Le nombre d’évangéliques ne cesse de croître ces dernières années en France. Mais les nouveaux croyants doivent se méfier de certaines églises aux pratiques abusives et sectaires. Les femmes en seraient les premières victimes.

Kanye West, Donald Trump, Jair Bolsonaro, Mel Gibson ou encore Justin Bieber… Ces personnalités ont toutes un point commun : leur appartenance à une mouvance évangélique. Le rappeur Kanye West, qui a révélé avoir eu une addiction au sexe et à la pornographie, dédie désormais ses dimanches aux « Sunday Services », où il prêche la bonne parole et anime l’office avec ses dernières chansons « Jesus is King », « Jesus is lord », « Baptized » ou encore, « Follow God ».

Donald Trump a nommé Paula White comme conseillère spirituelle à la Maison Blanche. Cette pasteure superstar aux États-Unis a fait scandale en janvier dernier en utilisant une métaphore plus que douteuse lors de l’un de ses prêches : « Au nom de Jésus, nous commandons toutes les grossesses sataniques à terminer en fausse couche maintenant. (…) Nous déclarons que tout ce qui a été conçu dans un utérus satanique donnera lieu à une fausse couche ». Elle s’est ensuite défendue en prétendant que ses propos avaient été sortis du contexte.

Donald Trump, divorcé trois fois, accusé de liaisons extraconjugales et auteur de nombreux tweets scandaleux, mise pourtant sur les évangéliques qui représentent un quart de la population américaine. À raison : en 2016, 80% d’entre eux ont voté pour lui. Les adeptes de ce culte respectent la Bible à tous les niveaux : pas d’avortement, pas de relations homosexuelles, abstinence jusqu’au mariage, messes et prières régulières… Les évangéliques affirment être en contact direct avec Dieu après avoir vécu l’expérience bouleversante d’une rencontre avec lui.

Mais les célébrités masculines ne sont pas les seules à s’être converties. Les femmes représentent aujourd’hui plus de la moitié de cette communauté chrétienne, très prosélyte. En France, elles seraient 53% (étude Ipsos). En 2017, on comptait ainsi 650 000 protestants évangéliques et 2440 Églises évangéliques. Un chiffre qui aurait été multiplié par 10 depuis 1970 selon le Conseil National des Evangéliques de France (Cnef). « Les évangéliques ne sont pas en forte décroissance contrairement aux autres religions », constate Jörg Stolz, professeur à l’Institut des Sciences sociales des religions à l’Université de Lausanne.

Les évangéliques ne sont pas en forte décroissance contrairement aux autres religions

Une rencontre bouleversante avec Dieu

Nina, 23 ans, était à l’époque “une jeune fille comme les autres”. Issue d’une famille athée, en études de droit, elle quitte tout pour son compagnon, un catholique pratiquant. À l’époque, ce dernier la frappe à plusieurs reprises : « Je me protégeais le visage avec mon sac à main alors que j’étais au sol. La Bible qu’il m’avait offerte qui était à l’intérieur de mon sac est tombée, je me suis protégé le visage avec. »

Abasourdie par cette agression, elle pardonne à son ex-compagnon mais rentre à Nice, sa ville natale, le jour même. C’est là-bas qu’elle entre dans sa première église évangélique : « Deux sœurs sont venues à moi, elles m’ont dit qu’elles m’attendaient et qu’elles avaient prié pour moi. J’ai pu enfin avoir les réponses à mes questions… »

Pour Jörg Stolz, cette façon de raconter son expérience est très commune chez les évangéliques : « Ils font de leur histoire un message fort, ‘avant la vie était mauvaise et pleine de vices, une fois qu’on s’est converti, la vie est merveilleuse’. »

C’est aussi le récit de Noémie. Alors âgée de 17 ans, elle tombe enceinte de son petit-ami. Même si elle n’est pas croyante alors, avorter est pour elle une « décision très lourde ». Dans un moment d’hésitation, Noémie s’adresse pour la première fois à Dieu : « Je ne sais pas qui tu es, je ne sais pas comment tu t’appelles. Si tu existes, change cette situation et je te chercherai. » Quelques jours plus tard, elle fait une fausse couche et prend cela pour un signe. « J’ai ensuite senti les bras de Dieu qui m’entouraient. Il me disait qu’il m’aimait. Je n’ai jamais lâché Dieu depuis ce jour. »

Si les évangéliques savent bien raconter leur conversion, ils changent aussi radicalement leur quotidien après celle-ci. Aujourd’hui, Noémie et Nina refusent d’avoir des relations sexuelles hors mariage. Une interdiction qui s’applique aussi bien aux femmes qu’aux hommes.

