La crise actuelle offre peu perspectives aux yeux de certaines personnes, un avenir sans savoir quand, ou si, une “vie d’avant” recommencera. Face à ces inquiétudes, l’ésotérisme connaît un intérêt grandissant depuis le début du second confinement.

Faire appel à un voyant, ou apprendre à tirer les cartes soi-même : un besoin de réponses à travers l’ésotérisme qui se fait sentir depuis plusieurs mois comme l’a remarqué Annick Leclercq dans sa boutique montoise. Elle constate surtout un changement de public : “Avant c’étaient le plus souvent des personnes de la profession qui venaient acheter du matériel. Maintenant, depuis le second confinement, c’est plus souvent monsieur et madame tout le monde“.

Plusieurs pratiques existent dans l’ésotérisme : l’astrologie, la lithothérapie (pouvoir des pierres et cristaux) ou la cartomancie (le tirage des cartes).

L’interdiction de se rendre chez un médium suite aux mesures sanitaires, est le motif principal qui a accéléré les ventes de cette boutique. “Beaucoup se posent des questions et tentent d’y répondre par eux-mêmes, avant d’aller chercher une vérification chez un voyant professionnel“, explique Annick Leclercq.

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Pour moi, les gens sont en recherche

Cette vendeuse différencie deux types de jeux dans la cartomancie, chacun avec un objectif distinct : “Certaines personnes ont besoin d’un jeu pour pratiquer la voyance pure, d’autres ont besoin d’être guidées dans la vie“. Un besoin de se rassurer, de chercher des perspectives.

Annick Leclercq souligne l’importance de “l’évolution” que peuvent provoquer les cartes : “Beaucoup de personnes ont de nombreuses angoisses et les tirer peut permettre d’avancer dans la vie“. Elle croit en leur fiabilité et en leur aide pour s’éloigner d’une dépression, à condition de “bien poser sa question et ne pas trop insister sur la même question”.

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Gregory Paget, médium, a vu la demande doubler et doit parfois placer des rendez-vous jusqu’à un mois et demi à l’avance, presque au point de devoir en refuser. Il note aussi un changement dans la démarche des clients : “Les gens sont toujours venus me trouver via du bouche-à-oreille, sauf depuis le second confinement où c’est par internet. Pour moi, les gens sont en recherche“. Un nouveau public “novice”, encore impossible à chiffrer, qui s’informe déjà sur les réseaux sociaux avant et tombe par hasard sur Gregory Paget ou d’autres voyants.

Comment comprendre cet attrait grandissant ?

La perte de maîtrise sur ce qui nous arrive et nous entoure, cette déprime qu’entraîne la modernité, provoque un besoin de chercher des repères et des réponses. Ceci se traduit par le fait que de plus en plus de personnes se tournent vers l’ésotérisme, et explique donc le doublement des clients comme l’ont confirmé nos deux professionnels plus haut.

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Pour Nicolas Marquis, sociologue à l’Université Saint-Louis : “Nous avons besoin de faire appel à des systèmes experts pour des choses que nous avons l’impression de faire nous-même, comme savoir ce qu’il y a dans notre assiette”.

“La pandémie, qui a suscité toute une série de réactions face au système installé, a démontré que nous ne pouvons pas nous faire confiance à nous-même. On fait appel à ces systèmes experts (des individus, des groupes ou des machines) pour savoir si quelque chose est dangereux, si nous sommes contagieux ou malades“, poursuit-il.

On cherche à s’en remettre à un autre système d’experts

Dans ce que le sociologue qualifie de “dépendance extrémisée” à ces systèmes, il y a une tension créée par l’envie de conserver ou retrouver une forme de contrôle sur notre vie. “Face à cette diminution de la marge de manœuvre on va tenter d’aller chercher une augmentation de la marge de manœuvre en s’en remettant à un autre système d’experts (que représente la voyance, ndlr)“, explique Nicolas Marquis.

Les canaux considérés comme “institutionnels” connaissent une défiance, alors que pour le sociologue : “Ce sont ceux sur lesquels on se base dans notre vie quotidienne et pour de nombreuses choses. Par exemple, une plante comme remède alternatif on aura l’impression de savoir ce que c’est, alors qu’un médicament ça suppose toute une série d’acteurs dont on aura tendance à se méfier”.

La crise du coronavirus entraîne actuellement un recours beaucoup plus massif à une aide psychologique, un “épuisement pandémique” lié à la perte de nos liens sociaux et interrogations sur le futur. Pour le sociologue Nicolas Marquis, il n’y a donc aucun mal à supposer que cela se passe de la même manière dans des formes plus ésotériques.

source :

RTBF

le dimanche 14 mars 2021

https://www.rtbf.be/info/societe/detail_esoterisme-et-coronavirus-le-besoin-d-aller-chercher-des-perspectives-dans-les-cartes-et-la-voyance?id=10718896