« L’action du juge, gardien des libertés, va dans le sens de la protection contre toute sujétion physique ou psychologique qui prive l’individu de son libre arbitre et elle s’inscrit dans le sens du respect de la Loi, auquel nul gouvernement, nul citoyen ne doit se soustraire.

Cette action concertée et pragmatique de l’État, en l’absence d’une incrimination spécifique, s’inscrit dans le cadre d’une triple protection : liberté de conscience, libertés individuelles, présomption d’innocence.

{{Les dérives sectaires au regard du droit privé}}

Le préalable de la mise en oeuvre de dérives sectaires, l’emprise mentale ne suffit pas à elle seule à entraîner une décision judiciaire. Si les dérives sectaires font naturellement penser au non-respect des textes du code pénal, il ne faut pas négliger les décisions des juridictions civiles, quantitativement bien plus importantes.

{{– La sphère familiale}}

Dans ces procédures, souvent discrètes, c’est également le comportement des individus membres de mouvements sectaires, et lui seul, qui peut donner lieu à des décisions défavorables et non le simple fait de son appartenance à un tel mouvement.

{{Le droit de la famille : un seul parent est adepte}}

L’appartenance à un mouvement sectaire ne saurait à elle seule constituer une cause de divorce (Cour d’appel de Dijon 23 septembre 1997).
C’est seulement quand le comportement d’un époux perturbe gravement la vie du couple, que le juge aux affaires familiales peut estimer que celui-ci constitue une faute rendant intolérable le maintien de la vie commune, et prononcer le divorce sur ce fondement (Cour d’appel de Nancy 5 février 1996 ; Cour d’appel de Montpellier, 7 novembre 1994).

Le zèle excessif dans la pratique de la doctrine du mouvement, qu’il soit religieux ou d’une autre nature, le prosélytisme, le désintérêt manifesté pour sa famille et son entourage, la violence ou les contraintes sont des causes de perturbation grave de la vie familiale, incompatible avec le maintien du lien familial (Cour de Cassation, civ., 8 juillet 1987 ; Cour d’appel d’Agen 2005)

De même la seule appartenance d’un parent à un mouvement à caractère sectaire ne saurait justifier une décision défavorable à l’égard de ce dernier, s’agissant de la fixation de la résidence des enfants ou des droits de visite et d’hébergement.

Toutefois, s’agissant du lieu de vie des mineurs, il a été jugé que lorsque les
pratiques d’un parent ont pour effet chez les enfants « d’atténuer leur libre arbitre et l’éclosion de leur personnalité par un endoctrinement précoce », et créent un déséquilibre psychologique, qu’en plus ils sont privés de toute activité ludique, ou qu’il y a chez un des parents membres d’une secte un « degré de perversité inquiétant » ou que les conditions d’hébergement sont mauvaises, cela justifie une résidence fixée chez l’autre parent ou une limitation du droit d’hébergement.

À l’inverse, il a été statué que des pratiques apparaissant se limiter à l’astrologie, à la pratique du yoga ou même à l’usage des médecines douces ne peuvent en l’absence de tout autre élément faisant présumer l’existence d’un danger, d’un risque physique pour les enfants, être considérées comme fautives.

{{La jurisprudence est donc très nuancée.}}

Ce sont les conséquences des choix parentaux et non les choix en eux-mêmes qui sont critiquables lorsqu’ils mettent en danger l’équilibre de l’enfant.
En cas de séparation, lorsque les pratiques d’un parent présentent un risque sérieux de perturbation physique ou psychologique des enfants, le juge aux affaires familiales peut décider de fixer la résidence habituelle chez l’autre parent et/ou de restreindre l’exercice du droit de visite et d’hébergement (Cour de Cassation,
2e civ. juillet 2000 ; Cour d’appel d’Aix-en-Provence 2004).
La Cour d’appel de Grenoble a réaffirmé le principe de la liberté religieuse d’un père et de sa fille sous réserve d’une ouverture et d’une participation à la vie sociale.

