La mission de Dounia Bouzar sur la déradicalisation va prendre fin. Le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI), dirigé par la très médiatique chercheuse, a annoncé, jeudi 11 février, son intention de renoncer au contrat qui le lie avec le gouvernement.

« Le CPDSI a décidé de refuser son renouvellement tacite de mandat » qui arrive à son terme au mois d’avril 2016, écrit l’association dans un communiqué, justifiant sa décision par son opposition à la proposition de loi sur la déchéance de nationalité, qui, explique-t-elle, « crée un contexte politique défavorable à l’entreprise pédagogique et scientifique pour prévenir la radicalisation ».

{{Idéologie et calculs politiques}}

Le CPDSI déplore qu’avec cette proposition d’inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution, votée mercredi soir par l’Assemblée nationale, le ministère de l’intérieur ne construise plus sa politique sur des « réalités de terrain » mais « sur de l’idéologie ou des calculs politiques électoralistes. »

Le CPDSI est subventionné par l’Etat depuis le mois de mars 2014 afin de participer à l’analyse du phénomène de radicalisation chez des jeunes, sous la houlette du préfet Pierre N’Gahane, secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance.

En avril 2015, l’association avait été missionnée par le ministère de l’intérieur, à la suite d’un appel d’offres, en tant qu’équipe mobile d’intervention auprès de familles ayant appelé le numéro vert de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat). Sa mission s’achève en avril 2016.

{{Théorie de l’emprise sectaire}}

Dounia Bouzar, habituée des plateaux de télévision, défend la thèse selon laquelle les jeunes gens qui se radicalisent ne sont pas exclusivement issus de l’immigration ou « sans espoir social ».

« C’est un mensonge ou une grande incompétence que de faire croire aux Français qu’il ne s’agit que d’un problème d’immigration ou de musulmans », affirmait Dounia Bouzar dans une tribune au Monde à la fin de 2015. Elle y fustigeait déjà la proposition du gouvernement sur la déchéance de nationalité.

La chercheuse estime plutôt que les « recruteurs » usent, sur le Net, de « techniques des dérives sectaires » : isolement puis rupture avec les proches ; dépersonnalisation ; théories du complot.

Cette approche est critiquée. La théorie de l’emprise sectaire « est un refus de comprendre, selon Olivier Roy, professeur à l’Institut universitaire européen de Florence. C’est nier à quelqu’un la raison de son action. Ces jeunes sont volontaires. Ce sont eux qui vont chercher sur des sites. »

{{ « Construire une école de déradicalisation »}}

Sur son site, le CPDSI écrit que sur 711 jeunes « en cours de suivi » en 2015, 30 % sont « en cours de désembrigadement ». Un bilan que certains aimeraient plus transparent. La sénatrice centriste Nathalie Goulet, présidente de la commission d’enquête sur les réseaux djihadistes, a demandé au ministère de l’intérieur, en décembre 2015, de lui fournir un bilan circonstancié des résultats du CPDSI.

« Cette structure n’a pas de bureau et un très faible effectif, je souhaite juste comprendre comment on déradicalise dans de telles conditions », avait expliqué Mme Goulet au Journal du dimanche.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/02/11/dounia-bouzar-re
Le Monde.fr | 11.02.2016 à 18h55 • Mis à jour le 11.02.2016 à 19h55