{{Décembre 2009- Le courrier des maires}}

Dans les années 90, le retentissement médiatique des suicides collectifs illustrait le paroxysme de la nuisance des sectes. Aujourd’hui, les dérives sectaires s’immiscent dans la vie quotidienne des citoyens aux travers d’activités économiques ou associatives à priori honorables. Interpellé sur certains agissements, le premier magistrat de la commune cherche alors les moyens d’action contre des organisations qui profitent de la faiblesse humaine. Depuis les lois du 28 mars 2003 et du 13 août 2004, relative à l’organisation décentralisée de la République, les maires, les présidents des conseils régionaux et généraux sont à même de prendre des décisions et de réagir s’ils sont confrontés au risque sectaire.

{{1- Respecter la liberté de conscience}}

«Il faut se garder de la chasse au sorcières» prévient-on à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Les principes de la laïcité, définis par la loi de 1905 concernant la séparation des églises et de l’Etat, accordent le droit à tout citoyen de croire et de penser en totale liberté et de pratiquer, éventuellement, le culte de son choix. Toute action publique sera menée dans le respect absolu des libertés publiques et individuelles au premier rang desquelles la liberté d’association et de conscience.

{{2 – Comprendre le mécanisme de l’emprise sectaire}}

Toute personne peut aller à la rencontre d’une aspiration, d’une proposition de vie meilleure, la promesse d’un développement personnel. Mais pourquoi monsieur et madame « Tout le monde » peuvent-ils accepter l’inacceptable ? Parce que les groupes sectaires détournent à leur profit les attentes de notre société. Ils déclinent les grands thèmes contemporains aux travers d’activités comme la formation, le développement personnel, les médecines alternatives, l’humanitaire, l’écologie… Tous les moyens sont mis en œuvre pour séduire de futurs adeptes qui sont parfois fragilisés par une situation temporaire ou simplement en quête d’équilibre et d’harmonie. L’accueil de ces personnes est toujours personnalisé et empreint de chaleur humaine. Tout est prêt pour leur donner rapidement l’impression que seule cette association, ce mouvement, apportera une réponse à leurs problèmes ou à leur quête spirituelle. L’engrenage est en place pour une emprise mentale comparable à la dépendance à l’alcool ou à la drogue.

{ {{A noter}} }

Les dérives sectaires ne se limitent pas à la sphère religieuse. Plus de la moitié des cas concernent le secteur de la santé, du développement personnel, des actions humaines, éducatives et culturelles.

{{3- Identifier les critères de dangerosité}}

Par respect de la laïcité, le droit français ne donne aucune définition juridique de la secte pas plus que de la religion cependant tout n’est pas permis au nom de la liberté de conscience. L’élu ou le fonctionnaire territorial pourra s’opposer à des pratiques si elles sont dangereuses, contraire à la loi ou à un règlement. Il existe donc des limites à ne pas franchir. Plusieurs critères de dangerosité sont retenus pour alerter sur des agissements à caractère sectaire : la déstabilisation mentale, la rupture avec l’environnement sociale et familiale, des exigences financières exorbitantes, l’atteinte à l’intégrité physique, l’embrigadement des mineurs, un discours antisocial, les troubles à l’ordre public, les démêlées judiciaires, le détournement des circuits économiques traditionnels, les tentatives d’infiltration des pouvoirs public. « Un seul de ces critères n’est pas suffisant, prévient la Miviludes. Il convient d’en croiser au moins trois pour commencer à soupçonner l’existence d’agissements sectaires. »

{{4- Prohiber le motif d’appartenance à un mouvement sectaire pour motiver une décision}}

Quel que soit le contexte, rejet d’une demande subvention ou de financement, refus d’un permis de construire ou de l’agrément d’une assistante maternelle, le maire ou le conseiller général motivera sa décision sans stigmatiser l’appartenance à un mouvement sectaire. Les pratiques contraires à l’ordre public pourront être interdites à condition d’être dument justifiées. Ainsi, le fait qu’une association appartienne à la liste des mouvements sectaires établie dans le rapport parlementaire présenté à l’assemblée nationale en décembre 1995*, ne peut servir à elle seule de justification d’une décision municipale. « Les mouvements sectaires, savent se poser eux-mêmes en victime, au nom de la liberté de culte ou de conscience. Lorsqu’ils obtiennent gain de cause auprès des tribunaux, ils s’empressent de relayer la décision au travers d’une campagne de communication », indique-t-on encore à La Miviludes.