« On ne fume pas, on ne boit pas trop, on fait attention où l’on va dans le cadre de nos loisirs, par exemple, on évite les boîtes de nuit », détaille Jörg Stolz. Aux sorties alcoolisées, les jeunes évangéliques (37% de la communauté) préfèrent les soirées « inter-jeunes ». Et pourtant, faire partie de la communauté évangélique, c’est aussi subir une certaine pression, souligne l’expert. Ils « essayent d’être parfaits en vivant avec Dieu et en le montrant aux autres, raconte Jörg Stolz. Quand ça ne marche pas, cela peut être très dur pour ceux qui se mettent contre les règles, et même conduire à la « désaffiliation. »

Diane*, 61 ans, ancienne professeure de français, a quitté la communauté évangélique classique dont elle était membre aux États-Unis depuis plus de vingt ans pour se tourner vers une pratique « plus spirituelle, ouverte à l’ésotérisme et au monde d’aujourd’hui ». Cela n’a pas été du goût de son pasteur évangélique : « Lorsque j’ai fait part de ma révélation, il m’a répondu que mes pensées n’étaient pas en accord avec la Bible et m’a recommandé de revenir sur mes nouvelles convictions. »

Des gourous sous des airs de pasteurs

Bien que ce courant du christianisme reste très conservateur, les femmes y trouvent souvent une plus grande mise en lumière que dans le catholicisme par exemple. Elles peuvent d’ailleurs elles-même prêcher la bonne parole de Dieu.

Mais attention, certaines églises évangéliques ont recours à des pratiques abusives. Des églises qui ne sont pas reconnues par le Cnef. « La grande majorité des victimes sont des femmes, explique Anne Josso, secrétaire générale de la Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Ce n’est pas une question de naïveté mais elles sont plus facilement culpabilisées de par leur éducation, ce qui est la première étape de la manipulation. » Cette experte nous alerte : « Sur les dix dernières années, 383 églises ont été signalées à la Miviludes et le rythme des nouvelles structures signalées s’accélère ».

Pire encore, des centres évangéliques promouvant la guérison par la prière, essaiment en France : déjà plus d’une vingtaine totalisant plus de 2,6 millions d’abonnés sur leurs pages Facebook. Certains fidèles utilisent même ces pratiques pour soigner des maladies graves, comme le cancer, à défaut de suivre un traitement médicamenteux ou de recourir à une opération chirurgicale.

Le développement des exorcismes inquiète également la Miviludes : « Certains très violents sont particulièrement traumatisants. » D’autant plus qu’ils sont parfois « pratiqués sur des mineurs », poursuit Anne Josso. Et toujours, des pasteurs profiteraient de leur pouvoir pour exploiter des femmes par le travail – elles font le ménage et la cuisine gratuitement – et les abuser sexuellement.

N’importe qui peut se proclamer pasteur

Le contrôle reste difficile car les évangéliques ne se forment pas via un système pyramidal contrairement aux catholiques. « Il n’y a pas d’organes décisionnels, analyse Romain Choisnet, directeur de communication du Cnef. N’importe qui peut se proclamer pasteur, beaucoup du coup, s’apparentent plus à des gourous. »

Ces églises évangéliques frauduleuses tentent d’attirer un public peu inséré socialement, en manque de repères : des personnes âgées abusées financièrement, des jeunes isolés et en difficulté (en foyer, migrants), des familles d’origine étrangère qui vivent mal un processus d’acculturation ou encore des personnes fragilisées par un problème personnel (maladie, deuil…)

« Le Cnef n’est pas la police des évangéliques, précise cependant Romain Choisnet. En revanche, le conseil encourage la formation des ministres du culte et une sensibilisation », pour éviter à un nouveau croyant de s’affilier à une église dite ‘frauduleuse’.

Des signes peuvent alerter un futur membre d’une structure évangélique : « Il faut que la personne se demande si elle a la liberté de se désengager à tout moment, de dire non, de ne pas venir à une cérémonie, de ne pas donner de nouvelles lors de vacances… » Tous les signes propres à une secte. Vigilance donc.

source :

 

Marie Claire

Par Marianne Lecach

le 06/03/2020

https://www.marieclaire.fr/evangelisme-evangeliques-france,1339702.asp

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