Enfants maltraités : « Le déni de la société est toujours là »
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« Enfants maltraités, occupons-nous de ce qui ne nous regarde pas » : en choisissant ce titre pour leur livre (éd. Cherche Midi), Martine Brousse, présidente de « La Voix de l’enfant », et Carole Bouquet, engagée de longue date contre la maltraitance, entendent placer chaque adulte, professionnel ou non, devant ses responsabilités. Et donnent une feuille de route précise pour améliorer une situation encore insupportable. Interview de la présidente.

ELLE. Cet ouvrage réunit des témoignages, des interviews et des propositions. Vous êtes engagée depuis trente ans, comment évolue la société face à l’enfance maltraitée ?

Martine Brousse. C’est mieux, mais tant reste à faire ! Il n’est pas acceptable qu’en France un enfant ou deux meure chaque semaine sous les coups de l’un ou deux de ses parents. Le déni de la société est toujours là, les mentalités évoluent doucement face à ce sujet. Il faut en finir avec le respect des secrets de famille, ce qui se passe de grave pour un enfant est l’affaire de tous. D’ailleurs les dispositifs basés sur notre responsabilité collective fonctionnent, comme « l’alerte enlèvement » ou le numéro vert 119, qui permet de signaler un enfant éventuellement maltraité. Même quand on n’est pas sûr, il faut le faire.

ELLE. Un secrétaire d’État à la Protection de l’enfance, Adrien Taquet, vient d’être nommé. Quelles seraient les mesures les plus urgentes ?

Martine Brousse. D’abord accélérer les mesures de mise à l’abri d’un enfant dès les premiers soupçons. Renforcer l’équipe des écoutants du 119, car le numéro est engorgé. Développer les unités pluridisciplinaires sécurisantes et sécurisées de recueil de la parole de l’enfant (il en existe soixante-deux, il en faudrait cent quatre-vingts). Regrouper tous les textes de loi concernant les mineurs et prendre en compte aussi les mineurs isolés non plus comme des délinquants mais comme des enfants à protéger dans des centres spécifiques. Mettre en place une plateforme interministérielle sur l’enfance, impliquant aussi bien la santé, les services sociaux, la police et la justice. Ce serait un pas décisif. Pourtant jusqu’ici, on n’a pas encore beaucoup entendu la garde des Sceaux sur ce sujet…

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source : publié le 20 mai par Elle

Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 17 mai 2019.