{{L’enfance en danger : les deux parents sont adeptes}}

La santé et l’éducation sont des domaines très exposés aux risques sectaires. La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, confère au maire un rôle de contrôle accru sur l’assiduité scolaire. Il aura un rôle à jouer sur le respect de l’obligation scolaire et particulièrement lorsque l’instruction est dispensée à domicile. Depuis, le 14 février 2008, il est autorisé à recueillir des informations sur l’inscription des enfants mineurs. Tout manquement au dispositif légal devra être signalé à l’inspection
académique ou à la justice le cas échéant. Dans le domaine de la santé, la commune tient un fichier des vaccinations condition d’admission dans les établissements scolaires. Toute infraction à l’obligation de vaccination sera signalée au préfet.

Le juge des enfants est saisi lorsque qu’il est possible que l’enfant soit en danger, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger ou que les conditions de son éducation, de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.

L’intervention du tribunal pour enfants (TPE) est spécialement requise lorsque les deux parents sont membres d’une secte et donc que la protection des enfants ne peut être assurée par le juge du divorce.

Ses décisions sont rendues de façon non publique et il est donc difficile de tracer les contours de la jurisprudence en ce domaine.

Le principe est qu’une mesure éducative s’impose lorsque « les conditions de vie de tous les enfants d’une secte sont de nature à compromettre gravement leur évolution et leur équilibre psychologique ». Il a été considéré que sont en danger des enfants que les parents envoient dans une école de la secte en Inde.
Dans ce cadre, ce magistrat peut prononcer des mesures éducatives de type
placement ou suivi éducatif au domicile des parents.
Au-delà des privations de soins et d’aliments ou des violences physiques ou
sexuelles rencontrées dans certains groupes, le choix par des parents d’un mode de vie pour leurs enfants dans un « monde clos » où ils ne sont ni correctement scolarisés ni sérieusement instruits est aussi de nature à justifier un signalement au Procureur de la République sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil, et l’engagement de poursuites par ce dernier.

La Cour de Cassation dans un arrêt du 22 février 2000, confirme une décision qui avait enjoint à la mère de ne pas mettre ses enfants en contact avec des membres du mouvement raëlien, à l’exception d’elle-même et de son compagnon, et de ne pas sortir les enfants du territoire français sans accord écrit de leur père.
Pour la Cour de Cassation, l’arrêt attaqué ne portait pas directement atteinte aux droits et libertés mais soumettait simplement leur exercice à des conditions dictées par le seul intérêt des enfants.

Le rapport d’enquête parlementaire « L’enfance volée » clôturant la Commission parlementaire de 2006 a fait 50 propositions pour protéger les enfants, cibles particulièrement vulnérables, des dérives sectaires.

{{– La sphère du travail}}

Les parlementaires, dans leur rapport de 1999, intitulé « Les sectes et l’argent », ont rappelé que l’enrichissement étant un des principaux objectifs des mouvements sectaires (avec le pouvoir), ces derniers se sont efforcés d’infiltrer les entreprises car ils peuvent en attendre des avantages :

• attirer les fonds, au premier rang desquels ceux de la formation professionnelle, dont le financement est très important et encore insuffisamment contrôlé

• retirer une certaine notoriété

• développer leur prosélytisme

• utiliser leur infiltration comme support de pénétration d’autres structures.

{{Plusieurs axes de la vie professionnelle peuvent être concernés :}}

{{L’exploitation de l’adepte}}

La forte soumission et la dépendance au responsable ou au gourou peuvent
conduire des membres du mouvement à travailler dans des conditions
sanctionnées par la loi au titre du travail dissimulé.

{{La formation professionnelle}}

Il a été jugé également que des salariés pouvaient légitimement refuser de
participer à une action de formation décidée par leur employeur quand les
méthodes utilisées au cours de cette formation se rapprochaient de celles d’un organisme signalé comme étant de caractère sectaire (Cour d’appel de Versailles,22 mars 2001).

{{– La sphère infractionnelle}}

L’infraction de droit commun n’est possible que parce que la victime a d’abord été détruite psychologiquement, placée sous l’emprise d’un groupe ou d’un gourou.
L’emprise est préalable à l’acte délictueux ; le droit commun s’applique dans un domaine spécifique caractérisé par la contrainte psychique.
Il n’y a pas en France de législation « antisecte » mais des textes de droit pouvant s’appliquer aux dérives sectaires. N’oublions pas qu’avant la suppression du service militaire, des condamnations étaient régulièrement prononcées pour refus d’obéissance devant le service national soit à deux ans de service civil soit à 1 an d’emprisonnement ferme.

