La Cour de Strasbourg va trancher sur le statut fiscal de la secte.
Ce n’est qu’une étape, car l’affaire doit encore être jugée au fond. En attendant, les Témoins de Jéhovah se réjouissent [ ] de la perspective de voir enfin cesser les discriminations dont ils ont été l’objet » . Satisfaction jeudi à la section française des Témoins de Jéhovah. Car mercredi, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré recevable la requête introduite par ce mouvement contre la France.
Depuis quinze ans, en France, les Témoins sont considérés comme une secte, assimilée aux mouvements apocalyptiques. Parmi les « dérives sectaires » qui leur sont reprochées, des pratiques d’abus de faiblesse, l’enfermement d’enfants pouvant conduire à leur isolement social, et leur refus de toute transfusion sanguine – qui, dans l’Hexagone comme ailleurs, a déjà conduit à des décès d’adeptes malades. Cataloguée ainsi, les Témoins sont la plus grande secte du pays, avec un quart de million d’adeptes.
« Nous n’aurions jamais dû figurer sur la liste des sectes », contestent les intéressés. Qui se voient comme une « confession chrétienne » minoritaire issue du protestantisme, et se veulent donc la cinquième religion de France en nombre de fidèles. Ils démentent « les accusations fallacieuses » dont ils feraient l’objet et dénoncent une « diabolisation » contraire au « simple droit à la différence et à la spiritualité ».
Très pugnaces devant les tribunaux, épaulés par de redoutables avocats, ils y ont, ces dernières années, remporté quelques victoires retentissantes.
Ainsi, ils ont fait condamner un hôpital pour avoir transfusé d’autorité une adepte, violant la loi sur les droits des malades qui prohibe l’imposition contre leur gré de soins aux patients. Et, en 2003, ils ont fait condamner Paris par cette même Cour européenne des droits de l’homme pour discrimination et violation du droit au respect de la famille. Une adepte avait perdu la garde de ses deux enfants, la justice ayant invoqué (mais sans enquête sociale préalable) les règles éducatives en vigueur dans cette communauté, « critiquables en raison de leur dureté ». Mais, cette fois, c’est un gros et vieux contentieux fiscal qui vaut à Paris d’être à nouveau traîné à Strasbourg par les Témoins de Jéhovah.
Ceux-ci étant considérés comme « une secte de nature à troubler l’ordre public », ils ne bénéficient pas du régime fiscal avantageux des associations cultuelles. Tous les dons des adeptes sont donc taxés à 60 %, ce qui serait « discriminatoire ». Pour leur défense, les Témoins brandiront plusieurs éléments plaidant a priori en leur faveur. Ainsi, des tribunaux administratifs ont déjà critiqué la manière avec laquelle la Commission parlementaire sur les sectes a travaillé, en 1995, pour aboutir in fine à l’inscription des Témoins dans sa liste noire. La jurisprudence du Conseil d’Etat est très fluctuante : il a déjà reconnu le statut cultuel à des associations locales de ce mouvement. En outre, en 2006, le chef du Bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur en personne a fait sensation au Parlement, en jugeant que cette association constituait bel et bien « un courant cultuel ». Ce qui est aussi l’avis de la Fédération protestante de France, selon qui il s’agit d’un « culte légitime ».
La Libre Belgique
Bernard Delattre
Correspondant permanent à Paris
le 01/10/2010