Le Vatican vient de reconnaître une association de prêtres exorcistes. Rien de bien sorcier: les prêtres exorcistes sont nommés officiellement par leur diocèse. Mais ce n’est pas le cas partout: les exorcistes, en Belgique comme ailleurs, changent de visages selon les cultes.

La semaine dernière, le Pape, ou plus précisément la congrégation pour le clergé, reconnaissait juridiquement les statuts de l’Association Internationale des Exorcistes. Si le terme d’exorcisme évoque a priori une forme de sorcellerie digne de l’époque médiévale ou de films d’horreur glaçants, il n’en recouvre pas moins une réalité qui fait partie intégrante de la vie religieuse actuelle… y compris en Belgique!

Chaque diocèse dispose en effet d’un prêtre exorciste désigné officiellement par l’évêque. Mais on est loin des scènes violentes de l’imaginaire populaire, comme l’explique Tommy Scholtès, porte-parole des évêques belges: «Il s’agit davantage d’un accompagnement spirituel et psychologique de personnes qui expriment un certain mal-être. Le prêtre conseillera d’ailleurs parfois de rencontrer un psychologue. Les vrais exorcismes pour des fidèles qui ont l’impression d’avoir vu le diable ou d’être possédés sont rares». Dans de tels cas, une prière de délivrance peut être prononcée, dans une cérémonie très codifiée. Des formations sont par ailleurs régulièrement organisées à Rome pour les prêtres en question.

Une codification qui n’est pas de mise dans le culte protestant évangélique, qui ne reconnaît aucun exorciste officiel. «S’il doit y avoir un exorcisme, c’est la communauté elle-même, via son simple pasteur qui intervient», explique Yves Gabel, pasteur bruxellois, responsable pour la communication des évangéliques francophones. Là encore, parler d’exorcisme est un grand mot: «Je ne crois pas à l’acte magique, affirme le pasteur qui, sur sa carrière, a eu affaire à une dizaine de cas. Mais, comme la parole d’un psy, la parole d’un prêtre ou d’un pasteur peut amener quelqu’un à changer de vie». Par «exorcisme», il comprend donc «une écoute attentionnée» et, parfois, quelques gestes: apposer les mains sur le visage, lire un extrait de la bible, mais «sans bougies, ni cinéma!». Pourtant, des dérives existent «aux frontières des mouvements chrétiens ou protestants, dans les milieux non-reconnus par l’État ou les milieux ethniques traditionnels africains ou sud-américains».

Les églises pentecôtistes, grandes adeptes de l’exorcisme
Des mouvements également pointés par le Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN). Ce dernier est régulièrement contacté par des personnes inquiètes pour un membre de leur entourage lorsque celui-ci intègre une communauté religieuse pratiquant des exorcismes. Un rituel régulièrement pratiqué chez les Pentecôtistes dont les adeptes se comptent par milliers en Belgique. Le pentecôtisme est un courant de l’évangélisme donnant une place prépondérante aux récits de la Pentecôte relatant l’irruption du Saint-Esprit sur les apôtres réunis à Jérusalem, et à l’inerrance de la Bible qui, dès lors, ne contient aucune erreur. C’est d’ailleurs ce qui le distingue des autres confessions. En Belgique, le Pentecôtisme est très répandu dans les communautés africaines et sud-américaines dont nombre sont implantées à Bruxelles, du côté de Matongé, de Saint-Gilles et d’Anderlecht.

«Ces églises accordent une importance particulière à Satan et attribuent souvent les difficultés personnelles des fidèles à une possession démoniaque», explique Anne-Sophie Lecomte du CIAOSN. L’exorcisme (ce terme n’est toutefois jamais employé en tant que tel au sein des communautés pentecôtistes) se pratique au cours d’une cérémonie religieuse appelée «délivrance» ou «cure d’âme». Présent dans le public, le fidèle est appelé à rejoindre le pasteur sur l’estrade. «S’en suit une apposition des mains accompagnée d’une série de paroles dans le langage «du Saint-Esprit». «En réalité, c’est une glossolalie, un enchaînement de syllabes ou de langues étrangères», précise la spécialiste. «Il arrive alors que la personne entre en transe, soit prise de tremblements, gesticule ou s’effondre sur le sol». Aussi impressionnant soit-il, le rituel ne représente pas un danger pour le fidèle. «A notre connaissance, aucun cas d’exorcisme au sein de cette communauté ayant eu des conséquences dommageables pour la personne exorcisée, n’est à déplorer».

Le danger de détourner une personne malade de son traitement médical est, par contre, plus à craindre. «Si vous avez un cancer ou que vous êtes schizophrène mais que le pasteur, lui, vous dit que vous souffrez parce que Satan est en vous et qu’il va vous guérir par un exorcisme, c’est évidemment problématique».

Attention aux «imams autoproclamés»
Des dérapages, la communauté musulmane en a connus. Yacob Mahi, membre du conseil des théologiens, reconnaît qu’ils ont à plusieurs reprises été consultés pour des cas limites: «Certains imams autoproclamés sont des charlatans et cela peut mener à des pratiques dangereuses: immobilisation des genoux et des poignets, multiples bouteilles d’eau à ingurgiter, attouchements, coups». Autant de pseudo-rituels issus de croyances populaires, dans les Djinns par exemple, unanimement condamnés par l’Islam et les théologiens. Si un fidèle se présente à son imam et témoigne de son mal-être, il se verra au mieux offrir quelques lectures coraniques et un accompagnement spirituel en complément d’une aide médicale ou psychologique, souvent conseillée. Consciente des risques que courent les personnes les plus vulnérables, la ligue des imams initie parfois des campagnes de sensibilisation: dans leur prêche du vendredi, tous les imams du pays vont alors aborder le sujet. Et quand le conseil des théologiens est interrogé sur une pratique suspecte, il encourage les victimes à porter plainte. Mais ne peut s’en saisir personnellement.

En 2012, toute la presse avait relayé le procès de six personnes de confession musulmane qui s’étaient livrées à de multiples faits de torture sur une jeune femme, Latifa Hachmi, prétendument possédée par de mauvais esprits qui l’empêchaient d’avoir un enfant. Elle était décédée de ses blessures. Le mari de la jeune femme et le directeur de la secte avaient été condamnés à 9 ans de prison.

source : Le Soir
Mardi 8 juillet 2014
par Ludivine Ponciau, Elodie Blogie

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