{{L’application des textes généraux d’incrimination.}}

De très nombreux agissements des mouvements sectaires peuvent tomber sous le coup de la loi pénale et ainsi constituer des dérives. Compte tenu de leur mode d’organisation ou de financement, de l’activité économique qu’ils mettent en place ou du mode de vie qu’ils revendiquent, certains mouvements à caractère sectaire développent des formes particulières de
délinquance.
Il est absolument essentiel, de se référer à la doctrine du mouvement et de
l’intégrer à l’enquête car elle contient de manière quasi systématique l’idéologie qui préconise ou aboutit à la violation de la loi.

Les infractions les plus fréquemment relevées, sans que cette énumération soit exhaustive car l’imagination des gourous est sans limite, sont les suivantes :

• les groupements à prétention thérapeutique ou guérisseuse s’exposent à
commettre des infractions au code de la santé publique, notamment au titre de l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, et dans les cas les plus
graves, cela peut aller jusqu’à l’homicide involontaire :

– la Cour d’appel de Chambéry, le 1er juillet 2004, a condamné Ryke HAMER pour escroquerie et complicité d’exercice illégal de la médecine à trois ans
d’emprisonnement ;

– la Cour d’assises de Quimper, en juin 2005, a condamné des parents adeptes d’une pratique thérapeutique non réglementée (« la kinésiologie ») à cinq ans d’emprisonnement dont une partie avec sursis et mise à l’épreuve pour nonassistance à personne en danger.

• les atteintes aux biens, les faits d’escroquerie ou d’abus de confiance, les
tromperies sur les qualités substantielles ou les publicités mensongères sont
régulièrement signalés dans certains mouvements proposant des prestations de développement personnel ou d’amélioration sensible et rapide des potentialités de leurs clients ou de leurs membres (procès de la Scientologie à Lyon, Tribunal de grande instance, 22 novembre 1996 et Cour d’appel, 28 juillet 1997).

Il faut bien comprendre que l’argent est le moteur de la quasi-totalité des
mouvements sectaires. Il n’est pas rare de voir les adeptes d’un mouvement
vivre dans le plus grand dénuement, car ils ont fait don de tous leurs biens au
groupe avec les conséquences indirectes que cela peut entraîner sur les membres non adeptes de la famille. Le gourou, lui, ne subit pas le même sort : il a en général un train de vie confortable et dispendieux.
Les flux financiers des grands mouvements transnationaux sont extrêmement difficiles à cerner sur le plan fiscal notamment, et la situation patrimoniale peut être obscure. Le rapport parlementaire de 1999 « Les sectes et l’argent » a mis l’accent sur les difficultés de recouvrement des dettes fiscales et l’organisation
d’insolvabilité des mouvements sectaires.

• Les atteintes aux personnes, les violences physiques, les abus sexuels, la non assistance à personne en péril et les privations de soins ou d’aliments au
préjudice de mineurs, sont constatés, le plus souvent, au sein de communautés repliées sur elles-mêmes et résolument coupées du monde extérieur. Au sein des mouvements sectaires, les questions à connotation sexuelle ont un poids important, et revêtent des formes multiples que l’on ne rencontre pas dans le reste de la société. Cela peut servir de moyen d’asservissement des adeptes.

Certains gourous prônent la chasteté pouvant aller jusqu’à la castration. Certains décident quel sera le conjoint de leur adepte. D’autres pratiquent une véritable police inquisitoire auprès des adeptes. Dans certains mouvements, au contraire, une sexualité complètement libre est préconisée, ou de multiples partenaires sont recommandés voire imposés, ou l’on préconise d’avoir des relations sexuelles aussi bien avec des adultes qu’avec des enfants, même si pratiquement tous aujourd’hui s’en défendent vigoureusement.

Parfois le sexe est le moyen de recrutement des nouveaux adeptes, flirty fishing qui peut parfois constituer l’infraction de proxénétisme.

• Les infractions en matière d’obligation scolaire appellent une vigilance toute
particulière. La loi du 18 décembre 1998 renforçant le contrôle de l’obligation
scolaire a créé des incriminations à l’encontre des parents ou des directeurs
d’établissements privés qui ne respecteraient pas leurs obligations à l’égard des enfants (articles 227-17-1 et 227-17-2 du code pénal). La loi du 5 mars 2007, vient renforcer le dispositif de protection des enfants.

