L’Église de scientologie est classée comme une religion au Québec, mais comme une secte en France et dans d’autres pays européens.
Or, religion ou secte, le Code de déontologie des physiothérapeutes interdit à ses membres de faire de la publicité «susceptible d’influencer indûment des personnes qui peuvent être, sur le plan physique ou émotif, vulnérables».
C’est une patiente de Raymond Soucy qui l’a dénoncé après avoir remarqué des dépliants publicitaires portant sur les théories de l’Église de scientologie placés dans la salle d’attente de sa clinique, à Shawinigan.
Le physiothérapeute vendait également des livres de l’Église à ses patients. Il avait aussi affiché une pétition invitant les gens à dénoncer l’utilisation des médicaments prescrits en psychiatrie.
Lors de l’audition de la plainte, l’an dernier, le physiothérapeute a plaidé non coupable, arguant que cette documentation était de l’information publique puisqu’elle se retrouvait déjà sur le web.
«Les documents informatifs et publicitaires portant sur différentes théories propres à l’Église de scientologie n’ont rien à voir avec la profession de physiothérapie. De plus, il est certain que ces documents peuvent influencer certains patients de façon malencontreuse», écrit le conseil de discipline de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec dans sa récente décision.
Raymond Soucy «n’a pas su faire la distinction entre ses convictions personnelles et son rôle professionnel, se rendant ainsi coupable des infractions reprochées dans la plainte», conclut le conseil de discipline. Le mois dernier, le physiothérapeute a été condamné à payer 3000 $ d’amende. La Presse a joint M. Soucy par téléphone à sa clinique, hier, mais il a refusé de commenter la décision du conseil.
De son côté, le porte-parole de l’Église de scientologie de Montréal, Jean Larivière, se dit «surpris» de cette décision disciplinaire. L’Église de scientologie encourage ses adeptes à faire la promotion de ses enseignements, dit-il. «Ceux qui pratiquent la scientologie en tirent des bienfaits sur le plan personnel. C’est normal qu’ils veuillent en parler aux autres», indique M. Larivière. Il faut tout de même s’assurer que son employeur le permet, nuance-t-il, sans vouloir commenter le cas précis de M. Soucy, dont il ne connaît pas les détails.
Mouvement controversé
«L’Église de scientologie est l’un des mouvements les plus controversés dans le monde, explique pour sa part le directeur général d’Info-sectes, Mike Kropveld, mais ici au Québec, on reçoit peu de questions et de plaintes à ce sujet.»
Le fait que l’Église de scientologie soit classée comme une religion ici ne signifie pas que le mouvement soit approuvé par les autorités, explique ce spécialiste des nouveaux mouvements religieux. «Ce classement n’est pas un gage de quoi que ce soit», met en garde M. Kropveld.
Le réalisateur canadien Paul Haggis, qui a remporté un Oscar pour son film Crash, a été l’une des célébrités de l’Église de scientologie. Il en a été membre pendant 34 ans mais l’a quittée en 2009. Puis, l’hiver dernier, il s’est confié à un magazine américain, qui a publié une enquête-choc sur les dessous de l’organisation. Il a accusé son ancienne Église d’exploiter des mineurs et de faire l’apologie de la violence. Il a aussi déploré son opposition au mariage gai et la manière dont elle traitait ses détracteurs.
Ce mouvement, fondé en 1954 par l’écrivain américain de science-fiction L. Ron Hubbard, revendique 10 millions d’adeptes dans le monde. Le directeur général d’Info-sectes met un bémol. «On ne sait pas quelle est leur définition de membres. Suffit-il d’être abonné à leur bulletin? D’avoir suivi un de leurs cours? D’avoir acheté leur livre?», se demande M. Kropveld.
Lors du dernier recensement de Statistique Canada, 1525 personnes ont répondu être scientologues. Le mouvement a des lieux de culte à Montréal et à Québec.
Son porte-parole montréalais, M. Larivière, estime que l’Église de scientologie compte beaucoup plus d’adeptes au Canada, dont «plusieurs milliers» seulement au Québec. «Beaucoup de gens ont lu nos enseignements, mais le niveau d’implication diffère. Certains viennent nous voir chaque semaine, d’autres une fois tous les trois ans», explique-t-il.
L’Église de scientologie fonde son action sur la dianétique, des techniques qui, à force d’être pratiquées, permettraient de se débarrasser de la maladie, de l’anxiété et de l’agressivité, entre autres, selon ses adeptes.
Aux États-Unis, l’organisation compte plusieurs visages publics, dont les acteurs Tom Cruise, John Travolta et Juliette Lewis. Au Québec, la chanteuse France D’Amour a révélé qu’elle était scientologue depuis plusieurs années à la populaire émission Tout le monde en parle.
Source : » La presse » le 28 juillet 2011 par Caroline Touzin Canada