Cela fait une semaine, jour pour jour, que quatre disciples de la Chinnamasta Maha Kali Association ont trouvé la mort dans les locaux du centre à Belle-Rive. Jeudi après-midi, Le Défi Plus est allé à la rencontre de Devanand Mannick, maître spirituel pour ses adeptes et « longaniste » pour ses détracteurs.

L’œil vif, l’allure décontractée, avec une barbichette grise, Devanand Mannick clame à qui veut l’entendre : « Je suis un gourou monstre. Rien ne me fait peur. Je suis attiré vers tout ce qui est mystérieux et touche au surnaturel.» L’homme de 59 ans dirige d’une main de maître la Chinnamasta Maha Kali Association et le Shakti Revival Movement. Cet ancien masseur, qui exerçait dans des établissements hôteliers, a consacré la majeure partie de sa vie à la spiritualité. Très jeune, ce natif de Plaine-Magnien s’intéresse au Chinnamasta. Après la mort de sa première épouse en 1994 — elle se serait suicidée — Guru Dev se consacre à plein temps dans les enseignements religieux et de la méditation. Il crée la Chinnamasta Maha Kali Association et le Shakti Revival Movement.

Devanand Mannick n’a pas que des admirateurs. S’il est une idole pour ses disciples, d’autres le considèrent comme un homme maîtrisant parfaitement les pratiques de la sorcellerie. S’il ne nie pas qu’il maîtrise le mal, il dit ne pas le pratiquer. « Mo konn le mal, mo fine etidie le mal, me mo pas fer li », affirme Guru Dev. Le maître spirituel a aussi eu des démêlés avec la justice. Une de ses anciennes disciples l’avait accusé de viol. Guru Dev avait été arrêté dans le sillage de cette enquête. Est-il un prédateur sexuel ? « C’est un coup monté. J’avais averti les parents de cette jeune femme de son comportement peu orthodoxe », répond Devanand Mannick.

{{Le gourou et la politique}}
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, cela importe peu au « gourou monstre ». À 59 ans, ce père de deux enfants, et qui s’est marié en deux occasions, a plusieurs cordes à son arc. Le religieux est politicien. Leader du mouvement pour la libération du peuple, il compte deux candidatures aux élections. Un maroquin ministériel le tente ? « Oui, j’aimerai être ministre. Mais je préfère être conseiller auprès d’un ministre. Je pourrais alors mettre à contribution mes idées sur l’énergie éolienne, les vagues et le pétrole, entre autres ». Devanand Mannick s’est aussi frotté au gratin du monde politique. De nombreuses personnalités du pays et autres politiciens ont participé aux activités de la Chinnamasta Maha Kali Association. En juillet 2013, Kailash Purryag, l’ancien Président de la République, Arvin Boolell, ancien ministre des Affaires étrangères et Ashock Jugnauth, entre autres, étaient présents à un événement à Mahébourg.

{{Éloignement et divorce}}
Pour beaucoup, la création de la Chinnamasta Maha Kali a semé la division au sein de la communauté hindoue. Steven Samoo, fils de Devi Samoo, une adepte du centre retrouvée morte la semaine dernière, ne le nie pas. « Bon nombre de mes proches avaient pris leurs distances de ma mère. Ils n’acceptaient pas le fait qu’elle fréquente cette association, car notre famille suivait déjà un courant religieux ». Avis partagé pour l’époux d’une des rescapées. « Dorénavant, j’ai interdit à mon épouse de fréquenter ce temple. Si elle veut prier, qu’elle aille au shivala de la localité. Si j’apprends qu’elle assiste de nouveau aux séances de prières de Devanand Mannick, je vais réclamer le divorce. Ce n’est pas une organisation comme les autres ».

{{Au cimetière Bigara}}
Devanand Mannick avait déjà fait parler de lui en 2011. Le gourou avait érigé une statue de la déesse Kali sur la tombe de sa première femme au cimetière Bigara. Ce qui avait provoqué la colère de ceux ayant enterré un proche dans ce cimetière.

{{Chinnamasta : Une « secte » qui dérange}}
Secte pour beaucoup, mouvement religieux pour d’autres, la Chinnamasta Maha Kali Association a été créé à Maurice par Devanand Mannick en 1994. L’organisation compte une vingtaine de cellules à travers l’île, essentiellement en milieu rural. Mais elle est plus active dans les villages comme Montagne-Longue, Camp-Ithier, Camp-Thorel, St-Julien d’hotman et Surinam.

{{Quand la Chinnamasta resserre les liens}}
Si pour certains, la Chinnamasta Maha Kali Association divise, elle a cependant apporté du réconfort auprès d’autres. Cela fait six ans qu’Anoushka Bae Rama a rejoint cette organisation religieuse, en emboîtant le pas à son époux. Aujourd’hui, malgré le fait d’avoir frôlé la mort, elle ne tarit pas d’éloges envers Guru Dev. « Les enseignements que j’ai tirés ont contribué à apporté la tranquillité et la paix dans mon couple. Mon mari et moi sommes passés par des moments vraiment difficiles ».