• Le cas de la non-dénonciation de crimes mérite également une attention
particulière car il caractérise l’attitude de certains groupes à l’égard de la loi et
de la justice : ils les instrumentalisent toutes les fois que c’est possible dans
l’intérêt du mouvement en tenant à l’écart toute affaire interne qui pourrait
rejaillir sur le groupe. La Cour de Cassation, dans son arrêt de septembre 2000, confirme l’arrêt de la Cour de Montpellier condamnant des membres d’un mouvement qui n’avaient pas dénoncé des faits de violences sexuelles sur mineur, dont ils avaient eu connaissance par confession interne devant le conseil des anciens.

Les incriminations du droit pénal étaient avant 2001 suffisantes pour lutter contre la majorité des agissements dérivant des mouvements sectaires. Toutefois certains comportements restaient en- dehors du champ de la répression et les parlementaires ont voté en 2001 une modification de la loi sur l’abus d’état de faiblesse en y ajoutant l’état de sujétion.

{{– Le cas particulier de la loi ABOUT-PICARD du 12 juin 2001.}}

Cette loi, tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements
portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, est un texte généraliste ne visant pas les seuls mouvements sectaires. Elle est applicable à toute personne morale de droit ou de fait. Ce texte a organisé une nouvelle procédure de dissolution civile des personnes morales et a élargi l’ancienne incrimination d’abus frauduleux de l’état de faiblesse.

Le nouvel article 223-15-2 du code pénal réprime l’abus frauduleux de l’état
d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’un mineur ou d’une personne
particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie ou d’une infirmité.
Il protège aussi, désormais, la personne en état de sujétion psychologique ou
physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement pour la conduire à des actes ou à des abstentions qui lui sont gravement préjudiciables.

Le dossier du fondateur du mouvement Néo-Phare à Nantes a permis la première condamnation définitive sur ce fondement, et plusieurs autres procédures sont en cours dans le domaine des dérives sectaires. Il s’agissait d’agissements particuliers d’un gourou, ayant incité un de ses adeptes à se suicider dans un contexte à connotation religieuse, apocalyptique, ufologique et spirituelle. L’objectif du gourou était d’isoler physiquement et psychiquement les membres du mouvement, de démolir leurs repères pour les soumettre à sa seule volonté.
L’expert psychiatre a eu un rôle déterminant tant à l’instruction (rapport de 50 pages analysant les enregistrements saisis) qu’à l’audience : il a mis en lumière un type de relations très particulier entre les personnes à partir de l’étude des textes (doctrine du mouvement) et des vidéos illustrant les séances du groupe (trois heures de visionnage à l’audience d’une sélection de séances filmées par le groupe lui-même et établissant l’emprise mentale).

Selon la chancellerie 615 personnes ont été condamnées pour abus d’état de
faiblesse dont 558 à une peine d’emprisonnement. Mais il s’agit majoritairement de victimes – au sein du troisième âge – d’abus lors d’un démarchage commercial à domicile. Cette infraction est plus rarement utilisée en matière de dérives sectaires.

{{EN DROIT PRIVÉ DÉCISION
DÉFAVORABLE SI COMPORTEMENT NOCIF
• Sphére familiale : enfant en danger
• Sphère du travail : formation professionnelle
• Sphère infractionnelle :
– violence
– escroquerie
– non respect des obligations scolaires
– non assistance à personne en danger
– non dénonciation des crimes
– homicide involontaire
– etc.
• LOI ABOUT -PICARD : abus de faiblesse}}

{{Le dispositif juridique administratif}}

Si le droit pénal est en matière de dérives sectaires plus visible pour l’opinion
publique, les juridictions administratives rendent également des décisions
importantes dans ce domaine. À titre d’exemple et de façon non limitative, les juridictions administratives ont rendu des décisions sur :

{{- Le refus de soins}}

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a reconnu aux patients un droit d’opposition aux soins.
Il résulte de l’article L.1111-4 du code de la santé publique (CSP) que « […] le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des
conséquences de ses choix ».
Le Conseil d’État s’est prononcé à plusieurs reprises sur la portée du droit d’un majeur de s’opposer aux soins. Par arrêt du 26 octobre 2001, il a jugé que l’obligation de sauver la vie ne prévaut pas sur celle de respecter la volonté du malade.
Évoquant le fond du dossier, la haute juridiction a décidé, cependant, que « compte tenu de la situation extrême dans laquelle le malade se trouvait, les médecins qui avaient choisi,dans le seul but de le sauver, d’accomplir un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état, n’avaient pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’Assistance publique ».
Par ordonnance de référé du 16 août 2002, le Conseil d’État a confirmé cette
jurisprudence […].

