(PAPIER D’ANGLE)
Par Véronique MARTINACHE

PARIS, 16 sept 2008 (AFP) – Le cas d’une femme mise en examen en Ariège pour exercice illégal de la profession de sage-femme témoigne d’une aspiration croissante des futurs parents à un accompagnement personnalisé de la naissance, un sujet de préoccupation pour les médecins.
L’accoucheuse mise en examen après le décès d’un bébé qu’elle venait d’aider à mettre au monde à domicile s’est présentée comme une “doula”, terme qui désigne les femmes “accompagnant” la naissance, de la grossesse aux suites de couches.

L’Académie nationale de médecine s’était penchée au début de l’été sur le phénomène nouveau en France des “doulas”, émettant de sérieuses réserves quant à cette pratique pourtant définie comme “un accompagnement non-médical”, et mettant en garde “contre toute reconnaissance officielle de la formation et de la fonction”.

Reconnaissance que ne souhaitent pas davantage le Collège national des gynécologues et obstétriciens français ni l’Ordre national des sages-femmes, même si “certaines sages-femmes considèrent favorablement l’accompagnement par des doulas”.
Selon le rapport de l’Académie de médecine, une cinquantaine de doulas
seraient en exercice en France, et une centaine en formation. Le rapport cite l’association “Doulas de France”, selon laquelle 138 naissances (sur plus de 800.000) ont été accompagnées en 2006, parmi lesquelles 34% ont eu lieu à domicile.
Une des craintes exprimée par le Pr Roger Henrion dans son rapport pour l’Académie est de voir réapparaître les accouchements à domicile “et le retour à des pratiques de +matrones+ (terme désignant des accoucheuses exerçant illégalement)”.

Le Pr Henrion reconnaît néanmoins un vrai besoin de certains couples “d’un meilleur accompagnement” pendant l’accouchement et après la naissance.
Cette aspiration s’explique à la fois par l’évolution de la société qui fait
que les femmes sont – ou se sentent – plus souvent isolées qu’autrefois, et par l’engouement actuel pour le “coaching” et autres prestations visant au développement de la personne.
Le Pr Henrion admet également que les progrès en obstétrique “ont abouti à une médicalisation considérée comme excessive et mal supportée par certaines mères”. Le rôle des sages-femmes “est progressivement devenu plus technique et plus médical”.

Les doulas peuvent-elles combler le vide ? “A priori le projet est
séduisant”, indique le Pr Henrion, pour qui cependant “les réserves sont
nombreuses”. Même si les associations de doulas en France “s’engagent
théoriquement à ne pas empiéter sur le domaine médical”.
“La pratique des doulas n’a aucun statut juridique”, souligne l’Académie de médecine pour qui la crainte d’une “médicalisation” peut faire retarder une hospitalisation nécessaire et mettre en danger l’enfant.
L’Académie évoque enfin “dans certains cas, un risque de déviance plus ou moins sectaire”, citant un rapport en 2007 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
Pour répondre aux aspirations des futurs parents, le Pr Henrion recommande donc de renforcer les effectifs de sages-femmes, à l’hôpital ou à domicile, “pour leur donner plus de disponibilité et leur permettre de mieux accompagner les femmes au cours de la grossesse, du travail et dans les suites de couches”.

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