{{ {Référence} }}

La loi du 13 juin 2001 (JORF n°135 page 9337 ) dite «loi About-Picard», a étendu l’incrimination d’abus de faiblesse à des situations de sujétion physiques et psychologique caractéristiques de l’emprise sectaire.
L’étymologie latine de secte prête elle-même à confusion : s’agit-il d’un groupe en rupture (secare) ou un groupe qui suit aveuglément son leader (sequi) ?

{{5- Se rapprocher des services de l’Etat et des associations}}

La détection du risque sectaire n’est pas un exercice aisé. Pour réagir de manière appropriée à des situations dérivantes, l’élu ou l’agent territorial, ne doit pas rester seul. Il se tournera selon la nature du problème rencontré vers les correspondants « sectes » présents aujourd’hui dans chaque administration départementale. Depuis le 30 juin 2005, la prévention est assurée, sous l’autorité du préfet, par des Conseils départementaux de prévention de la délinquance, l’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes. Les ordres professionnels (médecins, pharmaciens, dentistes, avocats) sont sensibilisés à ces questions et les associations de défenses des familles sont aussi des sources d’informations précieuses.
Les actions de vigilance sont coordonnées au niveau national, depuis 2002, par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) qui dépend directement du Premier Ministre. Elle peut être sollicitée directement.

{{6- Veiller à la protection des mineurs}}

La santé et l’éducation sont des domaines très exposés aux risques sectaires. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, confère au maire un rôle de contrôle accru sur l’assiduité scolaire. Il aura un rôle à jouer sur le respect de l’obligation scolaire et particulièrement lorsque l’instruction est dispensée à domicile. Depuis le 14 février 2008, il est autorisé à recueillir des informations sur l’inscription des enfants mineurs. Tout manquement au dispositif légal devra être signalé à l’inspection académique ou à la justice, le cas échéant. Dans le domaine de la santé, la commune tient un fichier des vaccinations condition d’admission dans les établissements scolaires. Toute infraction à l’obligation de vaccination sera signalée au préfet.
A noter : Dans le cadre d’un dossier d’adoption, l’intérêt les convictions religieuses, philosophiques ou morales, des parents candidats constituent un motif de refus d’agrément lorsqu’elles peuvent avoir des incidences sur la santé de l’enfant, comme l’adhésion au dogme du refus de la transfusion sanguine.
A savoir
Pour, l’octroi, le refus ou la suspension de l’agrément d’une assistante maternelle, le président du conseil général peut invoquer des comportements éducatifs risquant de marginaliser l’enfant : rigidité ou austérité excessive, absence de réjouissances collectives, participation aux activités de la secte, régime alimentaire inadapté…

{{7- Préserver le patrimoine culturel}}

Les mouvements sectaires aiment placer leurs revenus dans des bâtisses anciennes classées ou inscrites au patrimoine. Ces biens immobiliers deviennent les lieux de leurs rites et autres séances d’initiation à leurs préceptes. Les collectivités territoriales ne peuvent s’immiscer dans les transactions opérées entre personnes privées. En revanche, il est de leur devoir, au moindre doute, de signaler à la direction du patrimoine les changements de propriétaires, ou d’avertir l’architecte des bâtiments de France en cas de dégradation. Ainsi, une procédure judiciaire a pu être menée contre les agissements d’une secte, en Haute-Saône, en liaison avec l’architecte des bâtiments de France. De nombreuses infractions avaient été constatées dans un château protégé au titre des monuments historiques, qui avait été dépouillé notamment de ses cheminées, de ses parquets et boiseries du XVIIème siècle. Les condamnations financières ont été prononcées entrainant le départ du mouvement et de son responsable en Allemagne.