S’agissant des mineurs ou des majeurs sous tutelle, leur consentement doit être systématiquement recherché, s’ils sont aptes à exprimer leur volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur, risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables (article L.1111-4 du CSP).

En outre, dans une décision du 24 avril 1992, le Conseil d’État a jugé que des
personnes candidates à l’adoption qui refuseraient d’accepter les transfusions
sanguines « ne présentaient pas les garanties suffisantes en ce qui concerne les conditions d’accueil qu’ils sont susceptibles d’offrir à des enfants » et que leur attitude justifiait un refus d’agrément par le président du Conseil général.

{{– Le cas des assistantes maternelles}}

Dans un jugement du 7 février 1997, le tribunal administratif de Versailles a validé la décision des services de l’aide sociale à l’enfance de retirer son agrément à une assistante maternelle et de ne plus lui confier d’enfants en raison du prosélytisme auquel elle se livrait en faveur du mouvement auquel elle appartenait.

De même, le Tribunal administratif de Lyon, le 3 mars 1998, a justifié le retrait d’agrément d’une assistante maternelle accueillant des enfants à son domicile, par le fait « que l’intéressée refuse d’exercer auprès des enfants des pratiques pédagogiques essentielles : fête de Noël, les anniversaires des enfants, alors que ces festivités constituent des repères familiaux et sociaux essentiels pour les enfants concernés ».

La loi du 27 juin 2005 relative au statut des assistantes maternelles exige que l’agrément dépende de la présentation de garanties pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif.

{{– Le trouble à l’ordre public}}

En la matière, la liberté est la règle et la limitation de cette liberté est l’exception.
La déclaration des Droits de l’Homme de 1789 affirme dans son article 10 : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». L’expression et la mise en oeuvre des convictions religieuses, philosophiques ou morales peuvent ainsi donner lieu à abus et porter atteinte à l’ordre public, dans ses composantes relatives à la santé, à la sécurité, à la tranquillité, à la moralité et à la prévention des activités pénalement sanctionnées. L’atteinte à l’ordre public doit, bien sûr, reposer sur des faits précis résultant des actions ou abstentions des individus ou
des mouvements concernés.

La jurisprudence Benjamin (Conseil d’État 19 mai 1933) marque l’étendue du contrôle du juge sur le respect des libertés publiques. Le Conseil d’État a annulé l’interdiction par un maire de deux réunions qui devaient entraîner une contre-manifestation, estimant que la liberté devait prévaloir et que seule l’impossibilité avérée de réunir les forces de l’ordre aptes à protéger ce droit justifiait une telle mesure.

Traditionnellement, l’ordre public représente une trilogie : la préservation de la
tranquillité, de la salubrité et de la sécurité publiques. Il s’agit de préserver un
« ordre matériel et extérieur », sans se préoccuper de ce qui relève des idées, ni des comportements.

Toutefois, des circonstances locales permettent d’adapter cette notion. Par exemple, il peut « y avoir trouble à l’ordre public à diffuser une oeuvre blasphématoire dans une ville de pèlerinage, ou un film évoquant une affaire criminelle dans la localité où celle-ci s’était déroulée ».

