En 2013, Muriel* a porté plainte contre un accompagnateur sportif, passé entre autres par des golfs du Loir-et-Cher et du Loiret. A l’époque, il est poursuivi et condamné en Avignon pour détention d’images pédopornographiques. Elle raconte sa lutte contre le silence.

es années ont passé mais les souvenirs de Muriel* et de son mari restent vifs. En 2013, elle porte plainte contre un préparateur sportif du golf de Châteaublanc, en Avignon. Quelques jours auparavant, deux adultes, dont ce “coach” ont emmené plusieurs mineurs à une compétition, et le petit groupe doit dormir sur place. A leur retour, le fils de Muriel*, âgé de onze ans, n’a pas l’air dans son état normal.

Leur équipe, qui n’est pas très bonne, avait gagné ! Donc normalement ils devraient revenir hyper heureux. Et moi je récupère mon fils… bizarre. Il voulait rentrer vite à la maison. Une fois rentrés, je sens que quelque chose ne va pas, alors j’essaie de trouver les mots, je marche sur des oeufs de peur qu’il ne veuille pas me parler.

C’était son idole

L’intuition de Muriel* se révèle juste. Paniquée, elle compose le 119 pour contacter le Service d’accueil national pour l’enfance en danger (SNATED). Au bout du fil, un répondant rassure le jeune garçon et l’amène à se confier. La nuit précédente, l’accompagnateur aurait encouragé quatre jeunes à dormir dans la même chambre que lui, raconte l’enfant. Il tente même de s’arranger pour que le fils de Muriel* passe la nuit dans son lit.

Les aveux de l’adolescent confirment des soupçons que couvaient déjà ses parents depuis longtemps. “Ils s’entraînaient ensemble du matin au soir. Mon fils était complétement sous son emprise. Il était, je ne dirais pas ‘amoureux’, mais c’était son idole.” Elle se souvient que parfois l’homme propose à des adolescents du club de passer une partie de la nuit chez lui “pour regarder la Ryder Cup“, une compétition internationale de golf. Souvent, les tournois ont lieu à l’autre bout du monde, et passent tard le soir à la télévision. “Sans même penser à la pédophilie je ne trouvais pas cela… logique. Jamais aucun entraîneur d’un autre sport ne lui a proposé de regarder quelque chose la nuit chez lui

 Déjà condamné en 2009 Alarmée,  Muriel* dépose une plainte. L’homme est placé en garde à vue et son ordinateur est saisi. Ce dernier contient des images à caractère pédo-pornographique. Ils découvrent également que, suite à une précédente condamnation, l’accompagnateur est sous le coup d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle ou associative en contact avec des mineurs après une première condamnation en septembre 2009.

Placé en garde à vue en avril 2013, il est condamné en février 2014 pour “exercice d’activité professionnelle ou sociale malgré interdiction judiciaire“, “corruption de mineur de 15 ans en récidive” et “détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique en récidive” à deux ans de prison et cinq ans de suivi socio-judiciaire.

On lui donnait le bon Dieu sans confession

Pourtant, avant même que ce suivi soit terminé, l’homme était embauché au golf d’Augerville dans le Loiret, puis en tant que directeur du golf de la Carte, dans le Loir-et-Cher, respectivement en 2016 et en 2018 où son rapprochement avec des adolescent a de nouveau alerté les joueurs. De son côté, Muriel* continue de se battre contre ce qu’elle perçoit comme un silence coupable dans le monde sportif.

De fait, lorsqu’elle ose monter au créneau en 2013, elle est choquée du soutien dont bénéficie l’agresseur de son fils. “C’était nous les criminels aux yeux du club“, lance-t-elle, décrivant cette période comme un “enfer“. Jointe par téléphone, son avocate de l’époque, Maître Rochelemagne, décrit un prévenu “très soutenu par le golf“, y compris par certaines familles dont il accompagnait les enfants. “C’était un mec intelligent, très impliqué… on lui aurait donné le bon Dieu sans confession“, se souvient l’avocate. “Moi je lui aurait confié mon fils sans problème !

Le monde du golf a-t-il fait l’autruche ?

Je ne comprend pas qu’on puisse garder la tête dans le sable comme ça“, raconte Muriel*. “A mes yeux, ceux qui savent et qui gardent le silence sont aussi coupable que lui“, s’enflamme-t-elle. Elle qui dit ne plus être en colère contre le pédophile lui-même, n’a pas de mots trop durs pour qualifier ceux qui l’ont protégé au cours des années.

Les enfants ne parlent pas, ou alors seulement à l’âge adulte, parce qu’on ne les aide pas“, poursuit-elle. “On ne se rend pas compte qu’un prédateur n’est pas à égalité avec sa victime. Il manipule un cerveau qui n’est pas mature, qui est malléable. Après il suffit que la famille ne soit pas très forte ou pas très unie pour que ça soit un enfant sans capacité de se tourner vers qui que ce soit. Comment voulez-vous qu’un enfant dénonce son idole, c’est impossible !

On ne peut pas dire que les dirigeants de golf n’ont pas les moyens de vérifier, franchement ! Sans même parler de casier judiciaire, quand quelqu’un arrive vous demandez des références non ? Vous voyez qu’il est passé par ce golf-ci, puis ce golf-là… Ils n’ont pas fait exprès, mais tous ces gens-là, par manque de sérieux ou par langue de bois, je ne sais pas, ils sont indirectement complices.

Après les révélations de France 3 au mois de janvier, Muriel* et son mari ont décidé de sortir du silence, dans l’espoir d’encourager d’autres à les imiter. “Mon obsession c’était juste que les enfants osent parler, achève Muriel*que les adultes se rappellent des détails. Pour que les gens se disent ‘non c’est pas possible !’, pour qu’on reste vigilants, tous !

* : le prénom marqué d’un astérisque a été modifié