Lancée par le patron de la Mission interministérielle sur les sectes Georges Fénech, la polémique enfle, au sujet du vote en mai dernier d’une loi supprimant la peine de dissolution pour les personnes morales commettant le délit d’escroquerie. Une vraie partie de ping-pong. En plusieurs actes.

Acte I. La guerre des communiqués Fénech-Warsmann

Le 14 septembre à 12h23, Georges Fénech, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les sectes (Miviludes) déclare sa consternation à la découverte d’une loi adoptée le 12 mai supprimant la possibilité de dissoudre les personnes morales jugées coupable d’escroquerie. Et souligne l’aubaine pour la Scientologie, puisque le parquet de Paris a requis la dissolution le 15 juin.

Dès 15h18, Jean-Luc Warsmann, président UMP de la Commission des lois réplique: 1) Personne n’a émis d’objection au cours des dix mois de travail parlementaire. 2) L’interdiction définitive d’exercer est une peine suffisamment lourde et plus adaptée que la dissolution. 3) Il est possible de rouvrir le débat.

Acte II. La polémique médiatique

Dans Le Parisien, Jean-Luc Warsmann met en cause le parquet de Paris qui n’aurait, selon lui, pas vérifié que ses réquisitions de dissolution étaient toujours valides.

La déclaration du député UMP aurait profondément choqué les deux magistrats ayant travaillé le lourd dossier d’instruction. C’est qu’il n’y a eu aucune circulaire de la Chancellerie alertant les procureurs et la nouvelle loi de 140 articles, certes disponible sur Internet comme le souligne Warsmann, est difficilement compréhensible, même pour un juriste averti. La modification se situe à l’article 124 de la loi, qui comporte lui-même 53 alinéas très hermétiques. A ce sujet, lire l’analyse pertinente d’Eolas sur son site Journal d’un avocat.

Résultat: dans la procédure visant la Scientologie parisienne, procès qui s’est déroulé en mai et juin derniers avec une jugement attendue le 27 octobre, le tribunal de ne pourra pas décider une dissolution, même si le parlement rétablissait la possibilité de dissoudre les personnes morales coupables d’escroquerie. Le Tribunal peut, en revanche, décider une interdiction définitive d’exercer. Le tribunal n’a donc plus la liberté de condamner la Scientologie à la dissolution, mais s’il l’avait encore en aurait-il usé?

Acte III. Qui a commis la bourde et pourquoi la découvre-t-on trois mois plus tard?

La proposition de loi est signée Jean-Luc Warsmann. « Les rédacteurs sont des juristes de l’Assemblée nationale et de la Chancellerie », précise-t-il à LEXPRESS.fr. « La loi n’a été rédigée que par les seuls services de l’Assemblée nationale, rectifie Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice. Lorsque le projet nous a été transmis, nous n’avons pas modifié cette partie du texte. Nous ne reconnaissons qu’un défaut de vigilance. »

Georges Fénech, ancien député UMP, accuse son « camarade de parti » Jean-Luc Warsmann d’avoir camouflé une modification de fond dans une loi dite de simplification du droit. Défense de Warsmann: « Quand on simplifie le droit, on modifie toujours le fond. » Avec cette réserve que ce changement d’importante aurait tout de même dû être signalé, alors qu’il était noyé dans une loi fleuve.

Reste une question, posée par Georges Fénech. La loi est votée le 12 mai 2009, après dix mois de travaux parlementaires, dès le 14 mai, la presse souligne que la Scientologie poursuivie pour escroquerie pourrait être dissoute par le tribunal, et le 15 juin, des réquisitions de dissolution sont prononcées et très médiatisées. Pourquoi Jean-Luc Warsmann n’a pas signalé au Parquet de Paris son erreur? « J’avais bien repéré que la dissolution avait été requise pour la Scientologie, mais je ne savais pas que c’était sur le fondement de l’escroquerie », répond le président de la Commission des lois.

Le « scandale » n’est donc découvert que dans les premiers jours de septembre par Georges Fénech, « à la lecture d’un article de doctrine juridique », précise-t-il à LEXPRESS.fr.

Le soupçon de manipulation par la secte de Scientologie, alimenté clairement par Maître Olivier Morice, avocat des victimes, et prudemment relayé par Georges Fénech, a-t-il un sens?

« La loi n’a pas été faite par la Scientologie », réplique fermement Jean-Luc Warsmann.

Malgré la force de son démenti, l’aubaine est telle pour la Scientologie, que des doutes subsisteront sur les rédacteurs de cette maladresse législative. Quand bien même ces doutes ne sont pas accompagnés de preuves.

La Syndicat de la magistrature demande l’ouverture d’une enquête parlementaire. « On en restera pas là », réagit Philippe Vuilque, député PS et secrétaire de la commission des lois. Le président du Groupe parlementaire sur les sectes veut savoir le fin mot de l’affaire. L’aura-t-il?

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/polemique-sur-l-impossible-dissolution-de-la-scientologie_787950.html

Par François Koch, publié le 16/09/2009