{{À noter :}} Dans le cadre d’un dossier d’adoption, l’intérêt, les convictions religieuses, philosophiques ou morales des parents candidats, constituent pour les juridictions administratives un motif de refus d’agrément lorsqu’elles peuvent avoir des incidences sur la santé de l’enfant, comme l’adhésion au dogme du refus de la transfusion sanguine. Pour l’octroi, le refus ou la suspension de l’agrément d’une assistante maternelle, le président du conseil général peut invoquer des comportements éducatifs risquant de marginaliser l’enfant : rigidité ou austérité excessive, absence de réjouissances collectives, participation aux activités de la secte, régime alimentaire inadapté…

{{DISPOSITIF JURIDIQUE ADMINISTRATIF
DÉCISION DÉFAVORABLE, si RISQUE de
• Refus de soins
• Prosélytisme auprès d’enfants
• Trouble à l’ordre public
• etc.}}

{{Le recours des organisations sectaires à la Cour européenne des droits de
l’homme : la jurisprudence actuelle}}

La Convention européenne des droits de l’homme, tout comme le législateur
français, ne définit pas le mot secte.

• L’article 9 affirme le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

• L’article 14 prohibe les distinctions fondées, notamment, sur la religion.

• Enfin, l’article 2 du protocole additionnel exige des États membres qu’ils
respectent le droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement (de leurs enfants) conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques, ce qui n’empêche pas, toutefois, l’application de la Convention des droits de l’enfant.

Cette Convention, ratifiée par la France, souligne en préambule qu’« il importe de préparer pleinement l’enfant à avoir une vie individuelle dans la société », puis énonce que les mineurs doivent pouvoir accéder aux informations d’où qu’elles viennent (article 13) que leurs sources d’informations doivent être diverses (article 17), qu’ils doivent avoir accès à tous les enseignements et à toutes les formations (article 28), de même qu’à la vie culturelle et artistique (article 31), qu’il faut favoriser le développement de leurs aptitudes (article 29).

Ainsi, la religion apparaît par trois fois dans la Convention et ses protocoles, tandis que les mouvements sectaires ne sont jamais mentionnés. La Cour européenne des Droits de l’Homme a un grand souci de protéger la liberté de conscience et de religion et le pluralisme religieux qui en est la conséquence. Elle prend donc soin de ne pas différencier les « sectes » des « religions » dites traditionnelles. Toutefois, elle n’a jamais eu à statuer sur des griefs de personnes se prétendant victimes d’agissements de sectes. Les requêtes jugées émanaient d’adeptes actifs de mouvements qui revendiquent la liberté de conscience et de religion. Il est possible qu’à l’avenir les victimes des mouvements sectaires la saisissent à leur tour et que l’exploitation faite des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme
(CEDH) par les organisations sectaires ne soit plus aussi facile pour elles. […]

{{Conclusion}}

Cet inventaire non limitatif montre que, contrairement aux idées reçues la justice n’est pas indifférente aux dérives des mouvements sectaires. Son approche est nuancée, équilibrée et au cas par cas.

Reste que des améliorations peuvent être apportées en vue d’améliorer le système de lutte contre les dérives sectaires, mis en place. La création du groupe spécialisé de l’office central de répression des violences faites aux personnes (OCRVP) tant au niveau déconcentré qu’au niveau central constitue un précieux levier pour épauler au niveau des services d’enquête l’action de la justice pénale.

Ainsi, l’encadrement législatif est suffisant et doit être maintenu en l’état. Il
permet, de comprendre et réprimer les dérives commises sous emprise mentale.
Cela n’exclut pas des améliorations n’entrant pas dans le champ de réformes
législatives comme :
• reconnaître le préjudice direct des parents sous emprise
• faire évaluer par le ministère de la santé les thérapies déviantes
• faire savoir que la MIVILUDES et ses membres peuvent être entendus comme sachant, dans le cadre de procédures judiciaires soit par le juge, soit par les services enquêteurs
• mettre en place une coopération policière et judiciaire européenne sur la matière
• mutualiser les savoirs et les compétences. Il paraît évident qu’une compréhension toujours plus fine, que peuvent apporter les services opérationnels, les psychologues, les psychiatres, les avocats, l’ordre des médecins notamment, peut nous permettre de gagner encore en efficacité.
• oeuvrer au plan européen pour tendre à la généralisation de la Loi ABOUT-PICARD
• metttre en place d’une façon générale coopération et échange d’informations européens en prenant garde à ne pas laisser infiltrer un éventuel organisme par les faux nez de mouvements sectaires déviants.

{{Pour aller plus loin :
Ne pas manquer le livre de François PIGNIER : Les dérives sectaires face au droit français. Éditeur CCMM, 2011.
}}