieures dont en particulier la justice pénale. Quant à la justice civile, il est prévu, par le traité d’Amsterdam de 1999, qu’elle devienne communautaire en 2004. Il restera au 3e pilier, l’action policière et la coopération judiciaire pénale.

DECISIONS RECENTES

Pour rappel, il est intéressant de citer certains accords, conventions ou décisions importantes qui montrent que l’élaboration de l’Espace judiciaire européen ne sera plus demain l’utopie que certains avaient dénoncée. La FECRIS souhaite y apporter son écho.

C’est à l’occasion du sommet européen de Nice en décembre 2000 qu’a été créée à l’unanimité, l’unité de coopération judiciaire Eurojust. C’est un choix symbolique, celui de hisser la coopération judiciaire au niveau de la coopération policière avec la volonté politique de l’inscrire dans le traité de l’Union.

A Tampere, le 16 octobre 1999, les chefs d ‘Etat et de gouvernement demandent à l’Union d’aboutir pour mai 2004 à la création d’un « espace de justice, de liberté et de sécurité »
Les objectifs fixés à Tampere concernent trois domaines cruciaux :

La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires civiles, pénales et commerciales par le « titre de justice commun » ou le « titre exécutoire européen » notamment pour le droit de la famille, le divorce et l’autorité parentale.

La lutte contre la criminalité organisée transnationale.

Le renforcement de la coopération judiciaire par la création d’Eurojust et le réseau judiciaire de magistrats.

La Convention de Bruxelles 1 est modifiée en Règlement par le Conseil des ministres du 22 décembre 2000 et doit entrer en vigueur le 1 mars 2002. Ce Règlement simplifie, entre autres, les procédures d’exequatur. Il est prévu de commencer par la suppression de l’exequatur, d’abord pour les décisions relatives au droit de visite, et ensuite pour tous les domaines qui se rapportent au divorce et aux situations familiales autres que le mariage. Il couvre les domaines du droit civil et du droit de la famille. Il fixe notamment la compétence des tribunaux en matière de contrat en prévoyant qu’une personne domiciliée dans un état membre peut être jugée dans un autre état membre. Pour les sociétés, il fixe la compétence des tribunaux en matière de validité, de nullité ou de dissolution des personnes morales ayant leur siège sur le territoire d’un état membre.

Au plan pénal, lors de la réunion du JAI le 30 novembre 2000, un plan d’action sur la reconnaissance mutuelle des décisions pénales a été adopté par les ministres de la Justice et des Affaires intérieures

La convention d’entraide judiciaire pose comme principe que les demandes d’entraide seront adressées directement de magistrat à magistrat sans passer par les administrations centrales. Elle vise à rendre plus souples et donc plus efficaces les modalités de coopération en vigueur depuis la convention du Conseil de l’Europe d’avril 1959.

LA FORMATION DES MAGISTRATS

L’Ecole nationale de la Magistrature de Bordeaux ainsi que les écoles consœurs des Pays-Bas, du Portugal, de Grèce, d’Allemagne, de Grande Bretagne ; ensuite les centres européens de Maastricht et Trèves, et enfin le « Réseau de Lisbonne », c’est à dire les institutions au niveau du Conseil de l’Europe, ont mené des initiatives qui ont conduit à la création des :

« Réseau européen de formation judiciaire », destiné à la promotion d’une culture juridique et judiciaire commune. Le secrétariat est installé auprès de la Commission européenne et doit mettre en place des programmes de formation commune dès 2001.

« Réseau judiciaire civil », pour simplifier la vie des ressortissants européens en leur facilitant l’accès à la justice civile dans tous les pays de l’Union.