Pour les Anversois, ces hommes et ces femmes n’étaient que des images fugaces captées lors d’un passage sur une des places animées de la métropole. Leur gagne-pain était d’être des “statues vivantes”. Ils restaient immobiles, des heures durant, déguisés, pour récolter quelques pièces. Mais la réalité derrière le masque était autre.

C’est peut-être bien pour ne pas être restée impassible sur la Groenplaats d’Anvers que Renate Jonkers qui s’exhibait en Madone à l’enfant, a été tuée. Trois personnes comparaissent depuis hier devant les assises du Brabant flamand pour le meurtre de cette jeune femme de 30 ans. Une quatrième répond de non-assistance à personne en danger. Tous appartenaient à une mini-secte, regroupant une dizaine de personnes, qui avait ses quartiers dans une villa de Bekkevoort. Ils auraient pu être deux de plus sur le banc des accusés si un des membres et le gourou ne s’étaient pas suicidés en prison dans l’attente de leur procès.

Le chef spirituel du groupe avait 46 ans. Beau parleur, charismatique, Drazen Zabek basait son enseignement sur une pratique indienne, le Satsang, un terme sanskrit signifiant “Vivre ensemble dans la vérité”. Il y avait apporté sa touche personnelle : alcool, drogue, violences et désenvoûtements. Les coups et les exorcismes étaient principalement pratiqués lorsque les membres voulaient échapper à son emprise.

Sans le départ d’une des membres de la secte, le meurtre de Renate Jonkers n’aurait peut-être jamais été découvert car ils avaient fait croire à sa famille qu’elle était partie avec un jeune Marocain dont elle s’était amourachée.

Le gourou n’a pas accepté le départ d’une membre néerlandaise, qui lui rapportait de l’argent en tant que statue vivante. Il a voulu la contraindre à revenir. Le groupe l’a enlevée chez elle à Eindhoven où elle s’était réfugiée.”Nous venons te libérer”, avaient-ils dit avant de la ramener à la villa de Bekkevoort. Elle avait réussi à s’échapper et à prévenir la police. On était alors en mai 2008.

Les membres de la secte ont été interpellés. Et il semble bien que le fait de ne plus être sous l’emprise directe du gouou a libéré la parole de quelques-uns. Un étudiant en psychologie a avoué spontanément que, quatre mois plus tôt, Renate Jonkers avait été tuée lors d’une séance de désenvoûtement. Il a conduit les enquêteurs vers le jardin de la villa. Il a désigné l’endroit où elle avait été enterrée. Le médecin légiste a conclu qu’elle avait vraisemblablement été étranglée à l’aide d’une corde.

En perquisition, les enquêteurs ont découvert un lourd bâton de verre. Ils ont cru qu’il s’agissait d’un des attributs du gourou quand il se déguisait en statue vivante pour représenter le peintre Antoon Van Dijck.

Il n’en était rien. Les policiers ont découvert des vidéos, montrant des séances de désenvoûtement. Les coups pouvaient pleuvoir. Le gourou utilisait cet objet de verre comme bâton magique.

Renate Jonkers, a expliqué un autre membre qui est passé aux aveux, était régulièrement soumise à ces séances. Celle qui lui a été fatale lui a été infligée car, au lieu d’aller mendier plusieurs jours à Anvers, elle n’avait fait que s’y promener. Il fallait la recadrer. Elle a été attachée. Le désenvoûtement a rapidement dégénéré. Le gourou a serré une cordelette autour de son cou. Lorsqu’il a relâché son étreinte, elle était morte.

Interrogée hier par le président de la cour d’assises, une des accusées a dit être désormais retombée sur terre: “Je considérais Drazen comme un dieu. Ce n’est qu’en prison, après son suicide, que j’ai repris conscience que j’étais une personne et plus un objet.”

source :La Libre Belgique
J. La.
le 07/06/2013

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/820579/etranglee-a-l-issue-d-un-exorcisme.html