La radicalisation inquiète Dounia Bouzar, anthropologue et directrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam.

Quel est le profil de ces jeunes, candidats au djihad ?

Dounia BOUZAR : « Agés de 14 à 21 ans, ils viennent de tous les milieux sociaux. Sur les 120 demandes d’aide que nous avons reçues, 80 % des jeunes sont issus de familles athées et 70 % n’ont aucun lien avec l’immigration. Il y a dix ans, les radicaux arrivaient à faire basculer des jeunes fragilisés. Aujourd’hui, ils ont amélioré leurs techniques. En mélangeant la modernité d’internet, les images subliminales des jeux vidéo, les techniques d’endoctrinement propres aux sectes et l’Islam, ils arrivent à faire basculer un jeune qui va bien, scolarisé et sans problèmes familiaux. Et en jouant la carte de l’humanitaire, ils touchent de plus en plus de filles. »

Quel est le processus d’endoctrinement ?

« Le basculement naît de la rencontre entre un jeune très sensible qui se pose des questions sur les injustices et un discours qui le transforme en sauveur de l’humanité. L’endoctrinement débute presque systématiquement par internet, notamment les réseaux sociaux. L’exaltation de groupe est d’abord virtuelle et donc discrète. Très souvent, leur première rencontre physique avec un djihadiste n’a lieu qu’après leur départ pour la Syrie. Les parents doivent être sensibles aux signes de rupture concrets. Le jeune refuse de voir ses anciens amis, arrête ses activités extra-scolaires ou interrompt sa scolarité. Lorsqu’il y a rupture sociale sous prétexte religieux, les parents doivent le signaler. »

Que conseillez-vous ?

« Il est d’abord essentiel de bloquer le départ de l’enfant en lui interdisant la sortie du territoire. La plateforme de signalement a apporté une aide concrète à des familles qui jusque-là se sentaient coupables et démunies. Nous conseillons de ne surtout pas chercher à raisonner le jeune, cela ne ferait que renforcer l’autorité des prédateurs. Il faut leur rappeler de bons souvenirs, passer par l’affect et tenter de remobiliser l’individu que les radicaux ont cherché à gommer. Lorsque l’enfant est parti, en revanche, cela devient très compliqué. Ils se mettent souvent à réciter comme des robots et semblent parfois ne plus rien ressentir pour leurs proches. Certains s’autodéradicalisent et rentrent. Si les garçons parviennent à fuir, les filles sont immédiatement séquestrées. »

source : http://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2014/10/16/djihad-n-importe-quel-jeune-peut-basculer