{{ {A noter :} }}

Les profanations portant une signature à connotation satanique ont augmenté de 300% depuis ces trois dernières années. Les mouvements associés au culte de Satan, utilisent des méthodes sectaires dans leur recrutement. Leurs rites et leurs cérémonies s’organisent dans des églises, des chapelles, des cimetières ou autour de fontaines ou de calvaires.

{ {{A savoir :}} }

La Miviludes évalue à 25.000 personnes les adeptes de Satan, 80% d’entre eux ont entre 15 et 25 ans. Les adolescents «gothiques» ou «métaleux» (fans de musique métal) sont sensibles aux univers noirs, sulfureux dans lesquels le diable est la référence, ils peuvent devenir des cibles idéales pour les mouvements sataniques.

{{8 – Faire respecter les règles d’urbanisme}}

La jurisprudence est très riche en matière d’Urbanisme. Le refus de délivrance d’un permis de construire ou d’un certificat d’urbanisme, doit là encore s’appuyer sur des éléments concrets et les faits allégués doivent être prouvés. La description de la destination du bâtiment apporte des indications sur le projet et sur l’accueil du public. La sécurité ou la salubrité publique peuvent être prises en compte. Une réserve peut être émise ,par exemple, sur le parc de stationnement non-adapté à la capacité d’accueil du bâtiment. La marie de Paris avait refusé de délivrer un permis de construire à une association cultuelle car ses travaux comportaient l’obstruction d’une fenêtre et d’une porte donnant sur la façade. L’aspect extérieur étant modifié, l’accord des co-propriétaires était exigé. Le conseil d’Etat avait confirmé le bien-fondé de cette décision.

A noter : L’utilisation du droit de préemption est tentant pour empêcher l’acquisition d’un bien par un mouvement sectaire, mais en l’absence d’un projet de nature à justifier ce droit, la décision administrative peut être annulée.

{{9 – Fonder le refus de location de salle}}

La question de la location de salle ou d’autorisation d’occupation du domaine public par des mouvements sectaires est elle le sujet sur lequel la Miviludes est la plus consultée par les communes. En effet, comment ne pas donner l’impression de cautionner une idéologie sectaire en autorisant l’accès à des locaux municipaux ? Un véritable casse-tête ! Rien ne s’oppose à ce que des mouvements de pensée utilisent le domaine public moyennant les mêmes contreparties financières versés par les autres utilisateurs. En revanche, si la commune met à disposition gratuitement un bien public pour pratiquer un culte, cela serait considéré comme une subvention au dit-culte et donc porterait atteinte aux principes de laïcité ! Le principe d’égalité interdit au maires de refuser le prêt ou la location habituellement pratiquée, sauf à justifier de nécessités liés à l’administration des propriétés ou au maintien de l’ordre public. Le refus là encore doit correspondre à une réalité, et s’il est systématique il peut être considéré comme discriminant.

{{10 – Organiser des formations à l’intention des agents}}

Les agents territoriaux sont au plus près de la population pour prévenir les risques sectaires. Des formations spécifiques pour les aider à mieux identifier les modes opératoires des mouvements à caractère sectaires leurs sont destinés depuis une convention signée le 9juin 2004, entre la Miviludes et le Centre national de fonction publique territoriale (CNFPT). Elles sont dispensées dans le cadre de la formation initiale ou dans le cadre de la formation continue, en particulier par l’Enact de Montpellier. «Les directions des ressources humaines doivent être particulièrement sensibilisés, car elles sont souvent la porte d’entrée, d’organisateurs de stages ayant pour thème l’épanouissement personnel et professionnel, un domaine dans lequel excelle les mouvements sectaire ,prévient-on à la Miviludes. Pour se protéger de stages fantaisiste, nous leur conseillons d’élaborer un cahier des charges contenant un contrôle des objectifs, particulièrement pour des contenus tels que le coaching personnel actuellement très en vogue».

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Un article de Sophie Maréchal, avec les services de la Miviludes