Violence, guerre, déplacements, faim, deuil… Les enfants rapatriés de Syrie par la France ont tous vécu des événements traumatiques qui vont nécessiter une prise en charge psychologique pendant plusieurs années

La France a procédé mardi au retour sur le territoire national de 35 enfants mineurs français qui se trouvaient dans les camps du nord-est syrien, ainsi que de 16 mères, premier rapatriement massif de ce type depuis la chute en 2019 du « califat » du groupe État islamique (EI).

À leur arrivée sur le territoire français, les mineurs de retour de zone d’opérations de groupements terroristes bénéficient depuis 2017 d’une évaluation médico-psychologique par des centres référents répartis dans le pays. Objectif : diagnostiquer un syndrome de stress post-traumatique, identifier une éventuelle emprise mentale, et recommander les meilleures modalités de prise en charge et de suivi, notamment psychothérapeutique, adaptés aux besoins et à l’âge de l’enfant.

Parmi les centres référents, le service de l’hôpital Avicenne à Bobigny a déjà reçu un grand nombre de mineurs revenant de telles zones d’opérations. « Jusqu’à leur arrivée en France, la grande majorité de ces enfants ont vécu une histoire jalonnée d’événements traumatiques », souligne Maurween Veyret Morau, psychologue qui travaille dans ce service. « Ils ont subi la guerre, pour certains un entraînement militaire, différentes atrocités, la faim, la soif et beaucoup ont enduré le deuil », égrène-t-elle.

Djihadistes : encore une centaine de femmes et près de 250 enfants français dans les camps syriens
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De ces traumas peuvent découler une multitude de symptômes : beaucoup présentent des troubles anxio-dépressifs, des perturbations de l’alimentation, du sommeil… « Parmi les enfants évalués jusqu’ici, tous ont reçu une préconisation de soins », souligne Alessandra Mapelli, psychologue dans l’équipe de l’hôpital Avicenne.

« Il est possible d’espérer »

« Plus les enfants sont jeunes plus il est possible d’espérer » un développement positif, confie Gisèle Apter, professeure de psychiatrie de l’enfant. « Le problème, c’est qu’il faut réussir à proposer dans un délai très court ou raisonnable un parcours de soins adapté à chacun, ce qui nécessite d’abord de trouver une structure d’accueil durable. »

« Une volonté de vivre, une capacité de rebondir existent chez tous ces enfants »

Si des craintes s’expriment sur les conséquences d’un probable endoctrinement de ces enfants ayant vécu sous le joug de l’EI, les psychiatres se veulent positifs : « 40 % des enfants sont nés sur place donc ont moins de 5 ans » et n’ont pas eu le temps d’être endoctrinés, rappelle ainsi Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, qui a pris en charge une quinzaine d’enfants rapatriés il y a trois ans. Et pour les plus âgés, il ne croit pas à « un endoctrinement irrécupérable ».

À leur arrivée en France, le plus grand trauma sera, selon lui, « la séparation avec leur mère », même si le lien pourra être maintenu en prison. « La relation mère-enfant a déjà été compliquée là-bas, elle le reste ici », abonde Nicolas Bosc, psychiatre dans l’équipe d’Avicenne. « Ces enfants se retrouvent dans une nouvelle famille de façon très brutale ».

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Placée sur la liste noire des combattants les plus dangereux par l’ONU, cette femme de 37 ans était partie en Syrie en 2012. Elle est accusée d’avoir recruté pour le groupe Daesh et appelé à commettre des attaques en Occident.

Néanmoins, le suivi de ceux rentrés il y a plusieurs années invite plutôt à l’optimisme. L’équipe d’Avicenne en voit un grand nombre « aller beaucoup mieux ».