Emprise sectaire et réseaux sociaux, les nouveaux dangers

    De nouvelles stratégies de recrutement

    La série de conférences s’est ouverte sur la présentation du cas édifiant de Patricia Aguilar. La jeune Espagnole de 16 ans avait rejoint un groupe Facebook nommé « Vida Paranormal » et était tombée sous l’emprise d’un gourou, qui après avoir régenté son existence à distance pendant deux ans, l’avait convaincue de quitter sa famille pour rejoindre sa communauté au Pérou.

    À l’heure du numérique, les techniques traditionnelles de recrutement ont laissé place à de nouvelles stratégies de séduction qui abondent sur la toile, conférant au phénomène sectaire un visage inédit. « Des groupes protéiformes se créent via les réseaux sociaux, parfois des individus seuls utilisent de multiples profils et adresses mails », affirme Anne-Marie Courage, conseillère à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Elle souligne certaines spécificités propres à l’usage d’Internet susceptibles d’accélérer le processus d’isolement favorable à l’emprise sectaire, comme le risque de confusion du monde réel et du monde virtuel, la durée d’exposition massive, entraînant une perte des repères spatio-temporels, la trop grande facilité des moyens de paiement, la possibilité de se filmer chez soi et de créer une véritable intimité à distance, etc.

     

    Le Web contaminé par le conspirationnisme

    Luigi Corvaglia, un psychologue italien, s’alarme que, outre les agissements de sectes bien spécifiques sur les réseaux, il existe tout une culture Internet attribuant des « interprétations magiques à des événements ». « La toile permet de construire des théories délirantes qui prennent une envergure mondiale. Le paradoxe c’est qu’à l’ère technologique, il y a un réveil de la pensée magique », ajoute-t-il.

    De son côté, Tristan Mendès France, qui enseigne les cultures et les usages numériques à l’Université Paris-Diderot, s’inquiète de ce que les réseaux sociaux soient devenus « la porte d’entrée privilégiée de l’information et donc l’espace de fabrique de l’opinion ». Il met en cause le rôle des algorithmes de Facebook et de YouTube, « aveugles à la qualité de l’information », qui donnent « une visibilité à des contenus marginaux ». Le problème de cette sélection de l’information qu’opèrent les algorithmes est qu’elle enferme l’utilisateur dans une « chambre d’écho où son opinion est renvoyée tout le temps », contribuant à faire de ces réseaux de véritables « incubateurs de la radicalisation », des lieux où « se polarisent les groupes idéologiques » et où ainsi « se concentre et se propage la haine ».

    Sensibiliser les gouvernements européens à la question des dérives sectaires

    Créée en 1994 à Paris, la Fecris regroupe des associations de 32 pays, essentiellement européens, d’information sur les phénomènes sectaires, de défense des victimes et de lutte contre les dérives. Chaque année se tient un colloque dans un pays différent, afin de sensibiliser les gouvernements et les instances européennes. La présidente de la fédération déplore que seuls la France, la Belgique et le Luxembourg aient, à ce jour, adopté une loi punissant les abus de faiblesse. Didier Pachoud, trésorier de la Fecris et président et fondateur du Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection de l’individu (Gemppi), se félicite que la France soit motrice dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires. « Cela tient à notre culture de la laïcité, qui est une exception mondiale. Ici, la matière religieuse n’est pas sacralisée comme elle peut l’être ailleurs et de manière fondamentale la protection de l’intégrité des personnes prévaut en justice sur les prétextes religieux ».

    source : lacroix.fr

    • Hadrien Genieys,