LE MONDE | Article paru dans l’édition du 06.02.08.

Le gouvernement souhaite donner une inflexion nouvelle à la lutte contre les dérives sectaires. Rompant avec la démarche symbolisée par les travaux des commissions parlementaires sur les sectes de 1995, 1999 et 2006 ou les rapports annuels de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) qui ont dressé des listes de mouvements et ont dénoncé des comportements potentiellement dangereux, le ministère de l’intérieur souhaite mettre l’accent sur la répression.

Cette approche a été explicitée par la ministre, Michèle Alliot-Marie, lundi 4 février, aux responsables de la police, de la gendarmerie et de la Préfecture de police.

A première vue, la feuille de route livrée par la ministre relance la mobilisation contre les dérives sectaires. Elle prône aussi une meilleure coopération avec les services sociaux, éducatifs, fiscaux ou judiciaires. Mme Alliot-Marie a souligné “l’importance des risques, et les nouvelles formes d’action aujourd’hui plus diffuses, dans des domaines tels que la formation, l’accompagnement personnel, les activités paramédicales”. La ministre a insisté pour que ces sujets fassent l’objet “d’une attention particulière des services de police judiciaire, sous le contrôle du juge pénal”.

Il s’agit de “poursuivre et de réprimer des comportements caractérisés de troubles à l’ordre public ou des infractions pénales avérées” plutôt que de s’en tenir à “une vision arbitraire, stigmatisant a priori” des mouvements sur la base de critères ” peu rigoureux”, indique-t-on au ministère. Une critique à peine voilée des travaux de la Miviludes, dont les orientations pourraient être redéfinies, même si sa dissolution est démentie par les services du premier ministre, dont elle dépend. Cette approche “libérale mais ferme” s’accompagne d’un discours ministériel fondé sur “la liberté de croyances et de conviction de tous”, qui illustre le concept de “laïcité positive” défendue par Nicolas Sarkozy.

Cet aspect inquiète le milieu anti-sectes. “Dans un contexte qui prône le religieux à tout va, il ne faut pas grand-chose pour que les sectes entrent par la porte”, estime Catherine Picard, présidente de l’Union nationale des associations de défense des victimes de sectes (Unadfi). “Je suis sur la même ligne que Nicolas Sarkozy sur la liberté de pensée et de religion”, souligne Alain Gest, député (UMP, Somme), président de la commission parlementaire sur les sectes en 1995, “mais il faut différencier entre une religion et un mouvement qui porte préjudice à la population”.

A leurs yeux, l’aspect principalement répressif est problématique. “Au-delà de l’abus de faiblesse ou de l’escroquerie, les victimes ne peuvent pas toujours faire référence à des lois existantes pour porter plainte et les infractions sont difficiles à matérialiser”, indique M. Gest. Dans ce cadre, la Miviludes joue un rôle de “prévention et d’information indispensable”.

Jusque-là largement fondée sur des rapports des renseignements généraux (RG), la connaissance des milieux sectaires pourrait à l’avenir s’appuyer sur des recherches universitaires, comme en Grande-Bretagne. Au-delà des groupes régulièrement soupçonnés de dérives, comme l’Eglise de scientologie, les Témoins de Jéhovah ou certains mouvements évangéliques, les RG peinent à travailler sur les petites structures, volatiles, qui concentrent une grande partie des risques.

Stéphanie Le Bars