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Mourir en pleine prière}}
Cinq morts dans des lieux de culte depuis le début de ce mois. Après le suicide d’une femme de 28 ans dans un shivala à Providence le 5 juin, quatre cadavres ont été découverts au centre de méditation de la Chinnamasta Maha Kali Association. Devi Samoo, Malini Hemraze, Gendharree Mannick et Oudesh Kaseeram ont perdu la vie alors qu’ils participaient à des prières. Peu après l’annonce de ce drame, la thèse de suicide collectif était privilégiée avant que le rapport de l’au­topsie ne vienne conclure que les quatre dévots sont dé­cé­dés à la suite d’un empoisonnement au carbone monoxyde. Le gaz émanait d’un générateur retrouvé sur place.

Quand les policiers ont investi les lieux vendredi après-midi, le générateur était à l’intérieur. Mais à en croire le gourou Devanand Mannick, « l’appareil se trouvait sur le pas de la porte et non à l’intérieur tout au long des répétitions de danses. La porte d’accès était entrouverte. Les fenêtres étaient, par contre, fermées, car il pleuvait et il faisait très froid. Ce n’est que quand nous avons quitté le temple pour nous rendre à l’hôpital que nous avons rangé l’appareil à l’intérieur pour éviter qu’il ne soit emporté par des voleurs. J’ignorais qu’un générateur dégageait du carbone monoxyde », a affirmé Devanand Mannick jeudi.

{{Un ‘kalimaye’ au milieu d’un champ de cannes}}

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À 500 mètres de la route Royale de Belle-Rive, le centre de la Chinammasta Maha Kali, havre de paix pour les adeptes de la méditation, se dresse au milieu d’un champ de cannes. Pour y arriver, il faut emprunter un chemin rocailleux. Ce kalimaye n’est pas raccordé au réseau du Central Electricity Board, d’où le recours à un générateur qui s’est avéré fatal pour quatre adeptes.

{{Mourir pour la déesse Kali…}}

Maître spirituel ou idole. Devanand Mannick est très respecté par ses disciples. Le ton de Guru Dev est autoritaire. Les adeptes obtempèrent sur-le-champ. Certains étaient prêts à donner leur vie pour Devanand Mannick, comme le témoigne Steven Samoo. « Ma mère avait un grand respect et une profonde admiration pour Guru Dev. C’était son idole. Elle était prête à sacrifier sa vie pour ce kalimaye», dit-il. Une autre source qui connaissait ceux qui sont morts la semaine dernière dit que « ces quatre personnes se donnaient corps et âme pour ce lieu de culte ces derniers temps ». Les sacrifices humains étaient-ils une pratique au sein de cette mouvance religieuse ? « Non », rétorque le gourou monstre. « Je suis contre le fait d’être idolâtré par mes disciples. On ne force personne à participer à nos sessions de prière. Chaque individu est libre de son action et on ne sacrifie aucune vie. Si tel est le cas, j’allais offrir la mienne; Les sacrifices existent, on peut sacrifier un bouc ou un coq ».

http://www.defimedia.info/images/stories/2015/june/1007/temple2.jpgSunjuy Seebarun :{{ « Mourir au pied de la déesse est un honneur »}}

Sunjuy Seebarun avait été mandé de toute urgence, jeudi dernier, pour transporter les victimes à l’hôpital. Une fois au centre de Belle-Rive, ce membre exécutif de la Chinnamasta Maha Kali a aidé à réanimer les dévots. Attristé par ce drame qui a secoué « sa famille », ce religieux voit quand même les choses sous un autre angle : « Ce qui est passé m’afflige. Mais mourir au pied de la déesse est un honneur ».

{{Somduth Dulthumun : « Les sectes affectent notre société »}}

Somduth Dulthumun, président de la Fédération des temples hindous, est catégorique. « Les sectes affectent notre société », soutient-il. Plusieurs organisations, dit-il, opèrent comme des sectes. « Ces groupes de gens s’adonnent à des pratiques anormales ». Selon le président de la Fédération des temples hindous, ces organisations prétendent avoir le don de guérison ou de réaliser des miracles. Elles s’infiltrent à travers les différentes religions et prétendent aussi détenir des pouvoirs. Pour Somduth Dulthumun, « toutes les grandes religions détiennent déjà leur mode de prière et ont des attributions qui sont valorisées ».

source : http://www.defimedia.info/defi-plus/dp-actualites/item/74919-drame-de-belle-rive-devanand-mannick-je-suis-un-gourou-monstre.html
Written by Irfaad Olitte