Que s’est-il passé, sur les hauteurs de Sisteron (04), la nuit du 1er au 2avril, dans la pesante intimité de la petite communauté de Jansiac? Une dizaine de personnes, tout au plus, qui ont fait le choix radical de vivre hors du monde, en autarcie, au bout de 8km de piste cahoteuse.

Cette nuit-là, Kevin Fauvel, 27 ans, originaire d’Auray, membre de la communauté depuis deux ans et demi, s’est volatilisé. «Un des membres a discuté avec lui jusqu’à 4h du matin. Mais au petit-déjeuner, ils ne l’ont pas trouvé, il n’était pas dans son camion», explique sa mère, Corinne Richard.

«C’est dur de se faire entendre»
Une mère rongée par l’inquiétude et épuisée par l’attente d’un fils «avec qui je n’étais pas en rupture». La preuve, «il est venu à Noël, il m’avait aidé à repeindre les murs. Et puis il devait venir à Pâques, voter. Il n’aurait pas raté une élection, d’ailleurs, il m’a donné procuration pour les législatives».

De son côté, l’enquête, elle, est au point mort. «J’ai des contacts avec la gendarmerie, là-bas, tous les jours, je leur téléphone, je leur envoie des mails. Mais c’est dur de se faire entendre, la dernière fois ils m’ont un peu envoyé bouler. Et puis, je n’ai pas l’impression qu’ils aient tout fait». Et Corinne Richard de dénoncer certaines incohérences. «Au début, ils m’ont dit qu’il était parti avec sa carte d’identité, sauf que quand on a récupéré sa sacoche, sa carte était toujours dedans. Or, Kévin ne serait jamais parti sans ses papiers».

La voix un peu lasse et désabusée, elle poursuit. «Les gendarmes ont interrogé les membres. Mais, par exemple, ils n’ont pas sondé l’étang juste à côté». Un gendarme aurait même dit au père de Kevin, «votre fils est grand, il sait nager».

De son côté, Corinne Richard a déposé plainte contre X pour non-assistance à personne en danger auprès du parquet de Digne. Visée, la communauté. «J’ai appris qu’il n’était pas bien depuis plusieurs semaines, qu’il tenait des propos incohérents. Et personne n’a appelé un médecin, personne ne m’a prévenue, alors qu’ils ont mon numéro. On ne peut pas laisser quelqu’un comme ça. Enfin, je commence à avoir des doutes sur cette communauté, un jeune membre s’est suicidé, il y a cinq ans». Corinne Richard poursuit. «Je pense qu’il s’est passé quelque chose, qu’il a peut-être voulu partir. Mais la pression psychologique est terrible, il ne faut pas croire, ce n’est pas le monde des Bisounours. Les membres de la communauté ne disent pas tout, j’en suis sûre».

«Seuls et fatigués»
«Aujourd’hui je passe par tous les états. J’ai appelé d’autres communautés dans la région, en demandant s’ils avaient vu Kevin. Une fois on m’a dit “Ah oui bougez pas, il est là je vous le passe”. J’ai bondi. Mais ça n’était pas lui…».

En désespoir de cause, Corinne Richard s’est rapprochée de la gendarmerie d’Auray, pour lancer un appel à témoins. «Il a fait toutes ses études en Bretagne, il a gardé des potes ici. On ne sait jamais, peut-être que quelqu’un l’a vu».

«Je ne sais plus quoi faire, je n’ai pas envie de me plaindre, de faire la victime, ça n’est pas dans ma nature, mais on se sent très seuls, très fatigués. Je pense qu’on devrait mieux prendre en charge les familles, expliquer les procédures, nous orienter». Toute la difficulté des disparitions d’adultes : lorsqu’elles n’ont pas de caractère criminel, elles peuvent être considérées par la justice comme volontaires.

Marc Revel
Source :
http://www.letelegramme.com/ig/generales/regions/bretagne/auray-disparition-le-combat-d-une-mere-05-05-2012-1691222.php

Bretagne Auray.
LE TELEGRAMME 5 mai 2012 à 08h50
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